"Quel est l’état actuel du marché des actions européennes à l’heure actuelle ?
Plusieurs indices existent pour refléter la performance du marché des actions européennes. Les plus connus sont le MSCI Europe et le Stoxx Europe 600. Le Stoxx Europe 600 affiche une correction de -8,6% sur l’année 2011, quant au MCSI Europe il enregistre une contre performance de -8,1%. Le cours ratio bénéfices (PE) du Stoxx Europe 600 est à 11 pour 2010 et 10,3 fois les bénéfices estimés 2011. Le prix sur actif net est à 1,35 fois les bénéfices 2010 et 1,3 fois les bénéfices estimés 2011. Le rendement du dividende est de 4,10% pour 2010 et 4,35% pour 2011.
Nous avions eu un bon début d’année avec des mois positifs sur les marchés européens en janvier et février 2011. Nous poursuivions le mouvement de hausse de 2010. Le retournement a commencé à se dessiner suite aux publications du mois de mars. La forte correction est intervenue à partir de la fin juillet.
Si l’on se replace au 1er janvier 2011, quelles étaient vos perspectives d’évolution pour les marchés actions en Europe ?
A la fin du mois de février, les indices de référence avaient réalisé une performance de +5%. Selon moi, cette performance était suffisante. Si l’année avait pu se terminer fin février, cela aurait été satisfaisant. Les incidents au Japon ont marqué le premier pas vers la descente aux enfers que l’on a connu par la suite.

Selon vous c’est surtout la dégradation de la note souveraine américaine qui a enclenché les problèmes pour les marchés actions en Europe ?
On a un peu assisté à l’effet papillon. De nombreux rachats ont été faits dans les fonds monétaires américains suite à la perte du triple A américain le 5 août. Or ces fonds détenaient également des créances en dollar auprès des banques de la zone euro qu'ils ont choisi de vendre en priorité. En effet, la remise sur le devant de la scène du dossier grec fin juillet a eu l'effet d'effrayer les investisseurs américains sur l'exposition grec des banques de la zone euro. Un stress en a résulté au niveau du financement de ces banques et cela a accentué le mouvement baissier sur le marché des actions européennes.

Qu’en est-il de la disparité géographique à l’intérieur de cette performance globale ?
L’Irlande a fait +15%. Le pays avait été très touché les années précédentes, à la suite notamment de la nationalisation de ses banques. Ainsi l’Irlande avait fait -14% en 2010, -29% en 2007 et -71% en 2008. Nous avons donc surtout assisté à un rattrapage technique. Les autre pays à avoir bien résisté sont le Royaume-Uni avec -5% et la Suisse avec -9%. Le Royaume-Uni, qui a vite mis en place une politique d’austérité et ne fait pas partie de la zone euro, est arrivé à conserver la confiance des investisseurs. Il bénéficie d'un taux d’emprunt gouvernemental à long terme faible à 2%. Il ne fallait clairement pas être sous pondéré sur le marché des actions britanniques. La Suisse a tiré avantage de ses valeurs défensives comme Nestlé, Novartis et Roche. Par ailleurs, l’appréciation du franc suisse a d’une certaine manière constitué un atout pour les valeurs non exportatrices.

Parmi les pays qui ont le plus souffert, nous trouvons sans surprise la Grèce dont le marché a décliné de 62% en raison de la demande de participation volontaire des investisseurs privés à la dépréciation de la dette grecque à hauteur de 50% et de la peur de voir ce pays sortir de la zone euro. Par ailleurs l’Autriche a vu son marché reculer de 36% et la Finlande de 32%. L’Autriche a été mise à mal en raison de l’exposition de son système bancaire à la Hongrie. Les banques hongroises avaient octroyé à leurs clients des prêts en francs suisses et en euros en raison de taux inférieurs. Le florin hongrois ayant beaucoup baissé en valeur, les particuliers se sont retrouvés avec des taux d’intérêts faibles mais avec un effet change très pénalisant. La Banque centrale hongroise a demandé un effort aux prêteurs. Cela a eu un impact sur l’Autriche car elle a deux banques fortement impliquées en Hongrie, Erste Bank (-61%) et Raiffeisen Bank (-51%).
La contre performance de la Finlande s’explique en partie par une forte baisse de Nokia (-51%).

Entre le +15% de l’Irlande et le -62% de la Grèce, la disparité est elle importante à l’intérieur de l’échantillon ?
Si l’on considère les pays majeurs de la région, au-delà du Royaume-Uni, le MSCI Allemagne enregistre -17% et le MSCI France -17%. L’Italie est à -23%. Le secteur bancaire italien a été fortement attaqué, Unicredit et Intesa Sanpaolo en premier lieu avec des baisses respectives de leurs cours de -58% et -32%.

Quid à présent de la disparité sectorielle ?

Les trois meilleurs secteurs de l’année 2011 sont la pharmacie qui a fait +10%, le matériel médical +10% et l’alimentaire +9%.
Les trois plus mauvais secteurs ont été le matériel technologique (Alcatel, Nokia), avec -33%, le secteur bancaire avec -33% et les groupes financiers diversifiés avec -27%.
Ces performances ne sont pas étonnantes. Les secteurs défensifs ont été favorisés par les investisseurs au détriment des valeurs des secteurs cycliques qui pâtissent d'un ralentissement économique.

Y a-t-il une homogénéité dans les performances à l’intérieur des secteurs ?

Les performances sont plus ou moins homogènes en fonction des secteurs. Nous avons un effet capitalisation qui a joué. Les petites capitalisations ont moins performé que les plus grandes.
Dans le secteur de la pharmacie, Nobel Bioacare a perdu -37%, Actelion -36%. D’un autre coté, Elan a fait +158% et Shire +45%, Meda AB +40%.
Dans le secteur bancaire, les sociétés grecques ont beaucoup corrigé. L'action de la banque du Pirée a enregistré une baisse de -87% et Alpha bank -86%. Parallèlement, l'action de Bankinter affiche une hausse de +14% et l'action de Banco de Sabadell est stable.

Quels sont les enseignements que vous tirez de ces principaux résultats ?

Les marges des sociétés européennes se situent à un plus haut historique. Il est probable que les niveaux de marge baissent. Les charges d’intérêt sont faibles, les groupes étant assez peu endettés. Pour les groupes qui connaissent des difficultés financières, les charges d’intérêt devraient augmenter. Le système bancaire s’efforce de diminuer son levier et réduit ainsi ses prêts au niveau des groupes endettés. Ces groupes devront se financer directement sur le marché et paieront des intérêts plus élevés. Ensuite, nous devons considérer la variation possible du taux d’impôt sur les sociétés en Europe. Dans le dernier plan annoncé par le gouvernement français, nous avons eu une hausse de 5% de cet impôt pour les sociétés ayant un chiffre d’affaires annuel supérieur à 250 millions d'euros. Cette hausse pourrait bien se poursuivre, ce qui viendrait contracter le résultat net des sociétés. De plus, la divergence entre les taux longs devrait continuer à pénaliser les pays mal vus par les investisseurs et les actifs de ces pays. L’impact de l’inflation pourrait aussi jouer un rôle non négligeable. Cependant, je trouve très intéressant le comportement du marché des actions irlandaises. L’idée étant qu’une fois qu’on est allé au tapis sur un pays, on peut entrevoir un rebond technique. Globalement les valorisations en Europe ne sont pas très chères, et on peut espérer un rattrapage sur des valeurs qui ont été massacrées dans les pays du sud de l’Europe.
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