La semaine dernière, les marchés boursiers étaient bien mal embarqués, quand un retournement assez brutal s'est produit aux Etats-Unis. Ce changement a été alimenté par un bouleversement dans la narration sur la politique monétaire de la Fed. A ce stade, je ne me risquerai pas à parler de virage à 180°, mais le mouvement semble assez puissant pour faire réémerger un concept qui avait été enterré il y a quelques mois : le "Fed Put". Oulah, de quoi parle-t-il dès le lundi matin celui-là. Je vais essayer d'être didactique pour ne perdre personne en route. La semaine dernière, il s'est passé trois choses importantes à partir de mercredi en bourse. Dans le désordre :

  • Apple a publié des chiffres pas terribles mais pas affreux, tout en dégainant un programme de rachat d'actions XXL. L'annonce a soutenu les indices, mais c'est presque de la petite histoire par rapport au reste.
  • La banque centrale américaine a laissé ses taux inchangés (c'était prévu), a renoncé à brandir la menace d'une politique monétaire plus punitive (c'était un peu moins prévu) et a réduit son programme de QT, ou quantitative tapering (c'était inattendu). Le QT c'est le dispositif qui fait que la Fed allège son bilan après avoir racheté pendant des années des charrettes entières d'obligations pour soutenir l'économie. Le montant du programme a été grosso modo divisé par deux, ce qui signifie que la banque centrale ralentit l'allègement de son bilan, ce qui de facto lui permet de laisser davantage de liquidités dans le système.
  • Plusieurs statistiques américaines sont ressorties dégradées sur la semaine. Le PMI manufacturier de Chicago qui a bu la tasse, la confiance des consommateurs qui s'est dégradée et l'ISM des services qui est retourné en zone de contraction. Mais par-dessus tout, c'est la dégradation du rapport mensuel sur l'emploi qui a marqué les esprits, avec une remontée du taux de chômage, moins de créations que prévu et une hausse du salaire horaire peu vigoureuse. Dans les petites lignes du rapport, on pouvait aussi lire que les PME recrutaient nettement moins et que les secteurs cycliques avaient nettement moins de postes ouverts. Bref, la situation a l'air de se dégrader sur le front du marché du travail, qui est l'un des indicateurs les plus suivis par la Fed.

J'écarte l'événement Apple pour me consacrer à tout le reste : la posture de la Fed suggère une certaine inquiétude, corroborée par les statistiques publiées sur la semaine. Jusqu'à mercredi, le marché craignait surtout les signaux de reprise de l'inflation aux Etats-Unis, qui repoussaient aux calendes grecques l'assouplissement monétaire. C'était même la justification principale de la correction des indices au mois d'avril. Mais les événements de la semaine dernière ont semblé retourner l'opinion. Ils ont aussi, manifestement, changé la perception de la Fed, en tout cas suffisamment pour que la banque centrale mette la pédale sur le frein du quantitative tapering. En réaction, le marché voit à nouveau deux baisses de taux cette année, dont la première en septembre (contre une baisse de taux, possiblement en décembre dernièrement).

Mais surtout, le comportement de la Réserve fédérale suggère que le concept de Fed put est peut-être de retour. Craignant une dégradation de la situation économique, Powell et son équipe adoptent une attitude plus souple pour maintenir la confiance du marché. "n'ayez pas peur, nous réduirons les taux si les choses se gâtent", en quelque sorte. Ce genre de posture installe de facto un filet de sécurité sous les actifs à risque. C'était même un véritable mode de vie pendant une grosse partie de la décennie précédente. De bons connaisseurs du marché en sont arrivés à cette conclusion en additionnant le discours étonnement colombe (dovish) de Powell, la décision sur le QT (la Fed va finalement prendre davantage de place sur le marché de la dette publique, libérant les investisseurs institutionnels qui pourront acheter à la place des actifs à risque, donc des actions) et la dégradation de plusieurs indicateurs économiques américains.

Pour résumer tout ça de façon plus limpide : la Fed est à nouveau davantage préoccupée par un coup de frein économique que par la remontée de l'inflation, donc elle a adapté ses outils et sa communication. Les marchés actions ont réagi positivement à ce qui pourrait être un changement de paradigme. Mais le scénario reste à valider parce qu'il ne faut pas trop s'emballer quand même : le rebond de l'inflation est réel aux Etats-Unis.

Les informations à connaître pour démarrer la semaine :

  • Xi Jinping démarre sa tournée européenne en France. Au menu, tensions commerciales et Ukraine.
  • Israël a fermé le point de passage humanitaire de Kerem Shalom vers Gaza après un tir de roquettes du Hamas, un incident qui pourrait faire dérailler les difficiles négociations de cessez-le-feu en cours. En parallèle, l'armée israélienne aurait demandé à des civils de quitter Rafah, selon les dernières dépêches tombées ce matin.
  • Les marchés sont fermés pour un jour férié au Royaume-Uni et au Japon aujourd'hui. D'autres journées fériées (mais pas forcément chômées en bourse) sont prévues durant la semaine.
  • Sur l'agenda macro, deux banques centrales seront au rendez-vous : la RBA australienne mardi et la BoE britannique jeudi. L'économiste en chef de la BCE, Philip Lane s'est dit confiant sur le retour de l'inflation à l'objectif de 2%, ce qui renforce les paris de baisse de taux de la BCE en juin.
  • Côté résultats des entreprises, le rythme ralentit mais quelques gros dossiers sont prévus cette semaine : Walt Disney, BP Plc, UBS, Toyota, Anheuser-Busch Inbev ou Bouygues par exemple.

En Asie Pacifique, les actions chinoises confirment leur retour en grâce. L'indice CSI 300 de Shanghai et Shenzhen reprend 1,3% ce matin après avoir été fermé de mercredi à vendredi dernier. Le Hang Seng est un peu plus mesuré (-0,1%), mais il était remonté fort la semaine dernière. Le Japon et la Corée du Sud sont fermés pour un jour férié. L'Inde et l'Australie gagnent environ 0,5%. Les indicateurs avancés européens sont plutôt haussiers en préouverture.

Le CAC40 démarre la séance en hausse de 0,1% à 7969 points. Le SMI grappille quelques points à 11 277 points. Le Bel20 est en progression de 0,2% à 3919 points.

Les temps forts économiques du jour

Les indicateurs PMI ses services dans leurs versions finales sont au programme pour les principales économies. Tout l'agenda ici.

L'euro remonte à 1,076 USD. L'once d'or se reprend à 2310 USD. Le pétrole reste sous pression, avec un Brent de Mer du Nord à 83,21 USD le baril et un brut léger américain WTI à 78,37 USD. Le rendement de la dette américaine sur 10 ans descend à 4,51%. Le bitcoin se négocie 64 000 USD.

Les principaux changements de recommandations

  • ACS, Actividades De Construcción Y Servicios : AlphaValue/Baader Europe passe d'accumuler à acheter avec un objectif de cours relevé de 44,40 EUR à 51,40 EUR.
  • Aperam : Barclays maintient sa recommandation de souspondérer avec un objectif de cours réduit de 25 à 24 EUR. JP Morgan maintient sa recommandation de souspondérer avec un objectif de cours réduit de 25,70 à 25,40 EUR.
  • Crédit Agricole : BNP Paribas Exane maintient sa recommandation neutre avec un objectif de cours relevé de 15 à 17 EUR. JP Morgan maintient sa recommandation de souspondérer avec un objectif de cours relevé de 13 à 13,70 EUR.
  • CTT-Correios De Portugal : AS Independent Research dégrade sa recommandation d'achat à neutre avec un objectif de cours de 4,15 EUR.
  • Dassault Systèmes : Goldman Sachs maintient sa recommandation d'achat et réduit l'objectif de cours de 52 à 48 EUR.
  • Genmab : BMO Capital Markets passe de performance de marché à surperformance avec un objectif de cours relevé de 2612 DKK à 48 DKK.
  • Hapag-Lloyd : Citigroup maintient sa recommandation de vente avec un objectif de cours relevé de 94 à 125 EUR.
  • Hemnet Group : ABG Sundal Collier démarre le suivi à l'achat avec un objectif de cours de 360 SEK.
  • Hugo Boss : Citigroup reste à conserver avec un objectif de cours réduit de 57 à 52 EUR.
  • JCDecaux : JP Morgan maintient sa recommandation de souspondérer avec un objectif de cours relevé de 16,30 à 17,70 EUR.
  • Northern Data : B Riley Securities Inc. démarre le suivi à l'achat avec un objectif de cours de 36 EUR.
  • Pihlajalinna Oyj : Nordea Bank améliore sa recommandation de conserver à acheter avec un objectif de cours de 10 EUR.
  • Salmar Asa : Pareto Securities dégrade sa recommandation d'achat à conserver avec un objectif de cours relevé de 680 NOK à 700 NOK.
  • Société Générale : RBC Capital maintient sa recommandation de performance sectorielle avec un objectif de cours réduit de 29,50 à 28 EUR.
  • Telefónica : BNP Paribas Exane abandonne la couverture et déclasse à sousperformance par rapport à l'abandon de couverture avec un objectif de cours de 3,30 EUR.
  • Thales : Goldman Sachs maintient sa recommandation d'achat et relève l'objectif de cours de 170 à 184 EUR.
  • Vaisala Oyj : Inderes passe d'alléger à accumuler avec un objectif de cours relevé de 37 à 39 EUR.

En France

Annonces importantes (et moins importantes)

  • La France enquête sur TotalEnergies à propos de l'attentat de 2021 au Mozambique.
  • Chez Vinci, Pierre Anjolras nommé directeur général opérationnel.
  • BNP Paribas Suisse compte supprimer une centaine de postes à Genève.
  • Atos a reçu quatre offres de restructuration.
  • Eutelsat confirme étudier les possibilités de partenariat pour son réseau terrestre.
  • Getlink finance l'émergence d'une concurrence à Eurostar.
  • L'actionnaire activiste Ronald Sämann réclame des changements chez Rubis.
  • Clariane a renouvelé le tirage de sa ligne de RCF pour une période de six mois.
  • Maurel reçoit une licence de l'OFAC pour ses opérations au Venezuela.
  • Manitou reprend des actifs de Dezzo Equipment.
  • Micropole confirme que des discussions se sont tenues avec plusieurs investisseurs envisageant le dépôt d’une offre concurrente au projet d’offre de Miramar.
  • Carmat cherche toujours des financements pour aller au-delà du mois de mai.
  • Les principales publications du jour : Elis, Coface, BénéteauLe reste ici.

Dans le vaste monde

Annonces importantes (et moins importantes)                                                                                                                                                                                

D'Europe

  • SES fournit des détails sur l'acquisition d'Intelsat.
  • L Catterton (dont LVMH est actionnaire minoritaire) détient suffisamment d'actions Tod's pour le retirer de la Bourse en accord avec le principal actionnaire du groupe, la famille Della Valle.
  • Le bénéfice net d'Indra augmente de 40% au premier trimestre.
  • EQT acquiert la société de conseil numérique Perficient pour 3 Mds$.
  • PostNL annonce une perte au premier trimestre et manque les estimations en raison des coûts de main-d'œuvre.
  • Les membres de l'UAW ratifient un accord social chez Daimler Truck aux Etats-Unis.
  • Les principales publications du jour : Demant, Amplifon, Banca Monte dei Paschi, Indra Sistemas, Bakkafrost, NordNet

Des Amériques

D'Asie Pacifique et d'ailleurs

  • Le bénéfice net de Westpac recule de 16%, la banque annonce un rachat supplémentaire de 661 M$.
  • Qantas va payer 79 M$ pour régler une affaire d'annulation de vols.
  • Les principales publications du jour : Westpac, SM Prime

Le reste de l'agenda mondial des publications ici.

Lectures