(Avec réaction du ministère français des affaires étrangères)

par Sui-Lee Wee

PEKIN, 31 décembre (Reuters) - La Française Ursula Gauthier, correspondante de L'Obs en Chine, a dû quitter ce pays jeudi, Pékin refusant de renouveler son accréditation pour 2016 après un article sur la politique du gouvernement chinois dans la région autonome du Xinjiang.

C'est la première fois depuis plus de trois ans qu'un journaliste est obligé de quitter la Chine pour non renouvellement de son visa.

A Paris, où Ursula Gauthier est attendue vendredi matin, le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères a regretté la décision des autorités chinoises.

Il a invité celles-ci à reconsidérer leur décision, afin que la journaliste "puisse revenir exercer sa mission en Chine".

"La France rappelle son attachement au libre exercice du métier de journaliste partout dans le monde", a-t-il ajouté.

Samedi dernier, le ministère chinois des Affaires étrangères a expliqué qu'Ursula Gauthier ne pourrait plus travailler en Chine parce qu'elle n'avait pas présenté d'excuses publiques pour un article paru le 18 novembre sur le site internet de l'hebdomadaire.

La journaliste y soulignait que quelques heures après que le président chinois Xi Jinping eut déclaré que la Chine se tenait aux côtés de la France après les attentats du 13 novembre à Paris et Saint-Denis, le ministre chinois de la Sécurité publique annonçait l'arrestation de suspects pour l'attaque d'une mine de charbon en septembre dans le Xinjiang.

"Belle solidarité, mais non dénuée d'arrière-pensées", écrivait Ursula Gauthier.

Ces trois dernières années, plusieurs centaines de personnes sont mortes dans les troubles au Xinjiang, la région autonome des Ouïghours, des musulmans sunnites turcophones, et d'autres parties de la Chine.

Le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères Lu Kang a accusé la journaliste française de "soutenir ouvertement le terrorisme" par cet article.

Ursula Gauthier dit avoir eu des entretiens avec des responsables du ministère par trois fois depuis fin novembre, après un article du Global Times, une publication contrôlée par l'Etat chinois, critiquant l'article qu'elle avait écrit sur la politique chinoise dans le Xinjiang.

"Ils voulaient que je présente des excuses publiques pour mes torts. Je ne peux pas m'excuser pour les crimes que je n'ai pas commis", a déclaré à Reuters la journaliste, qui dit avoir reçu des menaces de mort.

Prié de dire si elle serait autorisée à revenir en Chine, Lu Kang a déclaré jeudi que "la décision lui revenait". Il a par ailleurs souligné qu'elle n'avait pas contacté la police après les menaces de mort qu'elle dit avoir reçues.

En mai 2012, Melissa Chan, journaliste pour le service en langue anglaise de la chaîne de télévision Al Djazira, avait été contrainte de quitter la Chine.

Les autorités avaient refusé de renouveler son visa pour violation non précisée de la législation chinoise. Il s'était agi à l'époque du premier cas de ce genre depuis 13 ans. (Avec Joseph Campbell, Ben Blanchard et Emmanuel Jarry à Paris; Danielle Rouquié pour le service français, édité par Jean-Stéphane Brosse)