(Actualisé avec sondage § 14, et déclarations trois derniers paragraphes)

par Patricia Zengerle

WASHINGTON, 6 février (Reuters) - La commission du Renseignement de la Chambre américaine des représentants a autorisé lundi la diffusion du document rédigé par des élus démocrates en réfutation d'un mémo républicain mettant en cause l'attitude du FBI et du département de la Justice dans l'"enquête russe".

L'élu démocrate Adam Schiff a précisé que la décision avait été prise à l'unanimité des membres de la commission, élus républicains compris.

Il a ajouté que ce document serait transmis dans la soirée à la Maison blanche, estimant qu'il serait très difficile pour l'administration Trump de bloquer sa diffusion.

Donald Trump, qui a autorisé la semaine dernière la déclassification du mémo rédigé par des républicains, dispose d'un délai de cinq jours pour se prononcer, soit d'ici vendredi.

La note démocrate est une réplique à ce mémo républicain divulgué vendredi dernier qui accuse le FBI et le département de la Justice de parti pris dans l'enquête sur une possible ingérence russe dans l'élection présidentielle de 2016 et une éventuelle collusion entre l'équipe de campagne de Trump et Moscou.

Ce mémo de quatre pages affirme que le FBI et le département de la Justice ont omis de fournir tous les éléments au juge saisi en octobre 2016 pour obtenir la mise sur écoute de Carter Page, consultant spécialisé sur le secteur pétrolier et ancien conseiller de campagne de Trump.

Il relève que cette requête puis les demandes de renouvellement étaient fondées sur le rapport rédigé par un ancien agent du renseignement britannique, Christopher Steele, financé en partie par le Comité national du Parti démocrate et par l'équipe de campagne d'Hillary Clinton, éléments dont le juge n'a pas été informé.

Donald Trump a estimé samedi que cette note l'innocentait totalement dans l'enquête russe.

Rappelant qu'elle passe sous silence de nombreux autres aspects de l'enquête, le FBI a exprimé pour sa part ses "sérieuses préoccupations" concernant son exactitude et dit son opposition à la publication d'un document qui remet en question son honnêteté.

"GUERRE DES MÉMOS"

Trump se débat depuis son investiture dans les méandres de l'affaire russe. Les autorités russes ont démenti à maintes reprises être intervenues dans la campagne présidentielle. Trump nie pour sa part toute collusion entre son équipe de campagne et Moscou et dément vouloir faire obstruction à la justice.

Le camp démocrate, qui avait voté contre la publication du mémo républicain, redoute que ce document déclassifié ne serve à entraver l'enquête russe menée par le procureur spécial Robert Mueller, nommé au mois de mai dernier, voire à le limoger.

Le numéro deux du département de la Justice, Rod Rosenstein, qui a nommé Mueller et coordonne l'enquête russe, pourrait aussi être visé, craignent des élus démocrates.

Après le limogeage sans ménagement de James Comey, l'ex-directeur du FBI renvoyé début mai 2017 par Donald Trump, cette "guerre des mémos" a élargi encore le fossé qui s'est creusé entre la Maison blanche et les agences fédérales chargées de la sécurité.

Elle alimente aussi les rancoeurs partisanes sur le déroulement de l'élection présidentielle de 2016. Un sondage Ipsos/Reuters publié lundi montre que 73% des sympathisants républicains pensent que des membres du FBI et du département de la Justice s'emploient à délégitimer Trump; côté démocrate, ils sont 75% à penser que des membres du Parti républicain et de la Maison blanche s'emploient à délégitimer le FBI et le département de la Justice.

La commission du Renseignement de la Chambre des représentants est l'une des trois commissions parlementaires qui enquêtent sur une possible ingérence de la Russie et une éventuelle collision avec l'équipe de campagne de Trump, parallèlement aux investigations du procureur Mueller.

Sur Twitter, Trump s'en est pris lundi à Adam Schiff, l'accusant d'avoir fait fuiter des informations confidentielles. "Adam quitte les réunions à huis clos de la commission pour divulguer illégalement des informations confidentielles. Il faut y mettre fin !", écrit-il.

L'élu démocrate a répliqué en demandant au président de cesser ses calomnies.

Sur le fond, a-t-il déclaré à la presse, "nous pensons que ce (document démocrate) contribuera à informer l'opinion sur les nombreuses distorsions et inexactitudes du mémo de la majorité (républicaine)".

Précisant que les agences fédérales disposaient de ce texte depuis plusieurs jours, Adam Schiff a ajouté: "Nous voulons aussi nous assurer que la Maison blanche ne censurera pas notre mémo à des fins politiques, et c'est à l'évidence une profonde inquiétude."

Devin Nunes, président républicain de la commission du Renseignement à l'origine du premier mémo, s'est refusé à tout commentaire. (avec Doina Chiacu et Makini Brice Henri-Pierre André pour le service français)