PARIS, 19 avril (Reuters) - A la veille d'un débat jugé déterminant pour le second tour de l'élection présidentielle, le camp d'Emmanuel Macron se montrait prudent mardi, jugeant que "le match n'est pas plié", tandis que les proches de son adversaire, Marine Le Pen, s'efforçaient de conjurer le souvenir cuisant du duel télévisé de 2017.

Le 3 mai 2017, la candidate du Rassemblement national, opposée pour le second tour à Emmanuel Macron, alors "simple" candidat d'En Marche, avait accumulé les faux pas dans cet exercice périlleux, perdant jusqu'à trois points dans les intentions de vote selon un sondage Elabe réalisé après le débat.

L'ancien ministre de l'Economie de François Hollande l'avait emporté avec 66,10% des voix contre 33,90% à Marine Le Pen.

Les sondages prédisent une issue plus serrée pour le 24 avril mais placent systématiquement Emmanuel Macron en favori.

"Je n'ai pas une forme d'inquiétude, mais en regardant ce qui se passe je pense que rien n'est joué et qu'il ne faudrait pas tirer des chiffres l'idée que le match est plié", a déclaré sur France Inter le Premier ministre, Jean Castex.

Même avertissement du côté de l'ancien Premier ministre Edouard Philippe, dans une interview au Figaro parue mardi : "Rien ne me paraît joué car beaucoup d'inconnues pèsent sur le scrutin, à commencer par l'abstention".

Selon une consultation de quelque 300.000 "Insoumis" qui avaient validé en ligne la candidature de Jean-Luc Mélenchon, 66,61% ont choisi le vote blanc ou nul, ou l'abstention, pour le 24 avril. Ils sont 33,40% à déclarer vouloir voter pour le président sortant, qui tente avec difficulté de rallier une partie de l'électorat de gauche.

"Renvoyer dos à dos Marine Le Pen et Emmanuel Macron, c'est irresponsable", estime Edouard Philippe.

"LA PEUR"

Dans une vidéo de campagne diffusée par BFM TV, la candidate soutenue par le RN dénonce le "chantage à la peur" exercé selon elle par son adversaire.

"La peur, c'est en effet le seul argument qui reste à l'actuel président de la République pour tenter de se maintenir à tout prix, prolongeant ainsi un mandat au cours duquel nos libertés auront grandement souffert", dit Marine Le Pen.

"La peur, comme ressort paralysant, comme moyen désespéré de vous empêcher de réfléchir et de choisir en votre âme et conscience", ajoute-t-elle à l'adresse des électeurs avant de leur assurer que "ce qu'ils ne comprennent pas en tentant de faire passer l'immense aspiration populaire que je porte pour un danger pour la République, c'est que vous n'êtes pas des enfants".

Cette dénonciation d'un supposé chantage à la peur rappelle les arguments des partisans du Brexit au Royaume-Uni avant le référendum de juin 2016, lorsqu'ils reprochaient aux tenants du maintien dans l'Union européenne d'effrayer les électeurs sur les conséquences supposées de leur vote.

S'efforçant lui aussi de rassurer, Jean Castex a réaffirmé mardi matin que la réforme des retraites voulue par Emmanuel Macron, point de crispation pour une large part des électeurs dans cet entre-deux-tours, ferait l'objet d'une adaptation "sur la méthode", sans reniement.

"Non, on ne partira pas à la retraite à 65 ans" au terme du prochain quinquennat, a-t-il assuré, alors que le président sortant s'est engagé sur un report progressif à 65 ans de l'âge légal de départ à la retraite.

"PROJET CONTRE PROJET"

"Ce qui est proposé sur la réforme des retraites n’est pas forcément de nature à séduire les électeurs de Jean-Luc Mélenchon", a concédé sur Europe 1 le ministre de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire.

Au Rassemblement national (RN), on assure que Marine Le Pen a "beaucoup travaillé et maîtrise les sujets" pour le débat de mercredi.

"Il faut qu’elle incarne la fonction. Il faut retrouver les bases de la Ve république. Il faut retrouver une solennité de la fonction que n’incarne pas M. Macron", a dit le maire de Perpignan, Louis Aliot, sur France 2.

Il a dit espérer "que ce sera solennel, sérieux, arguments contre arguments, projet contre projet".

Marine Le Pen a toujours reconnu avoir "raté" l'exercice en 2017 et en avoir tiré les leçons.

"Le débat du second tour de l'élection présidentielle de 2017 a été un échec dont j'ai payé un prix d'ailleurs très lourd", avait-elle confié en mars dernier à France Télévisions.

Les analystes soulignent qu'Emmanuel Macron sera cette fois-ci dans une situation moins confortable, car il est désormais comptable d'un bilan.

Parmi les thèmes qui seront vraisemblablement abordés, le président par intérim du Rassemblement national, Jordan Bardella, a confirmé mardi sur franceinfo que l'interdiction du port du voile islamique dans l'espace public restait une priorité de la candidate. "Il y a des périmètres dans lesquels c'est une priorité", a-t-il jugé, citant l'administration et les entreprises.

"Je crois que la loi pour interdire le voile est nécessaire, d’abord pour libérer les femmes. Je crois que le voile va tomber quand l’islamisme sera interdit en France. Il faut aller vers cette éradication du voile islamiste", a renchéri le député du Nord Sébastien Chenu sur Public Sénat. (Rédigé par Sophie Louet et Marc Angrand)