Buenos Aires (awp/afp) - Engluée dans ses contradictions, l'Organisation mondiale du commerce (OMC) s'est enfoncée un peu plus dans la crise lors de sa Conférence ministérielle à Buenos Aires, qui devait se terminer mercredi sans accord notable pour le commerce mondial.

En marge des négociations à l'OMC, il ne manque plus grand-chose pour qu'un traité de libre-échange entre l'Union Européenne et le Mercosur aboutisse.

Comme c'est la tendance depuis des années, des solutions bilatérales prennent le pas sur les accords multilatéraux, difficiles à arracher, car c'est la culture du consensus qui prévaut à l'OMC.

L'Inde a par exemple fait échouer un accord sur la pêche qui était annoncé comme probable, lors de la 11e Conférence ministérielle de cet organisme régulant le commerce mondial, qui s'est tenue de dimanche à mercredi dans la capitale argentine.

- "Malaise" à l'OMC -

"Buenos Aires doit sonner le réveil des consciences. Le résultat n'est pas satisfaisant. Il y a un malaise de l'institution. Le statu quo n'est plus possible (...) L'Europe a une carte à jouer, l'UE doit être une force de proposition", a déclaré à des journalistes le secrétaire d'Etat français en charge du Commerce extérieur, Jean-Baptiste Lemoyne.

La réunion de Buenos Aires a été marquée lundi par une nouvelle attaque de Washington contre l'OMC.

"Nous sommes inquiets, l'OMC est en train de perdre son objectif essentiel et devient une organisation axée sur les litiges", a regretté le représentant américain au Commerce Robert Lighthizer. Son pays est en passe de paralyser l'Organe de résolution des différends (ORD).

L'Union européenne et la Chine se sont aussitôt mobilisées pour voler au secours de l'OMC, fragilisée.

"Des Etats ont pointé des constats, les réponses qu'ils apportent, je pense aux USA, peuvent précipiter une mort lente de l'institution", a alerté le ministre français.

Le représentant américain a claqué la porte des négociations et a quitté l'Argentine un jour avant la fin des travaux.

Mardi, l'UE, le Japon et les Etats-Unis se sont unis pour lancer un rappel à l'ordre à la Chine, vilipendant sa politique d'octroi de subventions, qui provoque une situation de concurrence déloyale, et l'exigence de transferts de technologie aux entreprises étrangères souhaitant s'implanter dans le pays asiatique.

- Sécurité sanitaire -

En marge de la Conférence de l'OMC, les pourparlers en vue d'un accord de libre-échange Union européenne-Mercosur ont progressé et les négociations reprendront en janvier.

"Le compte n'y est pas tout à fait, il n'y aura pas d'accord à Buenos Aires. Il y a encore du travail à accomplir. La négociation va se poursuivre à partir de janvier", a confié Jean-Baptiste Lemoyne.

Les négociations entre l'UE et le Mercosur, marché commun du sud (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay), ont débuté dans les années 1990. Les réticences pour les Européens portent sur l'ouverture aux produits agricoles sud-américains et à l'éthanol.

Les pays sud-américains redoutent que leur industrie ne puisse pas soutenir la concurrence avec les produits manufacturés européens.

D'après le chef de la délégation française pour la Conférence de l'OMC à Buenos Aires, "des avancées ont été enregistrées, mais il y a encore des progrès à faire sur les normes sanitaires".

Les Argentins rêvaient d'un accord à Buenos Aires cette semaine mais Bruxelles n'a pas cédé.

"Des Etats membres font primer la substance sur le calendrier. Il vaut mieux prendre le temps de signer un bon accord, plutôt que de se retrouver avec des difficultés de ratification", a souligné Jean-Baptiste Lemoyne.

Selon Isolda Agazzi, d'Alliance Sud, qui regroupe des ONG suisses, la Conférence de l'OMC "a ignoré les sujets d'importance pour les pays en développement, les sujets du cycle de Doha, sur l'agriculture et la pêche, ou sur le stockage public pour la sécurité alimentaire".

L'agenda de Doha, serpent de mer de l'OMC, a pour but de libéraliser le commerce mondial, en réduisant les barrières et en révisant les règles commerciales, avec des bénéfices particuliers pour les pays en voie de développement. Mais certains pays préfèrent négocier en dehors de l'OMC des accords régionaux.

Mercredi, la session de clôture de la Conférence avait pris du retard et une incertitude planait sur le contenu d'une déclaration finale, généralement publiée à l'issue de la Conférence.

afp/rp