Commission européenne

[Seul le texte prononcé fait foi]

Michel BARNIER

Membre de la Commission européenne, chargé du Marché intérieur et des Services

Intervention lors des discussions sur le mécanisme de résolution unique

Réunion ECOFIN

Bruxelles, le 18 février 2014

Il est très important de donner à la Présidence grecque les marges de manœuvre nécessaires pour qu'il puisse négocier avec le Parlement.

Le Parlement est dans un état d'esprit constructif mais il a des demandes claires sur un certain nombre de points. Cette approche était partagée par la totalité des groupes il y a dix jours à Strasbourg en séance plénière, c'est un point très important.

Dans ce contexte, un certain nombre de pistes de compromis peuvent être exploré que je veux passer en revue rapidement :

Nous pouvons tout d'abord certainement améliorer les processus de décision qui sont, au terme de notre compromis actuel, complexes et lourds.

1/ La première question est celle de l'institution devant juger qu'un établissement bancaire n'est plus viable et donc engager le processus de la résolution. C'est un sujet où votre approche diverge de celle du Parlement qui considère que cette responsabilité devrait revenir exclusivement à la BCE.

Nous partageons le même objectif et les inquiétudes des uns et des autres sont assez légitimes.

Je crois que nous pourrions envisager une solution de compromis qui revient à confier exclusivement à la BCE comme superviseur la décision de déclarer qu'un établissement n'est plus viable.

Pour éviter le risque de délai dans la prise de décision, ou alors de capture du superviseur ("supervisory forebearance") selon l'expression académique, nous pourrions aussi prévoir la possibilité pour le Conseil de Résolution de demander à la BCE de faire cette analyse de viabilité s'il l'estime justifié ou si la BCE ne fait pas par elle-même.

En complément, nous pourrions enfin prévoir que la BCE déclare la non-viabilité d'un établissement et que le Board apprécie deux autres critères nécessaires pour la mise en résolution : d'abord aucune perspective raisonnable qu'une autre mesure de nature privée ou prudentielle empêche la défaillance, et deuxièmement l'intérêt général qui justifie une mesure de résolution.

Voilà pour le premier point.

2/ En second lieu, se pose la question du rôle de la formation plénière du Conseil de Résolution par rapport à son conseil exécutif.

Je rappelle que le Parlement demande à ce que toutes les décisions de résolution soient prises par la session exécutive du Board pour des raisons d'efficacité et parce qu'il y voit un risque d'ingérence politique.

Si j'en viens au fond, nous devons d'abord déterminer les seuils à partir desquels les décisions reviennent à la formation plénière. Le Parlement souhaite la suppression du seuil de 5 Md€. Il est clair qu'un seuil en valeur absolue est très contraignant notamment les premières années. Nous pourrions donc envisager sa suppression et de ne conserver qu'un seuil en valeur relative. Il y a là un point de compromis possible.

Nous pourrions aussi relever les autres seuils concernant la liquidité et les autres types de décisions afin de limiter le champ de compétence de la plénière.

Le deuxième aspect de ce sujet concerne les modalités de vote au sein de la plénière. Le Parlement est opposé au système de double majorité et notamment au seuil de 50% fondé sur les contributions en plus du 2/3 des voix.

Je pense pour ma part que ce seuil de 50% a une certaine légitimité dans la phase de transition durant laquelle subsisteront des compartiments nationaux.

En revanche, une fois le fonds pleinement mutualisé, nous serons collectivement responsables de la supervision et de la résolution. L'origine géographique des banques soumise au système ne devrait donc plus constituer un critère de vote. En clair, nous pourrions envisager de donner un caractère transitoire à ce critère.

3/ la question de l'institution en charge d'enclencher le processus de mise en résolution. J'ai toujours dit que j'étais agnostique sur la question de savoir qui devrait pousser sur le bouton de la résolution.

Je ne reviens pas sur ma proposition d'origine et sur l'absence de volonté de puissance de la Commission dans ce domaine. Le Parlement considère à juste titre que le compromis actuel est beaucoup trop complexe. Je peux comprendre sa préoccupation.

Je crois que vous devriez autoriser la présidence à explorer la possibilité de donner au Conseil un droit de veto fondé sur le critère de l'intérêt public, sur une proposition faite par la Commission. Il y a là aussi une voie de compromis.

4/ J'en viens enfin aux questions du rôle des autorités nationales de résolution et de champ d'application du SRM.

Il ne faut pas qu'il y ait de malentendu sur ce point. Nous avons décidé en décembre d'appliquer le SRM à toutes les banques de l'Union Bancaire. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous demandons à toutes les banques de participer au fonds de résolution unique. Cela se traduit aussi par l'application de la BRRD à l'ensemble de l'Union Bancaire. C'est la lettre et l'esprit de ce que nous avons décidé en décembre car toute autre solution aurait conduit à une fragmentation du Marché Unique.

Sur cette base, la solution de bon sens consisterait à aligner autant que possible les pouvoirs du Conseil de Résolution sur ceux du Conseil de Supervision pour ce qui est des banques qui ne sont pas directement dans sa sphère de compétence, avec la possibilité de supervision directe, et l'adoption de règles générales.

Une telle solution est logique et elle est susceptible de nous faire trouver un accord avec le Parlement Européen.

Enfin, j'en viens à un dernier point qui n'est pas formellement à notre ordre du jour mais qui est essentiel pour le Parlement, je l'ai également évoqué hier : la mutualisation.

Le Parlement souhaite une mutualisation plus rapide avec pour avantage de permettre au fond de disposer plus rapidement d'un niveau de ressources substantiel. Cela permet de relativiser en outre les questions portant sur la capacité d'emprunt et sur les prêts entre compartiments.

Il y a plusieurs possibilités, je suis prêt à y travailler.


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