par Harriet McLeod

CHARLESTON, Caroline du Sud, 28 octobre (Reuters) - Les paroissiens de l'Eglise épiscopale Emanuel de Charleston, en Caroline du Sud, théâtre d'une tuerie de masse en 2015, ont pleuré dimanche les victimes du massacre de la synagogue de Pittsburgh et fustigé les "discours de haine" de Donald Trump.

"Les mots comptent", a dit le révérend Eric Manning à la centaine de paroissiens venus assister à l'office dominical.

Si le président américain a immédiatement condamné la tuerie à la synagogue de l'Arbre de vie, où onze personnes ont été tuées samedi, le révérend Manning a jugé que les propos tenus par Trump "ces dernières semaines, ces dernières années, donnent envie de hurler, de lever les mains en l'air et de se demander ce qui se passe".

A Charleston, la tuerie de Pittsburgh, dans un lieu de culte, a rappelé le drame de juin 2015, quand un jeune homme blanc, Dylann Roof, était entré dans l'Eglise épiscopale méthodiste africaine Emanuel et avait ouvert le feu, tuant neuf personnes qui l'avait accueilli dans leur groupe d'étude de la Bible.

Samedi matin, Robert Bowers, un habitant de Pittsburgh de 46 ans, est entré dans la synagogue de l'Arbre de vie en pleine célébration, et lui aussi a ouvert le feu, tuant onze personnes et en blessant six autres.

Dans des messages laissés sur internet, Bowers, qui a été blessé et arrêté et sera présenté lundi à un juge, affirme qu'il n'est pas un partisan de Donald Trump, à qui il reproche de ne rien faire pour empêcher les juifs d'"infester" les Etats-Unis.

Le président républicain a condamné la fusillade et déclaré qu'il n'y avait pas de place pour l'antisémitisme aux Etats-Unis. Pourtant, ses détracteurs lui ont reproché ses sorties fréquentes contre les migrants ou la communauté musulmane.

Ils ont également rappelé qu'à la suite des manifestations de l'extrême droite suprémaciste à Charlottesville, en 2017, où une contre-manifestante avait été tuée, il avait renvoyé les deux camps dos à dos.

"TOUT EST REMONTÉ À LA SURFACE"

Dans l'église de Charleston, de nombreux paroissiens croisés dimanche après l'office, parmi lesquels des survivants de la tragédie de 2015, ont estimé que les discours de Trump semaient la division au sein de la société américaine et attisaient les tensions.

"Je reproche à l'administration Trump ses discours et sa haine. Sa manière de nommer toute chose des 'fake news'", dit ainsi Liz Alston, une principale d'école à la retraite âgée de 70 ans qui a perdu des amis ici même en 2015.

Sharon Coakley, 66 ans, dont la soeur Myra Thompson a été assassinée par Roof, confie qu'en entendant samedi les informations sur Pittsburgh, elle a revécu son drame intime de 2015 et son combat pour pouvoir un jour, peut-être, pardonner.

"L'assassinat de ces personnes de confession juive découle de nos dirigeants", affirme-t-elle. Après Charleston, poursuit-elle, "nous avions parlé de contrôle des armes, nous avions parlé de la haine qui vient du président des Etats-Unis".

Lisa Wade, une assistance sociale de 53 ans, a elle aussi été profondément marquée par les flashs d'information en provenance de Pittsburgh. "Tout est remonté à la surface. Je me suis dit qu'il était impensable que cela continue", dit-elle.

Depuis la tuerie de 2015, l'Eglise épiscopale méthodiste africaine Emanuel a amélioré son dispositif de sécurité, s'équipant de caméras de surveillance et recrutant des gardes armés en uniforme lors des offices. Tout rappelle le geste de Roof.

"Cette église ne sera jamais plus la même", dit Wayne Singleton, responsable des chants à l'église Emanuel. (Henri-Pierre André pour le service français)