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(Easybourse.com) Les biocarburants sont critiqués en ce qu'ils contribuent à la flambée des matières premières agricoles, en cela à l'inflation des prix des produits alimentaires, et par conséquent à l'augmentation de la famine dans le monde. Qu'en pensez-vous ?
L'augmentation du prix des aliments et les effets terribles engendrés dans la population la plus vulnerable sont deux questions prises très au sérieux par la Commission européenne.

Nous travaillons en étroite collaboration avec les  Nations unies pour essayer d'urgence de faire face à ces difficultés, et pour tenter de trouver une solution au problème structurel qui existe.

Mais pour cela, il y a lieu de déterminer quelles sont les véritables causes de cette augmentation du prix des aliments.

Il est nécessaire de faire attention aux accusations que l'on entend. Pour le moment, aucune indication avérée ne permet de penser que les biocarburants sont la cause principale, voir une cause importante de la récente flambée des prix.

Au sein de l'Union européenne, seulement 2% des surfaces arables sont destinés à la production de biocarburants. Par ailleurs, le coût des matières premières agricoles représente moins de 5% du prix d'une baguette de pain. Cela traduit le fait qu'il existe d'autres facteurs qui expliquent la forte hausse des prix des aliments.

Parmi ces facteurs, nous pouvons citer les mauvaises récoltes aux Etats-Unis, dans certains pays européens, l'augmentation de la demande en nourriture en Chine et en Inde due au fort développement économique de ces deux grands pays, les limitations d'exportation de pays fournisseurs de céréales (Argentine, Ukraine, Russie), une instabilité sur les marchés financiers en raison d'une crainte de récession aux Etats-Unis ( ayant entraîné d'importants investissements en matières premières, et par suite une montée dramatique des prix). 

Est mis en cause le mandat européen qui vise à ce que les biocarburants représentent 10% de la consommation d'essence d'ici à 2020. Si aujourd'hui la production des biocarburants est insignifiante et n'est pas en mesure à influencer grandement les prix des matières premières agricoles, la situation n'aura-t-elle pas vocation à évoluer dans le mauvais sens à l'avenir ?
Nous connaissons une flambée des prix des aliments alors que la directive européenne  n'a pas encore été approuvée. Il n'y a donc pas de relation de cause à effet à établir. L'impact de la directive de 2003 qui prévoit un objectif de 5,55% à horizon 2010 est insignifiant.

Qui plus est, nous avons réalisé des études pour déterminer quel sera l'impact des biocarburants dans la production mondiale de la nourriture. La production mondiale de céréales est de 2 200 millions de tonnes par an.

Pour parvenir à notre objectif de 10%, même sans biocarburants de seconde de génération, nous avons besoin d'une production annuelle additionnelle de 4 millions de tonnes. Nous pouvons nous demander quel peux être l'impact de 4 millions de tonnes dans un marché de 2 200 millions. L'objectif fixé par l'Union est raisonnable.

Par ailleurs, au-delà de la forte augmentation du prix des matières premières agricoles, il y a d'autres éléments qui ont contribué à la famine dans le monde : la baisse de la productivité des pays pauvres, et la terrible hausse du prix du pétrole. Si les céréales ne représentent que 5% du prix de la baguette, le coût du transport et le coût de l'énergie utilisée pour produire la baguette ont des conséquences très importantes.

Or, une des seules armes que nous avons à notre disposition pour faire baisser le prix du pétrole réside paradoxalement dans l'augmentation de la production de biocarburants. Nous avons tendance à oublier les bénéfices de ces derniers : réduction des émissions de CO2 (alors que les pays pauvres sont ceux qui sont le plus exposés au changement des conditions climatiques), transfert de l'argent de l'Union auprès d'agriculteurs européens d'une part, et auprès d'agriculteurs du tiers monde qui souffrent d'un problème de productivité. .
 
Dans beaucoup de pays, particulièrement de l'Afrique subsaharienne et de l'Amérique du sud, les techniques utilisées pour cultiver les matières premières agricoles sont primitives. Il n'y a pas de sécurité d'investissement.

Nous souhaitons donner cette sécurité aux pays pauvres pour produire du biocarburant selon nos critères de sustanibilité et les revendre à l'Union européenne à un bon prix. Cela permettra un effet très positif dans le développement du secteur rural des pays pauvres.

Qu'est-ce que les critères de 'sustanibilité' (dérivé de l'anglais sustainability, ndlr) ?
Ce sont des critères que nous avons établis en amont de la production des biocarburants. Tous les biocarburants qui dégagent au moins 35% des émissions de CO2 que l'on produirait si on utilisait le pétrole ne pourront pas compter dans l'objectif des 10% et bénéficier des aides d'Etat pour le biocarburant.

Votre priorité réside dans les biocarburants de seconde génération. C'est ce dont fait état, le plan d'action des recherches énergétiques et stratégiques. Pourtant ce sont les biocarburants de première génération qui se sont développés ces dernières années ?
L'augmentation des biocarburants de première génération a vocation à faciliter le développement des biocarburants de seconde génération. Les entreprises qui procèdent à des recherches pour les biocarburants de seconde génération doivent avoir la certitude qu'ils pourront le vendre une fois trouvée.

Il faut alors donner un message dans ce sens. D'où l'objectif obligatoire de l'Union des 10% de biocarburant d'ici 2020. L'idée étant de faire en sorte qu'il soit intéressant d'investir de l'argent là dedans.

Si on ne donne pas cette sécurité d'investissement, alors les entreprises seront plus enclines à investir là où cette sécurité existe : dans le pétrole, autrement dit dans le sable bitumineux au Canada, le pétrole lourd du Vénézuela, là où les émissions de CO2 sont épouvantables mais où la demande sera garantie.

Si nous faisons une directive sur un produit qui aujourd'hui n'est pas rentable, alors nous aurons la certitude que nous ne l'aurons pas.

Si en revanche, nous travaillons avec cet objectif dans l'horizon et que nous facilitons l'envolée de cette technologie en permettant aux biocarburants de première génération de faire leur place, les biocarburants de seconde génération pourront connaître un certain essor .

Il n'est pas sûr que d'ici à 2020, nous ayons toujours une production mondiale de 2 200 millions de tonnes. Qui plus est, si 4 millions de tonnes seront utilisés pour les biocarburants au sein de l'Union européenne, c'est sans compter les autres millions qui seront utilisés aux Etats-Unis, au Japon…et ailleurs sur la planète?
La seule alternative à l'arrêt, la stabilisation ou la diminution de la production des biocarburants, c'est de continuer à utiliser de manière aussi importante le pétrole, et à transférer l'argent de l'Union européenne vers les pays riches qui poursuivront leur hausse du prix du baril.
 
Il n'est  pas pertinent de renoncer à l'aide octroyée aux agriculteurs européens et aux agriculteurs des pays pauvres, à la réduction des émissions de CO2, en raison d'un impact minimal que les biocarburants peuvent avoir dans le prix des nourritures.
Par ailleurs, avec le prix du baril à presque 120 dollars, les biocarburants de première génération seront vendus dans le marché global, mais sans critères de sustenibilité comme nous le proposons.

Si on accepte notre approche, c'est-à-dire, un objectif limité, avec des mesures de protection environementale fortes et avec les biocarburants de deuxième génération comme cible, l'impact des biocarburants peut etre très positif pour l'environement, pour notre competitivité et pour notre securité d'aprovisionnement.
 
Quelle est l'importance de l'aide publique accordée pour favoriser la production des biocarburants ?
Cette aide dépend du système propre mis en place dans chaque Etat.
La Commission a fixé un objectif au niveau de l'Union. Ensuite, c'est à chaque Etat membre de mettre en œuvre cet objectif. Il n'y a pas de plafond qui a été défini. Il y a seulement de nouvelles orientations qui ont été fixées pour les aides d'Etat liées à des préoccupations environnementales.

Propos recueillis par Imen Hazgui 

- 07 Mai 2008 - Copyright © 2006 www.easybourse.com

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