Paris (awp/afp) - BFMTV et RMC changent officiellement de pavillon: le rachat de leur maison mère, Altice Media, par l'armateur CMA CGM du milliardaire Rodolphe Saadé a été finalisé mardi, ce qui marque un bouleversement majeur du paysage médiatique français.

Annoncé mi-mars à la surprise générale, ce rachat au groupe Altice de l'homme d'affaires Patrick Drahi avait reçu vendredi le feu vert du régulateur de l'audiovisuel, l'Arcom, et de l'Autorité de la concurrence.

"Après avoir reçu l'approbation des autorités règlementaires compétentes, et faisant suite à l'annonce du 15 mars dernier, le groupe CMA CGM et Merit France (holding familiale du groupe) ont finalisé ce jour l'acquisition de 100% du capital d'Altice Media", a indiqué CMA CGM.

Dirigé par le milliardaire franco-libanais Rodolphe Saadé, l'armateur marseillais avait précisé le 15 mars que le montant de la transaction était de 1,55 milliard d'euros.

Avec ce rachat, M. Saadé et CMA CGM ajoutent une grosse pierre à l'empire médiatique qu'ils construisent, deux ans seulement après avoir mis le pied dans le secteur.

Indépendance

Durant cette période, M. Saadé a mis la main sur le journal La Tribune et le groupe La Provence (quotidiens régionaux La Provence et Corse Matin), en plus de participations dans M6 et le média vidéo en ligne Brut.

Mi-mai, CMA CGM a recruté le patron sortant de M6, Nicolas de Tavernost, comme vice-président de sa nouvelle holding CMA Médias.

Mais la construction de ce nouveau géant des médias a provoqué des craintes sur le plan de l'indépendance.

En mars, les journalistes de la Provence ont fait grève pendant 72 heures. Ils protestaient contre la mise à pied du directeur de la rédaction, après une une sur la visite d'Emmanuel Macron à Marseille jugée "ambiguë" par la direction.

Jeudi, les syndicats et la direction de La Provence ont signé une "charte d'indépendance éditoriale et de déontologie", qui garantit la protection des journalistes à l'égard de "toute forme de pression".

Toujours en mars, Rodolphe Saadé avait tenté de rassurer le personnel d'Altice Media au sujet des emplois et sa volonté de ne pas interférer directement dans le travail des rédactions.

Lundi, le PDG d'Altice France Arthur Dreyfus a annoncé en interne qu'une prime exceptionnelle de 3.000 euros bruts allait être accordée aux salariés d'Altice Media, pour les "remercier" avant la finalisation du rachat.

Altice Media, qui s'appelait NextRadioTV jusqu'en 2021, a été progressivement cédé à Patrick Drahi par Alain Weill à partir de 2015. Le groupe comprend la chaîne info BFMTV, la radio RMC et les chaînes de la TNT RMC Découverte et RMC Story.

Concurrence de CNews

Dirigée par Marc-Olivier Fogiel, BFMTV a longtemps été numéro un de l'information continue en France. Mais en mai puis en juin, elle a été doublée par CNews, filiale de Vivendi, groupe du milliardaire conservateur Vincent Bolloré.

Tout en autorisant le rachat par CMA CGM vendredi, l'autorité de la concurrence l'a subordonné au respect d'engagements, concernant le marché publicitaire dans le sud de la France, où CMA CGM possède désormais La Provence et les chaînes locales BFM Paca.

CMA CGM a également pris des engagements auprès de l'Arcom.

Ils sont notamment relatifs "au pluralisme, à l'honnêteté et l'indépendance de l'information et des programmes", avait indiqué le régulateur dans un communiqué, alors que BFMTV postule au renouvellement de sa fréquence TNT (télévision numérique terrestre).

Dans le cadre du feu vert de l'Arcom, deux chaînes locales de BFM, BFM Lyon et BFM Alsace, doivent cesser d'émettre sur la TNT pour migrer en ligne.

En effet, leurs autorisations dataient respectivement de 2021 et 2023. Or, la loi interdit de céder une chaîne dans les cinq ans qui suivent l'attribution de leur fréquence TNT.

La cession d'Altice Media s'inscrit dans une stratégie de désendettement d'Altice.

Outre une dette importante, le groupe est secoué depuis plus d'un an par un scandale de corruption qui implique Armando Pereira, son cofondateur et dirigeant de la filiale portugaise.

Une enquête a été ouverte en France sur ces soupçons de corruption.

afp/ol