par Jan Strupczewski

Le produit intérieur brut (PIB) des seize pays utilisant la monnaie unique a augmenté de 0,4% sur la période juillet-septembre selon l'estimation "flash" publiée vendredi par Eurostat, après +1,0% sur avril-juin. En rythme annuel, la croissance de la zone euro ressort à 1,9%.

Les économistes ne redoutent pas une rechute en récession de la zone euro mais certains s'attendent à voir la croissance tomber autour de 0,2% à 0,3% au cours des prochains trimestres.

La croissance sur l'ensemble de 2011 pourrait ainsi revenir à 1,1-1,4% contre 1,7% attendu cette année.

"La croissance de la zone euro devrait rester limitée au cours des mois à venir face à de forts vents contraires, avec l'emprise progressive du resserrement marqué des politiques budgétaires, le ralentissement de la croissance mondiale et les problèmes récurrents liés aux dettes souveraines", résume Howard Archer, d'IHS Global Insight.

Signe de la précarité croissante de la situation, la production industrielle des 16 a reculé de 0,9% en septembre alors qu'elle était attendue en hausse.

La croissance du troisième trimestre est pour l'essentiel à porter au crédit de l'Allemagne, dont le PIB a progressé de 0,7% au troisième trimestre par rapport au deuxième et affiche un rebond de 3,9% sur un an.

LA FRANCE DISTANCÉE PAR L'ALLEMAGNE

La France, qui se classe au deuxième rang de la zone euro, est nettement distancée par l'Allemagne et affiche une expansion de 0,4% d'un trimestre sur l'autre (+1,8% sur un an selon Eurostat).

Plusieurs des pays "périphériques" de la zone euro sont en effet toujours pénalisés par leurs difficultés financières: l'économie grecque est ainsi restée en récession au troisième trimestre (-1,1%) et l'économie espagnole a stagné tandis que l'Italie affiche une croissance limitée à 0,2%.

La situation s'est légèrement améliorée au Portugal, avec une croissance de 0,4% au troisième trimestre, mais Lisbonne aura sans doute besoin de confirmer sa reprise pour convaincre les investisseurs.

L'Irlande, dont la situation préoccupe les marchés financiers internationaux depuis plusieurs jours , ne publiera ses comptes nationaux du deuxième trimestre que le mois prochain. Mais l'ex-"tigre celte", dont le PIB a reculé de 1,1% au deuxième trimestre devrait avoir du mal à renouer avec la croissance.

"Au cours des prochains trimestres (...) les tensions vont continuer de monter parce que l'économie allemande semble vouée à surperformer le reste de la zone euro pendant les années à venir", explique Christoph Weil, économiste de Commerzbank.

La priorité donnée à la réduction des déficits budgétaires va peser sur la demande dans la périphérie de la zone euro alors qu'en Allemagne, la politique budgétaire allemande ne pénalisera que légèrement l'activité économique du pays, précise-t-il.

DISPARITÉS

En outre, la compétitivité de l'économie allemande s'est nettement améliorée ces dernières années, ce qui n'est pas le cas pour d'autres pays de la région, poursuit-il.

En France, la consommation a encore soutenu la croissance mais celle-ci ne bénéficie pas, à la différence de l'Allemagne, du soutien du commerce extérieur: les importations françaises ayant augmenté plus vite que les importations, ce poste a même amputé la croissance globale d'un demi-point au troisième trimestre.

Ces différences risquent évidemment de compliquer, au cours des mois à venir, la coordination des politiques économiques entre des pays aux faiblesses et aux atouts divergents.

"La disparité des performances au sein de l'Europe n'a pas équivalent depuis 10-15 ans", constate Bruno Cavalier, économiste d'Oddo Securities, dans une note publiée vendredi, soulignant que cette spécificité va aussi compliquer la tâche de la Banque centrale européenne (BCE).

Celle-ci s'en tient pour l'instant au statu quo en matière de taux d'intérêt et les investisseurs ne s'attendent pas à ce qu'elle les modifie avant 2012. Mais ses dirigeants sont de plus en plus divisés sur l'opportunité de mesures "d'assouplissement quantitatif", à l'image de celles mises en oeuvre par la Réserve fédérale américaine et la Banque d'Angleterre.

Marc Angrand pour le service français, édité par Yves Clarisse