"Pouvez-vous dresser un bilan de l’année 2010 pour le marché publicitaire français ?

2010 a été une année de reconstruction et de consolidation. Après avoir subi de plein fouet les conséquences de la crise, les agences ont été amenées à redéfinir leur organisation par rapport à ce qui fait l’essentiel de notre métier : la création de valeur immatérielle. Le digital a continué de traverser l’ensemble des métiers sans forcément trouver dans chacun de ces métiers un modèle économique parfait.
Nous avons la spécificité en France d’avoir deux acteurs leaders internationaux dont le siège est dans notre pays (Publicis et Havas), ce qui n’arrive dans aucune autre industrie. Du coup, cela donne au marché un poids totalement spécifique et ces acteurs ont une présence naturellement forte. Deuxièmement, nous avons assisté à l’émergence assez forte d’acteurs indépendants, petits et nouveaux qui ont exprimé leur valeur par le conseil et la valeur ajoutée et qui sont dirigés par des seniors qui ont quitté un certain nombre de groupes. Le marché s’est polarisé entre des grands acteurs connus, institutionnels, dont les deux grands leaders français et d’autres grands groupes anglo-saxons comme TWBA (Omnicom) ou Ogilvy (WPP), et des petits acteurs nouveaux depuis deux ou trois ans qui ont continué de très bien performer grâce à leur capacité à mettre le conseil en avant, la création et à adapter leur structure en fonction de leurs clients.
Face à cette polarisation, le marché des agences de moyenne taille souffre beaucoup plus que le reste. Ces agences n’atteignent pas la taille critique mais souffre d’une taille suffisamment importante pour ne pas avoir la rapidité, la réactivité et la pertinence d’un acteur d’une dimension plus modeste.

Qu’en est-il au niveau du marché publicitaire mondial ?

Le marché international a vu son expansion dans les pays émergents se poursuivre. Les marchés émergents ne sont pas uniquement performants à travers leur croissance naturelle mais deviennent aussi performants sur l’aspect créatif. Ce sont des économies qui se développent vite et qui ont une maturité économique avérée. Au niveau international, le digital prend des parts de marché considérables dans l’univers de la communication puisque certains groupes arrivent à porter la part de digital au-delà de 15% de leurs revenus, ce qui représente une part très significative, pas seulement une part de volume mais aussi de valeur stratégique de ces entreprises.

Que peut-on attendre pour le marché publicitaire en 2011 ?

En 2011, la polarisation du marché va continuer et la réforme des agences doit se poursuivre vers une capacité beaucoup plus forte à mettre en valeur nos métiers. Notre modernité ne passe pas seulement par notre capacité créative et stratégique, mais également par la capacité à valoriser le travail que l’on fait pour les marques et pour les entreprises. Nous avons un combat essentiel à mener sur la valeur, dans un marché qui est aujourd’hui totalement dérégulé et qui a tellement bougé dans ses modalités et son organisation qu’il a besoin de retrouver les fondamentaux de cette industrie. La dynamique du marché reste faible et molle pour des raisons macroéconomiques et des raisons propres à notre industrie qui doit se réformer autour du conseil.


Parmi les supports de publicité traditionnels, la presse est en constante baisse. Quel commentaire vous inspire ce déclin ?

Ce que l’on voit émerger ce sont des problèmes de modèles économiques. Le modèle de la presse a totalement volé en éclat, mais aussi celui du média. Ce qui faisait son existence, c’est-à-dire la production de contenus, aujourd’hui est considéré comme ayant peu de valeur et perçu par le consommateur final comme peu crédible puisqu’il recoupe les informations et se fait sa propre opinion en croisant les données plus que jamais, voire même en promouvant ses propres commentaires. Pour l’instant, les médias dans leur ensemble n’ont pas trouvé leur modèle économique qui permettrait de rendre service au consommateur. Cette révolution fait passer d’un ensemble de contenus à un ensemble de services pour le consommateur final. Ce constat pour les médias existe aussi dans plein d’autres industries.
Cela pose la question : quels sont les modèles économiques qui vont structurer notre économie demain et comment ces modèles en rendant service au consommateur créent-ils de la valeur, du profit ?

A quel nouveau modèle économique pensez-vous ?

Prenons l’exemple du marché de la téléphonie mobile. Aujourd’hui il existe des applications sur les smartphones qui permettent de téléphoner et d’envoyer des sms gratuitement. Vous pouvez avoir seulement un forfait d’accès technique à internet par la 3G ou par le Wifi et ensuite vous ne payez plus rien. Quelle est alors la place des opérateurs de téléphonie mobile là-dedans ? Avec la croissance des smartphones, il est évident qu’il va y avoir un gros souci de modèle économique demain sur l’accès à la communication.
Cet exemple illustre le fait que des nouveaux modèles se créent tous les jours avec une telle rapidité que cela remet en cause les anciens systèmes.
Certains disent que demain l’énergie comme la communication seront gratuites, et qu’en revanche ce sont les comportements et les services associés qui seront payants. Nous sommes dans une ère de changement de comportement du consommateur, qui aujourd’hui ne vit pas pour 'plus' mais pour 'mieux', dans un changement d’ère économique où les anciens systèmes doivent réfléchir à leur modèle économique et à leur système de création de valeur.

Sur quels secteurs porteurs (santé, grande conso, finances…), les agences de communication ont-elles intérêt à miser dans les années à venir ?

Des secteurs porteurs il y en a toujours eu, mais ce n’est pas cela qui structure un marché. Ce qui structure un marché c’est la manière dont on se met au service des clients. Il s’agit de proposer du conseil aux entreprises davantage que du conseil aux marques et aux produits. Si vous voulez avoir une démarche stratégique, vous êtes obligé d’intégrer l’ensemble des publics auxquels s’adresse l’entreprise. Le conseil aux entreprises est plus que jamais ce qu’on doit défendre, les agences de communication ont un rôle clé dans la construction de valeur immatérielle des entreprises qui doit être reconnu.
L’AACC travaille avec l’ensemble des partenaires, gouvernementaux, sociaux, patronaux, pour faire reconnaître la création de valeur immatérielle comme étant le quatrième pilier de l’entreprise. Ce quatrième rapport de l’entreprise intégrerait l’ensemble des actifs immatériels et de leur valorisation d’entreprise jusqu’à la perception client, la valeur de la marque, les investissements qui sont faits dedans parce qu’à mon avis c’est aujourd’hui part constituante du business.
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