NEW YORK, 13 mai (Reuters) - Matthew Winkler, le rédacteur en chef de Bloomberg News, a présenté des excuses lundi pour avoir accordé à des journalistes de l'entreprise un accès "limité" à des données sensibles sur l'utilisation des terminaux de l'entreprise par ses clients.

L'affaire a été révélée au grand jour après que la banque Goldman Sachs s'est plainte auprès de Bloomberg d'avoir constaté que des données qu'elle croyait confidentielles étaient en fait à la disposition des journalistes de l'agence.

Bloomberg a assuré à la banque d'affaires que l'accès aux données concernées avait été restreint. Mais plusieurs autres sociétés de Wall Street ont exprimé depuis leur préoccupation et la Réserve fédérale a demandé des explications au groupe fondé par Michael Bloomberg, tout comme certaines administrations américaines.

Lundi, c'est la Banque centrale européenne (BCE) qui a annoncé être "en contacts étroits avec Bloomberg" sur de possibles violations de la confidentialité des données d'usage des terminaux commercialisés par le groupe américain.

Dans un éditorial publié sur Bloomberg.com, Matthew Winkler déclare: "Nos journalistes ne devraient pas avoir accès à des données considérées comme privées. Je suis désolé que cela ait été le cas. L'erreur est inexcusable."

Il précise que les journalistes ont pu avoir accès aux données historiques de connexion des clients aux terminaux ainsi qu'à certaines données agrégées sur les fonctions utilisées, mais "sans aucune possibilité d'accéder à des informations spécifiques touchant à la sécurité".

Il explique que cette pratique remonte au tout début de Bloomberg News, dans les années 1990, et qu'elle visait alors à permettre aux journalistes de déterminer quel traitement de l'information souhaitaient les clients.

GOLDMAN SACHS A DES DOUTES

"La confidentialité des données étant devenue un sujet de préoccupation primordial pour nos clients, nous devons aller plus loin dans la protection des données, et spécialement lorsque nous donnons ne serait-ce que l'apparence de l'irrégularité", poursuit Matthew Winkler. "C'est pourquoi nous avons récemment modifié ce à quoi les journalistes ont accès."

"A aucun moment nos journalistes n'ont eu accès aux données de trading, aux portefeuilles, aux moniteurs, aux registres" des clients, poursuit-il. "Ils n'ont pas non plus eu accès aux messages qu'échangent les clients. Ils n'ont pas pu voir quelles dépêches lisaient les clients, ou quelles valeurs ils pouvaient consulter."

De hauts responsables de Goldman Sachs estiment que, malgré ces restrictions, des traders pouvaient tirer profit par exemple d'informations sur le type de valeurs que consultaient des utilisateurs haut placés ou des questions posées par tel ou tel haut fonctionnaire au service de support client de Bloomberg, a-t-on appris de sources proches de la banque.

Le mois dernier, lors de l'annonce des nouvelles restrictions à l'accès des journalistes aux données, Daniel Doctoroff, le directeur général de Bloomberg, a précisé que le groupe avait créé un poste de "directeur de la conformité des données clients".

Bloomberg, concurrent de Thomson Reuters, la maison mère de Reuters News, tire l'essentiel de ses revenus de la vente d'abonnements à ses terminaux à des institutions financières. Le groupe compte plus de 315.000 abonnés et l'abonnement au terminal coûte plus de 20.000 dollars (15.400 euros) par an.

Le fondateur de l'entreprise, Michael Bloomberg, est aujourd'hui maire de New York. Il a renoncé à toute fonction opérationnelle au sein du groupe mais reste son principal actionnaire. (Frank McGurty, Marc Angrand pour le service français, édité par Marc Joanny)