par Philip Blenkinsop

Ces dernières années, aucun autre pays de la zone euro n'a réduit aussi rapidement son niveau d'endettement, passé de 134% du produit intérieur brut (PIB) en 1993 à 84% en 2007.

L'exemple venu de Bruxelles l'atteste: il est possible de dégonfler en quelques années la bulle de la dette publique si des décisions énergiques sont mises en oeuvre. Certains gouvernements européens s'y attachent, à l'image de l'Irlande, qui a réduit les salaires de ses fonctionnaires dans des proportions allant de 5% à 15%.

Mais l'exemple belge montre également à quel point le niveau de l'endettement peut être tributaire de la situation politique.

La crise de la dette belge trouvait ses racines dans les années 1970, lorsque les gouvernements des différentes communautés linguistiques ont commencé à s'affronter alors que le gouvernement fédéral cherchait à tout prix à soutenir les secteurs déjà malades de la sidérurgie et du charbon.

La résolution de la question de la dette ne figurait alors pas du tout parmi les priorités de Bruxelles.

"Le problème des déficits budgétaires est arrivé de lui-même, il partira de lui même", déclarait ainsi le ministre du Budget Guy Mathot au début des années 1980, alors que la dette approchait 100% du PIB.

Entre 1981 et 1986, la Belgique a connu des déficits à deux chiffres, concurrençant ainsi la Grèce, souvent présentée comme le pays de la zone euro ayant les pires difficultés budgétaires.

GRAND PLAN

Le déficit d'Athènes devrait grimper cette année à 12,7% du PIB alors que le montant total de la dette publique est attendu à 121% du PIB en 2010.

"La situation peut très vite vous échapper, il y a un effet boule de neige", commente Ivan Van de Cloot, du cercle de réflexion Itinera Institute.

Mais l'abcès budgétaire belge a commencé à se résorber au milieu des années 1990 avec la mise en oeuvre du "Grand Plan" promu par le Premier ministre d'alors Jean-Luc Dehaene et par Herman Van Rompuy, ministre du Budget à l'époque et choisi depuis pour prendre la présidence du Conseil européen.

Ce plan, adopté alors que le pays s'extirpait de la récession, consistait à augmenter les impôts tout en coupant dans les dépenses.

"Pour un certain nombre d'économistes, la Belgique était folle et ils étaient certains qu'un tel procédé ferait passer le pays de la récession à la dépression, mais il s'est avéré qu'ils avaient tout faux. Cela a accru la confiance dans le pays", rappelle Jacques de Pover, économiste de Dexia Bank.

Jan Randolf d'IHS Global Insight juge que la diminution des dépenses a permis à la Belgique de cesser de financer des activités publiques inefficaces.

LA GRÈCE ET L'EURO

"L'histoire des finances montre que lorsqu'un pays sort du déni et engage des actions fermes, cela a un effet psychologique très fort sur le secteur privé, qui devient le moteur de la croissance."

Une telle trajectoire est concevable en Grèce même si les deux pays offrent des situations différentes.

D'une part, l'économie belge est plus diversifiée que son homologue grecque, surtout tournée vers l'agriculture, le tourisme et le secteur maritime. D'autre part, Athènes est confrontée à de très importants problèmes d'évasion fiscale.

Qui plus est, la Belgique a mis en place son plan de désendettement dans une période où la sortie de crise était favorisée par une croissance robuste alors que tout laisse à penser que la croissance sera molle au cours des années à venir.

Mais, plus important encore, il n'y a pas en Grèce le consensus politique qui existait en Belgique lors de la mise en oeuvre du Grand Plan.

Le parlement grec a adopté un budget 2010 censé permettre de ramener le déficit sous la barre des 10% mais de nombreux analystes jugent qu'il faudra davantage de réformes structurelles pour le dégonfler durablement.

La volonté exprimée par le gouvernement d'augmenter les salaires des fonctionnaires les moins payés dans une proportion supérieure à l'inflation en est l'exemple, et le gouvernement est toujours sous la menace de grèves si des réformes intervenaient sur la question des salaires ou des retraites.

Dans les années 1990, c'est la volonté de la Belgique d'entrer dans la zone euro qui a incité les gouvernements à ne pas négliger la question des déficits.

Or, la Grèce a déjà adopté la monnaie unique et, une fois à l'intérieur de la zone euro, rien n'empêche dans les faits de ne pas respecter les critères en matière de déficits.

En effet, alors que plusieurs pays ont, à plusieurs reprises, affiché des déficits supérieurs aux 3% requis par les critères de convergence, la Commission s'est contentée de leur adresser quelques avertissements, sans jamais leur infliger la moindre sanction.

Version française Nicolas Delame