KIEV/MOSCOU (Reuters) - Des tirs d'artillerie ont été entendus jeudi près des zones sécessionnistes de l'est de l'Ukraine, où les forces gouvernementales ukrainiennes et les séparatistes pro-russes se sont mutuellement accusés jeudi d'avoir enfreint le cessez-le-feu en vigueur dans le Donbass, renforçant les inquiétudes sur la situation dans la région.

Reuters n'a pu dans l'immédiat préciser de source indépendante l'étendue de ces incidents. Les premières informations disponibles suggèrent qu'ils sont comparables aux accrochages régulièrement enregistrés dans la région depuis la signature en 2015 des accords de Minsk visant à tenter de résoudre le conflit dans le Donbass.

Dans les circonstances actuelles, un tel accrochage pourrait cependant accentuer les tensions déjà vives dans la région, en lien avec les déploiements massifs de troupes russes aux frontières ukrainiennes.

Un photographe de Reuters présent dans la ville de Kadiivka, dans le secteur de la "république populaire" de Louhansk - proclamée en 2014 par les séparatistes quelques mois après l'annexion par la Russie de la péninsule de Crimée - a entendu des tirs d'artillerie au niveau de la ligne de front, sans pouvoir déterminer dans l'immédiat les circonstances exactes de l'incident.

Un témoin a aussi signalé à Reuters des tirs d'artillerie près de l'aéroport de Donetsk ainsi qu'à Elenovka, un village de la "république populaire" de Donetsk, également autoproclamée en 2014.

Selon une source diplomatique, la mission d'observation de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) dans la région a recensé de nombreux incidents, avec des tirs d'artillerie, aux premières heures jeudi.

L'UE ATTENTIVE

Depuis le cessez-le-feu de 2015, l'OSCE rapporte généralement des dizaines d'infractions au cessez-le-feu chaque jour et fait état de heurts ou de bombardements significatifs ayant fait des blessés ou des morts plusieurs fois par mois.

Sur le terrain, des représentants de la République populaire de Louhansk ont expliqué dans un communiqué avoir été la cible de tirs de mortiers, de lanceurs de grenades et de mitrailleuse lors de quatre incidents distincts jeudi.

"Les forces armées d'Ukraine ont brutalement violé le cessez-le-feu, en utilisant des armes lourdes, qui, en vertu des accords de Minsk, devraient être retirées", est-il signalé dans leur communiqué.

De leur côté, les forces gouvernementales ont démenti et déclaré qu'à l'inverse, c'est elles qui avaient été la cible de tirs auxquels elles n'avaient pas répliqué.

"En dépit du fait que nos positions ont été la cible de tirs avec des armes interdites, dont des obus de 122 mm, les troupes ukrainiennes n'ont pas ouvert le feu pour répliquer", a déclaré à Reuters un officier de presse lors d'un entretien téléphonique.

L'armée ukrainienne a également accusé les séparatistes pro-russes soutenus par Moscou d'avoir tiré des obus sur un village de la région de Louhansk, touchant une école maternelle sans faire de victime.

Alors que les dirigeants de l'Union européenne se réunissent ce jeudi à la mi-journée à Bruxelles pour évoquer la crise ukrainienne, un responsable européen a précisé à Reuters que la situation dans le Donbass faisait l'objet d'une surveillance particulière.

"Nous observons attentivement les tirs d'artillerie dans le Donbass, nous sommes conscients que ces incidents pourraient servir de test ou d'excuse", a déclaré ce responsable impliqué dans les discussions, qui a requis l'anonymat.

(Reportage Pavel Polityuk et Natalia Zinets à Kiev, Olzhas Auyezov, Andrew Osborn et Vladimir Soldatkin à Moscou, avec la contribution d'Anton Zverev à Donetsk et de Jan Strupczewski à Bruxelles ; version française Myriam Rivet, édité par Nicolas Delame et Sophie Louet)