par Caren Bohan et Ross Colvin

Le président américain a profité de son premier discours sur l'état de l'Union, prononcé devant les deux chambres du Congrès, pour recadrer ses objectifs après une série de revers subis ces dernières semaines, "dont certains étaient mérités" a-t-il dit.

"L'emploi sera notre priorité numéro un en 2010", a déclaré le président américain alors que le taux de chômage reste bloqué à plus de 10% et que l'économie s'annonce comme le thème dominant de la campagne des élections de mi-mandat, en novembre.

S'il a admis des erreurs au cours de l'année écoulée, Barack Obama a souligné qu'il ne renoncerait pas à ses efforts pour changer le fonctionnement de la politique à Washington.

"Je ne renonce pas", a-t-il lancé aux législateurs, qui se sont fréquemment levés pour l'applaudir. "Saisissons ce moment pour repartir à zéro, pour porter le rêve plus avant et pour renforcer notre union une fois de plus."

Comme il l'avait annoncé le 21 janvier, Barack Obama a promis d'imposer de nouvelles règles strictes aux grandes banques de Wall Street. Si son gouvernement a injecté massivement des dollars pour sauver le système financier en 2009, c'était pour éviter des fermetures d'entreprises et des licenciements encore plus nombreux, a-t-il dit.

"J'ai détesté (le plan de sauvetage). Vous l'avez détesté, mais lorsque je suis arrivé au pouvoir, j'ai promis non seulement de faire ce qui est populaire, mais aussi ce qui est nécessaire", a-t-il ajouté.

MESURES SOCIALES

Barack Obama s'est aussi engagé à sortir le pays d'un "gouffre budgétaire massif" et de recourir à son veto pour veiller à la discipline budgétaire.

Mais le président américain a insisté avant tout sur le besoin de soutenir une économie encore chancelante et de réduire le taux de chômage. "Les gens n'ont pas de travail. Ils souffrent. Ils ont besoin de notre aide. Et je veux sans tarder une loi sur l'emploi sur mon bureau", a-t-il déclaré.

Dans ce discours retransmis à une heure de grande écoute, le chef de la Maison blanche a insisté sur des mesures sociales destinées à rassurer son électorat populaire.

Promettant de puiser dans le remboursement des aides aux banques 30 milliards de dollars pour relancer les crédits aux PME, il a dévoilé une série de mesures d'aide aux classes moyennes et prédit que les plans de soutien à l'économie devraient permettre la création de 1,5 million d'emplois supplémentaires en 2010. Il a également annoncé l'objectif d'un doublement des exportations américaines dans les cinq ans.

Sur les déficits, il a proposé comme prévu un gel pendant trois ans d'une partie des dépenses gouvernementales et demandé la création d'une commission bipartite chargée de réfléchir aux défis budgétaires à long terme.

Le déficit budgétaire américain a atteint 1.400 milliards de dollars pour l'année fiscale 2009 et devrait être de 1.350 milliards en 2010, selon la commission du budget du Congrès.

CONTRE LES LOBBIES

Ce discours intervient huit jours après un cuisant revers électoral, les républicains ayant ravi aux démocrates le poste de sénateur du Massachusetts détenu pendant 47 ans par le défunt Edward "Ted" Kennedy.

Cette défaite a fait perdre à Obama sa majorité qualifiée de 60 sièges au Sénat, qui empêchait les républicains de bloquer les débats par leurs manoeuvres d'obstruction systématique - le "filibustering".

Ce bouleversement risque d'avoir de lourdes conséquences pour une réforme du système de santé dont une partie des démocrates commencent à se lasser à quelques mois des élections de mi-mandat. Mais Barack Obama a souligné qu'il n'abandonnerait pas ce chantier emblématique de sa présidence.

"Quand j'aurai fini de m'exprimer ce soir, d'autres Américains auront perdu leur assurance-santé. Des millions la perdront cette année. Je ne laisserai pas tomber ces Américains, comme personne dans cette salle ne le devrait."

A propos de Wall Street, Barack Obama a critiqué "les mauvais comportements" et réclamé au Congrès une "vraie réforme" du système financier. "Nous ne pouvons pas les laisser gagner ce combat", a-t-il dit à l'adresse des lobbies bancaires.

Barack Obama a demandé aussi au Congrès de limiter les contributions électorales des lobbyistes. Obama ne décolère pas depuis la suppression par le Cour suprême à majorité conservatrice, jeudi dernier, du plafonnement des dons des entreprises dans les campagnes électorales, qui selon lui "ouvre les vannes à l'injection dans la démocratie américaine de montants illimités venant d'intérêts privés".

Il a déploré un "déficit de confiance" et les "doutes profonds" de la population vis-à-vis de Washington en déclarant que le pays ne pouvait s'offrir que les divisions partisanes continuent de bloquer la mise en oeuvre des projets de loi, notamment sur la lutte contre le réchauffement climatique.

Comme attendu, la politique étrangère des Etats-Unis n'a occupé qu'une faible place dans son discours. Barack Obama s'est dit confiant dans le succès de sa politique en Afghanistan malgré des jours difficiles qui s'annoncent et il a réaffirmé sa détermination à mener à bien le retrait des troupes de combat américaines d'Irak d'ici la fin août.

Il a également promis de travailler avec le Congrès pour mettre un terme aux restrictions qui pèsent sur l'engagement des homosexuels au sein de l'armée américaine.

Version française Guy Kerivel et Jean-Stéphane Brosse