(Actualisé avec incidents en province §§6-7)

par Shadia Nasralla et Angus MacSwan

LE CAIRE, 9 août (Reuters) - Les partisans islamistes du président égyptien déchu Mohamed Morsi ont continué vendredi à défier les autorités transitoires mises en place par l'armée en refusant de mettre fin à leurs rassemblements, alimentant les craintes d'une confrontation violente imminente.

Alors que la "trêve" tacite liée à la fête musulmane de l'Aïd el Fitr, qui marque la fin du mois sacré du ramadan, se termine dimanche, des milliers de manifestants ont convergé vers la mosquée Rabaa al Adaouia, principal lieu de rassemblement des pro-Morsi au Caire, pour la grande prière hebdomadaire.

"Tuez autant que vous voulez. Nous ne bougerons pas d'ici", a lancé le prédicateur en s'adressant à la foule compacte et, indirectement, aux autorités qui ont promis de disperser les sit-in par la force si les manifestants ne partent pas de leur plein gré.

"Non au coup d'Etat, le coup d'Etat est du terrorisme", ont scandé les manifestants à l'issue de la prière. "Soldats, votre place n'est pas en politique", a renchéri sur scène un dirigeant des Frères musulmans, Ahmed Aref.

Nombre d'Egyptiens pensent que les forces de sécurité n'interviendront pas avant la fin de l'Aïd pour éviter de heurter les croyants en faisant couler le sang pendant cette période sacrée, après la mort de dizaines de manifestants pro-Morsi lors de deux affrontements avec l'armée et la police le mois dernier.

Des incidents ont cependant éclaté vendredi dans la région rurale du Fayoum, au sud du Caire, où la police a tiré des grenades lacrymogènes pour séparer des centaines de manifestants pro et anti-Morsi, selon des sources sécuritaires. Sept manifestants et cinq policiers ont été blessés.

Dans le delta du Nil, quatre personnes ont par ailleurs été blessées au cours d'affrontements entre partisans des deux camps près d'une base militaire, rapporte le journal Al Ahram, qui parle de 13 arrestations.

Les chancelleries occidentales disent redouter de nouvelles violences ce week-end après l'échec, mercredi, d'une tentative de médiation internationale.

"La situation est dangereuse. Il y a un risque que les choses tournent mal samedi et dimanche", estime un diplomate européen.

"NOTRE COMBAT EST JUSTE"

A Rabaa, des groupes d'hommes armés de bâtons gardent les accès au rassemblement que les islamistes se disent déterminés à poursuivre jusqu'à ce que Mohamed Morsi soit rétabli dans ses fonctions.

"Nous n'avons pas peur car notre combat est juste", assure Mohamed, un manifestant de 43 ans. "Ceux qui piétinent les droits du peuple sont les véritables perdants. Nous ne nous laisserons pas terroriser par les chars et les balles. Nous sommes prêts à devenir martyrs."

Ces paroles de défi risquent cependant de ne pas peser lourd si les forces de l'ordre interviennent - même si le gouvernement intérimaire soutient de son côté que les Frères musulmans sont lourdement armés.

Femmes et enfants sont également présents en nombres dans le campement improvisé, les petites filles portant, comme c'est la tradition pendant l'Aïd, des robes neuves et des rubans dans les cheveux. Les autorités accusent les islamistes de les utiliser comme boucliers humains.

Plus de 300 Egyptiens ont été tués depuis que Mohamed Morsi a été renversé par l'armée début juillet après de grandes manifestations demandant son départ.

Selon le diplomate européen, l'armée est soumise à une pression considérable émanant de ses propres rangs et d'une partie de la population qui rêvent d'"écraser" les Frères musulmans, dont certains dirigeants semblent prêts à aller jusqu'à la confrontation.

Face au caractère de plus en plus inéluctable de nouvelles violences, la communauté internationale tente de calmer le jeu en mettant en garde le nouveau pouvoir égyptien contre les conséquences d'une répression brutale.

Le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius, s'est ainsi entretenu jeudi au téléphone avec différents acteurs politiques égyptiens, dont son homologue, a indiqué un porte-parole du Quai d'Orsay.

"Il a souligné la nécessité pour chacun de privilégier le dialogue et la recherche du compromis encore possibles, plutôt que d'alimenter les tensions ou susciter les violences", a-t-il dit. (Avec Catherine Bremer à Paris et Michael Georgy au Caire; Tangi Salaün pour le service français)