* Pour la Russie, le discours US est "primitif et rustre"

* Pour Trump, les relations sont peut-être au plus bas

* Poutine va dans le même sens

* Le président russe confirme son soutien à Assad (Nouvelle version avec commentaires de Trump)

par Yeganeh Torbati, Denis Diomkine et Jeff Mason

MOSCOU/WASHINGTON, 13 avril (Reuters) - Les présidents russe et américain ont chacun reconnu mercredi que les relations et la confiance entre leurs deux pays s'étaient dégradées tandis que le secrétaire d'Etat américain, Rex Tillerson, était accueilli au Kremlin dans un climat glacial.

A Washington, Donald Trump a déclaré lors d'une conférence de presse que les Etats-Unis ne s'entendaient pas "du tout" avec la Russie. La relation pourrait être à "un niveau historiquement bas", a dit le président américain.

"On peut dire que le niveau de confiance au niveau opérationnel, en particulier sur le plan militaire, ne s'est pas amélioré, mais plutôt détérioré", avait déclaré quelques heures auparavant Vladimir Poutine dans un entretien diffusé à la télévision russe.

Pendant la campagne électorale qui a précédé son élection, le républicain Donald Trump avait fréquemment appelé à un réchauffement des relations avec la Russie de Vladimir Poutine, après les tensions qui prévalaient avec son prédécesseur démocrate Barack Obama, et ce en dépit des critiques à l'intérieur même de son camp républicain.

Mais l'espoir d'un réchauffement des relations entre les Etats-Unis et la Russie sous une présidence républicaine a été anéanti quand le nouveau chef de la Maison blanche a ordonné des frappes aériennes en Syrie vendredi dernier. L'intention était de punir le régime syrien soutenu par Moscou, accusé d'avoir mené une attaque chimique meurtrière le 4 avril dans la province d'Idlib.

Après avoir discuté pendant trois heures avec son homologue russe Sergueï Lavrov, le chef de la diplomatie américaine Rex Tillerson a finalement pu rencontrer Vladimir Poutine.

Auparavant, le Kremlin s'était refusé à confirmer la rencontre entre Poutine et Tillerson, illustrant le regain de tension entre les deux puissances.

La Russie n'a pas été avare de propos peu amènes. Le vice-ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Riabkov a qualifié de "primitif et rustre" le discours des Etats-Unis dans une interview à l'agence de presse russe RIA.

Ces propos font partie d'une salve de déclarations qui ont semblé programmées pour exploiter le climat de gêne autour de la première visite à Moscou d'un membre du gouvernement Trump.

"RECONNAÎTRE CETTE RÉALITÉ"

Vladimir Poutine, dans son interview, maintient sa version selon laquelle l'armée syrienne n'a pas mené d'attaque au gaz sarin le 4 avril dans la province d'Idlib et assure que le régime de Bachar al Assad a respecté sa promesse, faite en 2013, de se débarrasser de son arsenal chimique.

Il avance deux explications à la mort de 87 personnes par contamination chimique à Khan Cheikhoune : soit le bombardement de l'aviation syrienne a touché un entrepôt des rebelles, explication jugée irréaliste par de nombreux experts, soit l'attaque a été purement et simplement inventée par les ennemis de Bachar al Assad. Cette dernière théorie est nouvelle.

Après avoir rencontré son homologue russe Sergueï Lavrov, Rex Tillerson a admis que le niveau de confiance entre Moscou et Washington était extrêmement bas, avant de prévenir: "les deux principales puissances nucléaires ne peuvent pas entretenir ce genre de relations."

Il a réaffirmé la position des Etats-Unis selon laquelle Assad devait finir par abandonner le pouvoir.

"Nous avons discuté de notre position selon laquelle la Russie, en tant que son plus proche allié dans le conflit, a peut-être de meilleurs moyens pour aider Assad à reconnaître cette réalité", a déclaré Rex Tillerson.

En contraste, Donald Trump a déclaré dans un entretien au Wall Street Journal que la politique de son gouvernement n'était pas de demander la démission de Bachar al Assad dans le cadre d'une "résolution pacifique du conflit".

"Est-ce que nous insistons sur ce point ? Non. Mais je pense vraiment que cela va se produire à un certain stade", a toutefois ajouté le président américain.

Il a ajouté que si Bachar al Assad avait à nouveau recours aux armes chimiques il y aurait une autre réponse militaire de la part des Etats-Unis, mais il a également dit qu'il n'interviendrait pas en profondeur dans le conflit.

Sergueï Lavrov a réitéré la position russe et redit qu'il fallait attendre qu'une commission internationale se prononce pour déterminer les responsabilités dans l'attaque chimique commise à Khan Cheikhoune.

Il a toutefois annoncé que certains progrès avaient été faits sur la Syrie et qu'un groupe de travail allait être mis en place pour se pencher sur le mauvais état des relations entre les deux pays. Il a ajouté que Vladimir Poutine avait accepté de restaurer immédiatement l'accord aérien entre la Russie et les Etats-Unis permettant que leurs avions n'entrent pas en collision dans l'espace aérien syrien. Cet accord avait été suspendu après la frappe aérienne américaine en Syrie. (Avec Polina Devitt, Andrew Osborn et Vladimir Soldatkine; Tangi Salaün, Gilles Trequesser, Nicolas Delame et Danielle Rouquié pour le service français)