PARIS (Reuters) - A cinq jours du premier tour de l'élection présidentielle française, Marine Le Pen a appelé mardi à une enquête internationale de l'Onu sur les crimes de guerre présumés commis par l'armée russe dans la ville ukrainienne de Boutcha, son adversaire d'extrême gauche Jean-Luc Mélenchon jugeant cette perspective difficilement réalisable.

Le président ukrainien Volodimir Zelensky a dénoncé un "génocide" après la découverte au cours du week-end à Boutcha, dans la banlieue de Kyiv, de centaines de corps de civils, certains abattus à bout portant et ligotés. La Russie a rejeté ces accusations et accuse les autorités de Kyiv de mise en scène.

"Je crois qu'il faut d'abord immédiatement une enquête de l'Onu. (...) De manière générale, il faut que l'Onu aille sur le terrain pour effectuer une enquête pour déterminer qui sont les responsables de ces crimes de guerre", a estimé Marine Le Pen sur France Inter.

La candidate du Rassemblement national (RN), qui bénéficie d'une dynamique dans les sondages lui permettant de réduire l'écart avec le président sortant Emmanuel Macron à l'approche du premier tour, juge toutefois nécessaire de maintenir "un canal de discussion" avec Moscou "pour éviter la constitution d'une gigantesque puissance sino-russe qui pourrait représenter demain un danger peut-être cent fois plus important pour la liberté et la sécurité en Europe".

Marine Le Pen, critiquée pour des liens jadis étroits avec le Kremlin, défend désormais une approche diplomatique "à équidistance" des Etats-Unis et de la Russie.

ZEMMOUR "PRUDENT"

Le candidat de La France insoumise (LFI) Jean-Luc Mélenchon, qui revendique une ligne géopolitique "non alignée" et est accusé de complaisance envers le régime russe par ses adversaires de gauche, notamment, s'est ému mardi sur RTL de "crimes de guerre".

"Nous sommes maintenant dans des tueries, ce sont des tueries d'une sauvagerie absolue, des gens qu'on tue de sang-froid. Ce sont des crimes de guerre, c'est intolérable!", a-t-il déclaré.

Il juge toutefois peu probable une enquête internationale indépendante.

"L'Onu ne peut juger que des Etats, le seul tribunal qui peut juger des personnes, ni la Russie, ni les Etats-Unis, ni la Chine n'ont signé la convention qui l'institue. Cela ne va pas être facile d'y envoyer les responsables", a-t-il dit, évoquant implicitement la Cour pénale internationale (CPI).

La Russie et les Etats-Unis ont signé le traité instituant la CPI mais ne l'ont pas ratifié. La Chine, elle, ne l'a pas signé.

Pour Eric Zemmour, candidat de "Reconquête!" à la présidentielle, il faut être "prudent" s'agissant de Boutcha.

"Il faut être sûr que ces massacres soient le fait des troupes russes, si c'est le cas, c'est absolument horrible et infâmant même pour le peuple russe et l'image de la Russie", a-t-il dit sur France 2.

"Il faut être prudent. (...) Il y a eu beaucoup de manipulation d'images par le passé, il faut attendre une enquête internationale. Massacrer des civils, ce sont des crimes de guerre et soyons prudents", a-t-il ajouté.

Il a prôné la poursuite des négociations russo-ukrainiennes. "On doit trouver une solution qui rende l'Ukraine neutre pour que sa sécurité soit garantie."

Yannick Jadot, candidat d'Europe Ecologie-Les Verts (EELV), a estimé sur BFM TV et RMC que le président russe Vladimir Poutine était un "criminel de guerre" depuis "vingt ans".

ROUSSEL CONTRE UN EMBARGO SUR LE GAZ RUSSE

"Il y a des atrocités terribles et je pense être le seul candidat dans cette élection présidentielle qui a eu cette constance vis-à-vis de Vladimir Poutine", a-t-il plaidé, rappelant la Tchétchénie et la Syrie.

"La seule mesure que les Européens doivent prendre pour que cessent ces atrocités, c'est l'embargo européen sur le gaz russe", a-t-il réaffirmé.

Un objectif que défend également la candidate socialiste Anne Hidalgo.

"Il faut absolument avancer et bien sûr aller chercher du gaz en Algérie, du gaz américain, et beaucoup d'autres solutions pour accélérer la transition écologique", a-t-elle dit sur franceinfo.

"Je pense qu'on doit pouvoir, au nom d'une éthique, au nom de notre propre protection en tant que Français et Européens sortir de cette dépendance en gaz russe qui aujourd'hui finance la guerre en Ukraine", a-t-elle ajouté, citant une étude du Conseil d'analyse économique qui conclut que le coût économique d'un embargo sur le gaz russe serait "gérable" pour la France.

Le candidat du Parti communiste, Fabien Roussel, s'est opposé sur Europe 1 à des "décisions qui pourraient avoir des conséquences dures et terribles pour le pouvoir d'achat des Français".

"Se priver du gaz russe du jour au lendemain, c'est engager l'Union européenne dans une grave récession économique", a-t-il affirmé. "Je préfère qu'on aille taper au porte-monnaie les oligarques."

(Rédigé par Sophie Louet, édité par Bertrand Boucey)