"Malgré un capital humain et technique reconnu, la gestion alternative française, pour des raisons propres au marché français, et parce qu'elle souffre d'un déficit d'image notamment à l'étranger, ne s'est pas développée comme espéré. L'analyse montre qu'il existe pourtant des opportunités à saisir afin de développer cette gestion et l'ensemble des services à haute valeur ajoutée qui lui sont connexes", affirme le cabinet Reinhold & Partners.

"Le développement de la gestion alternative est un enjeu économique parce que cette gestion est une activité à très forte valeur ajoutée, qui, tout en alignant l'intérêt des investisseurs et des prestataires, est bien rémunérée et permet de développer des emplois de haut niveau dans tout l'écosystème de la gestion."

"C'est aussi un enjeu économique sur les marchés financiers, parce que cette gestion est devenue indispensable à la diversification des portefeuilles longs et à la recherche de rendements décorrélés des principaux marchés. Les exigences de sécurité et de rendement des actifs financiers se sont fortement renforcées notamment pour les actifs alloués aux retraites, et les actifs alloués à l'épargne de précaution (préparation des frais d'études, des frais de dépendance, etc.). Il est admis et reconnu que la gestion alternative a permis le développement de techniques financières innovantes pour le bénéfice des investisseurs. Elle favorise la liquidité des marchés en prenant des positions diverses puisque les gestions pratiquées développent des intérêts dans de multiples directions."

"C'est parce que ces enjeux ont bien été perçus par nos régulateurs financiers (AMF- Autorité des Marchés Financiers - et Direction du Trésor principalement) que la réglementation a été adaptée pour permettre le développement de cette gestion dans un cadre français. Il n'est plus à démontrer que la gestion, en général, profite le plus souvent en priorité à la place où est installé le gérant (animation des marchés, participation aux opérations financières, etc.), et les apports de la gestion alternative dans ce domaine sont bien connus."

"Mais la gestion alternative est un enjeu qui dérange, tout particulièrement en France. La résumer en deux mots, hedge funds, lui donne immédiatement une connotation iconoclaste et sulfureuse parfaitement entretenue par des propos politiques, eux-mêmes largement repris dans les medias, reflétant et diffusant une grande méconnaissance du sujet."

"Pour cette raison peut-être, pour d'autres aussi, la gestion alternative ne s'est pas développée en France, alors qu'elle connait un bon essor dans les pays anglo-saxons, (en Europe et dans le monde), et aussi de plus en plus au Luxembourg et en Suisse. Savoir attirer les métiers de la gestion financière est un enjeu économique important pour les différentes places financières. L'attractivité est pour partie liée au cadre financier général réservé aux grandes places (succès de Londres, New York....). Mais du fait du développement des technologies et de la mondialisation de la finance. Cette attractivité est aussi liée à la qualité des lois, règles et fournisseurs de services de places moins importantes, qui offrent ainsi un cadre attractif aux sociétés de gestion ou à la domiciliation des produits qu'elles gèrent (succès du Luxembourg et de Dublin)."

"La France dispose bien sur de points forts et dans certains domaines d'une belle attractivité, mais elle souffre aussi de faiblesses réelles ou imaginées qui impactent la perception et donc les choix de domiciliation des sociétés de gestion et/ou des fonds."

"La France est un pays merveilleux et désespérant à la fois. C'est un pays merveilleux, dont on loue la qualité des infrastructures, les facilités sociales, la qualité du personnel (éduqué, motivé, expérimenté,... et rémunéré raisonnablement), Et c'est un pays désespérant où tout est compliqué, où les embauches sont difficiles, les licenciements encore plus, où les dispositifs sociaux et fiscaux sont complexes, sans véritable guichet d'accueil pour aider le candidat entrepreneur à s'installer. Pire, ces dispositifs sont instables, voire rétroactifs, ce qui affaiblit les fondations de tout projet. Cette perception engendre un découragement réel : pourquoi le gérant qui doit investir une large partie de son patrimoine dans son propre fonds, comme exigé par les investisseurs internationaux, choisirait-il la France où il paiera un ISF, quand il en est exempté dans la plupart des autres pays ? Quels charmes la France offre-t-elle qui vaille cette charge ? Pour le gérant alternatif, malheureusement, pratiquement aucun."

"Force est de constater la récurrence de la remarque suivante : les positions officielles brocardant les hedge funds et la gestion alternative créent une image négative que personne n'est prêt à endosser. Malheureusement cette destruction a eu un bon écho chez les investisseurs institutionnels français qui, déjà très limités par leurs propres réglementations, se sont séparés de leurs investissements alternatifs. Une image détestable, pas de marché domestique, sont deux freins majeurs à toute velléité d'implantation et à toute possibilité de développement, pour les sociétés existantes."

"Il nous a été souligné que la gestion alternative française n'est généralement pas assez risquée, avec des rendements inférieurs à ceux de ses concurrents anglo-saxons. Elle n'est pas visible des investisseurs internationaux, et ne bénéficie donc pas des investissements des grands fonds de fonds, family offices, ou fonds de pension. Dès lors, le marché des gérants alternatifs français n'intéresse pas les grands prestataires de service internationaux (prime brokers, valorisateurs, transfer agents, mais aussi juristes, fournisseurs de logiciels, etc.)."

"Or ces prestataires de services offrent de nombreuses services à forte valeur ajoutée (capital introduction, financement, accès à des marchés complexes, outils informatiques sophistiqués, analyses juridiques internationales, etc.) qui échappent en partie aux gérants français et accentuent l'écart qui existe avec les gérants installés sur des places mieux reconnues, principalement le Royaume Uni (marché international des institutionnels) et la Suisse (grosse présence de private banking et family offices) en Europe. Quant aux produits de droit français (hors UCITS), ils ont un petit succès d'estime dans le sens où le régulateur est reconnu et que les règles, en particulier des fonds contractuels sont pragmatiques. Mais ce succès est petit, car la langue, la référence au système légal français, et la croyance (erronée) de l'application d'une fiscalité lourde sur ces produits, associés à un manque flagrant d'intérêt de nos investisseurs domestiques, sont de réels facteurs de rejet."

"La gestion alternative française souffre d'un certain nombre de concurrences sans vraiment réagir. Il n'y a aujourd'hui pas vraiment d'écart dans le traitement par un investisseur entre un fonds offshore et un fonds contractuel. Sauf que l'univers des fonds offshore est considérable, et celui des fonds contractuels étriqué. Or si les gérants internationaux peuvent conquérir le monde en ignorant les investisseurs français, il n'en est pas de même pour les gérants français qui ne se développeront pas à l'international sans un socle domestique solide."

"Beaucoup s'interrogent sur la pertinence technique de loger la gestion alternative dans des produits UCITS. Ce détournement de règle, qui déresponsabilise l'investisseur est loin d'être anodin. Mais, c'est un fait, le format UCITS permet une distribution facile et large en Europe et de bénéficier de ce label dans bon nombre de pays, asiatiques en particulier. Malheureusement pour la France, ce label est associé dans son image au Luxembourg. Il en résulte que la domiciliation d'un fonds pour une distribution européenne est le Luxembourg, avec quelques vraies raisons et beaucoup de marketing de la part des autorités de ce pays."

"Ces produits qui rendent apparemment simple ce qui est notoirement compliqué,... et permettent des arbitrages réglementaires, connaissent un grand succès car là aussi, ils déchargent l'investisseur de bon nombre de diligences, et peuvent être structurés sur des instruments moins consommateurs de fonds propres que ceux de la gestion alternative. Pour conclure ce constat, nous citerons la phrase qui recueille le plus gros consensus : en matière de gestion alternative, la France est perçue comme une place locale servant un marché local."