par Jan Strupczewski et Kate Abnett

BRUXELLES, 10 décembre (Reuters) - Les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne réunis en sommet à Bruxelles sont parvenus jeudi à un compromis pour permettre le déblocage du budget pluriannuel et du fonds de relance post-COVID de l'UE en levant le double veto de la Hongrie et de la Pologne, a annoncé le président du Conseil Charles Michel.

Cet accord sur le budget 2021-2027, d'un montant de 1.100 milliards d'euros, et le plan de relance, calibré à 750 milliards, doit aussi faciliter la conclusion d'un autre compromis sur un relèvement des objectifs climatiques de l'UE.

Ces nouveaux objectifs, qui consisteraient à réduire de 55% d'ici 2030, au lieu de 40% convenus actuellement, les émissions de gaz à effet de serre du bloc par rapport à leurs niveaux de 1990, devaient être discutés dans la soirée.

Selon des responsables, leur adoption ne devrait pas poser de problème mais les Vingt-Sept vont tout de même devoir s'entendre sur une répartition équitable des efforts pour les atteindre, ce qui pourrait les amener à valider un accord de principe et repousser les détails à 2021.

"Accord sur (le budget) et le plan de relance. Nous pouvons maintenant commencer leur mise en oeuvre et reconstruire nos économies", a écrit Charles Michel sur Twitter, affirmant que ces fonds serviront à accélérer la transition écologique et numérique de l'économie européenne.

La Hongrie et la Pologne avaient opposé leur veto le mois dernier à ce projet de budget et au plan de relance, qui doivent être adoptés à l'unanimité des Vingt-Sept. Ces deux pays, visés par des procédures européennes pour des atteintes à l'indépendance de la justice ou des médias, refusaient une clause conditionnant le versement des fonds au respect de l'état de droit.

L'Allemagne, qui assure la présidence tournante de l'UE, est néanmoins parvenue à les convaincre de lever leur veto en élaborant le compromis adopté jeudi.

ORBAN NE RELÂCHE PAS COMPLÈTEMENT LA PRESSION

Aux termes de ce compromis, les dirigeants européens vont adopter une déclaration précisant que le lien entre état de droit et déblocage des fonds sera appliqué objectivement et à la seule fin de garantir une utilisation appropriée de l'argent versé par l'UE, et non pas dans le but de sanctionner des pays dans le cadre de procédures distinctes relatives à l'état de droit.

Pour retarder la mise en oeuvre effective de ces dispositions, la Hongrie et la Pologne peuvent en outre réclamer l'examen par la Cour de justice de l'UE de leur conformité aux traités européens, ce qui pourrait prendre jusqu'à deux ans.

"Nous allons bien sûr le faire (...) nous sommes convaincus que cela doit être vérifié dès lors qu'il s'agit des traités (...) et c'est bien entendu notre droit d'agir ainsi", a dit le Premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki, à la télévision polonaise.

Une fois cet examen terminé, la Commission va ensuite devoir préciser les modalités d'application, ce qui pourrait nécessiter plusieurs mois supplémentaires et repousser toute mise en oeuvre au-delà des élections législatives prévues en 2022 en Hongrie, un élément auquel le Premier ministre hongrois Viktor Orban était attaché selon des responsables européens.

La vice-présidente de la Commission européenne Vera Jourova a cependant déclaré que l'ensemble de la procédure pourrait aller bien plus vite.

"Je comprends que certains Etats membres pourraient vouloir rechercher une certitude juridique totale sur ce sujet important auprès de la Cour européenne de justice. C'est leur droit. Je m'attends à ce que la procédure aille vite. De mon point de vue, nous parlons de mois plutôt que d'années", a-t-elle dit.

Viktor Orban n'a pour sa part pas complètement relâché sa pression sur ses partenaires européens. Le Premier ministre hongrois a souligné que le budget pluriannuel comme le plan de relance devaient encore être approuvés par les Parlements nationaux, y compris en Hongrie et en Pologne.

"Il reste encore un obstacle important et c'est la ratification de cet accord par les Parlements nationaux", a-t-il dit au cours d'une conférence de presse avec son homologue polonais. "Donc nous avons fait notre travail, du mieux possible mais maintenant il reste quand même une opportunité pour les Parlements nationaux de discuter et de valider ce à quoi nous sommes parvenus." (Avec Joanna Plucinska, Alan Charlish et Pawel Florkiewicz à Varsovie, Marton Dunai à Budapest, Foo Yun Chee à Bruxelles et Reuter TV, version française Jean-Philippe Lefief et Bertrand Boucey)