* Israël répète sa volonté de mener une offensive à Rafah

* Des chars d'assaut positionnés à l'est de la ville, ciblée par des bombardements

* Les Etats-Unis affichent leur opposition à une opération à Rafah

* Joe Biden menace de ne pas fournir d'armes à Israël

* Fin sans accord du cycle de pourparlers organisé au Caire

par Nidal al-Mughrabi, Mohammad Salem et Jarrett Renshaw

LE CAIRE/RAFAH, Bande de Gaza/WASHINGTON, 9 mai (Reuters) - D es chars et des avions israéliens ont bombardé jeudi des zones de Rafah, au sud de la bande de Gaza, alors même que les Etats-Unis ont exprimé leur opposition à une offensive majeure dans la ville considérée comme le dernier refuge relatif pour les civils palestiniens, menaçant de suspendre leurs livraisons d'armes.

En marge des opérations militaires d'Israël, le dernier cycle de négociations indirectes au Caire entre l'Etat hébreu et les groupes palestiniens a pris fin sans accord, a déclaré un haut représentant israélien, ajoutant que la délégation dépêchée dans la capitale égyptienne avait exprimé ses réserves à l'égard des propositions du Hamas et rentrait en Israël.

Deux sources sécuritaires égyptiennes ont fait part d'avancées dans les négociations destinées à conclure un cessez-le-feu et à permettre la libération d'otages, tout en confirmant l'absence d'un accord.

La délégation du Hamas est repartie à Doha au Qatar, où se trouve son bureau politique, imputant à Israël l'absence d'un quelconque accord.

Israël se dit ouvert à la conclusion d'une trêve mais a rejeté l'une des principales requêtes du Hamas - un cessez-le-feu définitif dans la bande de Gaza.

L'Etat hébreu va poursuivre comme prévu ses opérations à Rafah, à la frontière avec l'Egypte, et dans d'autres zones de la bande de Gaza, a indiqué le haut représentant israélien, en écho à des commentaires du Premier ministre Benjamin Netanyahu et du ministre de la Défense, Yoav Gallant.

CHARS D'ASSAUT MASSÉS AUX PORTES DE RAFAH

Le Hamas et le Djihad islamique ont dit avoir tiré des roquettes et des mortiers en direction des chars d'assaut israéliens massés en périphérie est de Rafah, seule ville de la bande de Gaza où l'armée israélienne n'a pas encore mené d'invasion terrestre depuis le début du siège total de l'enclave lancé en réponse à l'attaque du Hamas le 7 octobre dernier.

Selon des habitants et des médecins, une attaque de Tsahal contre une mosquée de l'est de Rafah a tué au moins trois personnes et blessé plusieurs autres.

Des vidéos montrent le minaret jonché sur des ruines et deux cadavres enveloppés dans des couvertures.

Un hélicoptère israélien a ouvert le feu dans un quartier de la pointe orientale de Rafah, ont rapporté des habitants, ajoutant que des drones ont survolé les maisons, parfois en rasant leurs toits.

Israël dit vouloir éradiquer à Rafah le dernier bastion du Hamas, un objectif qualifié de prioritaire pour la sécurité de son Etat.

Plusieurs pays occidentaux et les Nations unies ont prévenu qu'un assaut à Rafah, où sont massés près de la moitié des 2,3 millions de Gazaouis ayant fui les combats, serait à même de provoquer une catastrophe humanitaire.

Le président américain Joe Biden pense qu'une opération militaire majeure israélienne à Rafah ne fera pas avancer l'objectif d'éradiquer le Hamas dans la bande de Gaza, a déclaré jeudi la Maison blanche.

"S'IL LE FAUT, NOUS COMBATTRONS AVEC NOS ONGLES"

Joe Biden a exprimé à plusieurs reprises son opposition à un assaut à Rafah sans un plan pour protéger les civils palestiniens massés dans la ville, considérée comme le dernier abri relatif depuis le début des combats dans l'enclave.

Il a décidé de mettre "en pause" une livraison de munitions à Israël, comme l'a indiqué le secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin, et menacé de suspendre les livraisons d'armes à Israël si une opération de grande ampleur était lancée à Rafah.

"J'ai fait comprendre clairement que s'ils entrent dans Rafah (...) je ne fournis pas les armes", a déclaré Joe Biden dans un entretien à la chaîne américaine CNN mercredi soir.

Les Etats-Unis, alliés de longue date d'Israël, sont le principal fournisseur d'armes de l'Etat hébreu. Ils ont accéléré les livraisons et renforcé leur aide militaire à la suite de l'attaque du Hamas en octobre dernier.

Dans une vidéo diffusée jeudi, Benjamin Netanyahu a semblé faire fi des déclarations de Joe Biden, déclarant que "s'il le faut, nous combattrons avec nos ongles".

Le ministre israélien de la Défense a pour sa part prévenu les "amis et ennemis" d'Israël que celui-ci réalisera ses objectifs dans la bande de Gaza. "L'Etat d'Israël ne peut pas être soumis", a dit Yoav Gallant. "Nous allons réaliser nos objectifs; nous allons frapper le Hamas, nous allons frapper le Hezbollah (libanais), et nous parviendrons à la sécurité".

LES CIVILS DÉPLACÉS CRAIGNENT UNE INVASION

A Rafah, l'un des déplacés par les combats dans la bande de Gaza a déclaré craindre que les bombardements israéliens soient un prélude à une invasion de la ville, par laquelle transitait une grande partie de l'aide humanitaire depuis le début du siège total de l'enclave palestinienne.

"Cela me rappelle ce qui est arrivé avant que les chars israéliens ne fassent irruption dans les zones résidentielles de la ville de Gaza", a dit Mohammad Abder-Rahman, 42 ans.

"Les lourds bombardements permettent généralement aux chars d'avancer dans les zones qu'ils ont l'intention d'envahir", a-t-il ajouté via une application de messagerie.

Près de 35.000 personnes, pour la plupart des civils selon les autorités sanitaires gazaouies, ont été tuées dans la bande de Gaza depuis le début de l'offensive lancée par Israël en réponse à l'attaque du Hamas lors de laquelle 1.200 personnes ont été tuées.

Une nouvelle phase du siège total de l'enclave par Tsahal semble avoir débuté plus tôt cette semaine, avec la prise de contrôle de la partie palestinienne du point de passage frontalier de Rafah.

"LE SECTEUR MÉDICAL S'EST EFFRONDRÉ"

D'après l'Onu, les avancées de l'armée israélienne ont contraint 80.000 personnes à fuir Rafah cette semaine.

La quasi-totalité des habitants de la bande de Gaza ont été déplacés au moins une fois depuis le début des combats dans l'enclave.

"Le tribut payé par ces familles est insupportable. Aucun lieu n'est sûr", a déploré l'Office de secours et de travaux de l'Onu pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) sur le réseau social X.

Dans un communiqué quotidien sur ses opérations dans la bande de Gaza, jeudi, l'armée israélienne n'a pas fait mention de la ville de Rafah.

Selon des habitants, des frappes israéliennes ont été menées en différents points de l'enclave palestinienne, notamment au nord du territoire, dans un des quartiers de la ville de Gaza, forçant des centaines de familles à fuir. Tsahal a dit sécuriser la zone et frapper des "cibles terroristes".

Au coeur de la bande de Gaza, la ville de Deir al-Balah a vu arriver de nombreuses personnes ayant fui Rafah ces derniers jours. Une frappe de drone y a fait deux morts, dont une femme, ont rapporté des médecins palestiniens.

Le blocage par l'armée israélienne du point de passage de Rafah empêche l'évacuation de blessés et de malades ainsi que l'acheminement de fournitures médicales, a déclaré le ministère gazaoui de la Santé.

"De l'aide médicale arrivait généralement, mais ce n'est plus le cas", a déploré Ali Abou Khourma, un chirurgien jordanien travaillant comme volontaire à l'hôpital Al-Aqsa, à Deir al-Balah. "Le secteur médical tout entier s'est effondré". (Reportage Nidal al-Mughrabi au Caire, Mohammad Salem à Rafah, Jarrett Renshaw à Washington, avec Maytaal Angel à Jérusalem, Ahmed Mohamed Hassan au Caire, Doaa Rouqa à Gaza; rédigé par Jean Terzian)