* Une baisse des taux en juin "peut être appropriée" selon les données

* La BCE prendrait un risque en assouplissant prématurément sa politique

* La trajectoire future des taux ne peut être définie à l'avance

* Le rendement du Bund allemand à dix ans remonte autour de 2,5%

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par Leika Kihara et Satoshi Sugiyama

TOKYO, 17 mai (Reuters) - Isabel Schnabel, membre du conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne, estime que la BCE pourrait abaisser ses taux directeurs en juin mais elle préconise la prudence au-delà de cette échéance en raison des incertitudes sur les perspectives d'inflation, rapporte vendredi le quotidien économique et financier japonais Nikkei.

La BCE a laissé ses taux inchangés le mois dernier, mais a clairement laissé entendre qu'elle procéderait à une baisse des coûts d'emprunt cette année, très probablement à l'issue de sa réunion du 6 juin, si les données relatives aux salaires et à l'inflation restaient sur leur trajectoire actuelle, qui est relativement bénigne.

"En fonction des données reçues et des nouvelles projections des services de l'Eurosystème, une baisse des taux en juin pourrait être appropriée", a déclaré Isabel Schnabel dans une interview accordée à Francfort à Nikkei et publiée vendredi sur le site du journal.

"Mais la trajectoire au-delà de juin est beaucoup plus incertaine. Les données récentes ont confirmé que la dernière étape de la désinflation est la plus difficile", a-t-elle ajouté.

Après plusieurs années d'inflation "très élevée" et alors que les risques liés aux prix sont toujours orientés à la hausse, avancer le calendrier des réductions de taux risquerait d'assouplir prématurément la politique monétaire, a-t-elle fait valoir.

"De nouveaux progrès en matière d'inflation, et en particulier sur l'inflation domestique, qui s'avère plus difficile à maîtriser, sont nécessaires pour renforcer notre confiance dans un retour durable de l'inflation à notre objectif de 2% en 2025 au plus tard", a-t-elle poursuivi.

Selon Isabel Schnabel, la BCE ne peut s'engager à l'avance sur une trajectoire spécifique de taux en raison de la "très grande incertitude" concernant les perspectives d'inflation.

"Nous devons agir avec prudence. Nous devons examiner très attentivement les données parce qu'il y a un risque d'assouplissement prématuré", a-t-elle dit, répondant à une question sur le rythme de la baisse des taux de la BCE cet été, précise le Nikkei.

Isabel Schnabel a également noté que les chocs géopolitiques, comme une aggravation des tensions au Moyen-Orient, pourraient constituer une menace sur les perspectives d'inflation.

"À plus long terme, la fragmentation géopolitique ferait peser des risques supplémentaires sur l'inflation en réduisant l'efficacité et la fiabilité des chaînes d'approvisionnement mondiales", a-t-elle dit.

Sur les marchés obligataires en zone euro, le rendement du Bund allemand à dix ans monte de quatre points de base vendredi, à 2,482%.

Les marchés anticipent désormais une baisse des taux de la BCE de 68 points de base (pdb) en 2024, contre une réduction de 72 points jeudi.

Sollicitée pour un commentaire sur le yen, le marché soupçonnant les autorités japonaises d'être intervenues récemment pour soutenir leur monnaie, Isabel Schnabel a refusé de s'exprimer, selon le Nikkei.

La perspective que les taux d'intérêt japonais resteront bien inférieurs à ceux des Etats-Unis a poussé le yen à un plus bas de 34 ans, à 160,245 pour un dollar, le 29 avril.

Interrogée sur l'impact sur le marché des devises d'une baisse probable des taux de la BCE avant ceux de la Fed, Isabel Schnabel a dit qu'il ne fallait pas "exagérer l'importance de la divergence des politiques monétaires".

"Depuis le début de l'année, quatre baisses de taux ont été anticipées pour les Etats-Unis et trois pour la zone euro", a-t-elle rappelé.

"La corrélation des attentes en matière de politique monétaire dans les deux blocs reste élevée au regard des données historiques. Cela s'est traduit par des mouvements de taux de change plutôt limités de l'euro par rapport au dollar américain depuis le début de l'année", a-t-elle noté. (Reportage Leika Kihara et Satoshi Sugiyama; version française Claude Chendjou, édité par Kate Entringer)