* Le gouvernement doit trouver au moins 50 milliards d'euros d'économies

* Ayrault enverra aux ministres une lettre de cadrage individualisée

* Le calendrier de préparation du budget a été accéléré

par Emmanuel Jarry

PARIS, 7 février (Reuters) - Poussé de toutes parts à réduire les dépenses publiques pour alléger les prélèvements sur les entreprises et les ménages, François Hollande s'est donné deux mois pour tailler dans le vif et met ses ministres sous pression.

Le chef de l'Etat présidera samedi la deuxième réunion d'un Conseil stratégique de la dépense publique dont la mission se résume à un objectif : trouver "au moins" 50 milliards d'euros d'économies à faire sur trois ans - 2015, 2016 et 2017.

Soit un effort de 15 à 20 milliards d'euros par an, qui s'ajouteront aux 15 milliards prévus pour 2014.

Telle est la condition minimale pour donner un début de consistance au "pacte de responsabilité" qu'il propose aux entreprises : un échange baisses de charges contre embauches et investissement pour relancer l'économie et l'emploi en France.

Le contexte économique et son incapacité à ce jour à inverser la courbe du chômage, les pressions "amicales" de la Commission européenne et de pays partenaires comme l'Allemagne, les exigences du patronat et les admonestations du gouverneur de la Banque de France ne lui laissent guère le choix.

Christian Noyer est ainsi sorti de sa réserve habituelle pour juger dans Les Echos que le "pacte de responsabilité" était "un pas dans la bonne direction" mais insuffisant, qu'il devait être associé à des "réformes structurelles fortes" pour remédier aux rigidités de la France et assainir ses finances publiques.

Le gouverneur de la Banque de France, comme la Cour des comptes, invite notamment le gouvernement à "réamorcer" la baisse des effectifs de la fonction publique, suspendue depuis le changement de chef d'Etat et de majorité en 2012.

Il met en garde François Hollande et son Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, contre la tentation de chercher à obtenir une nouvelle période de grâce auprès de Bruxelles pour ramener les déficits publics sous le seuil de 3% du PIB.

ENTRER DANS LE DUR

"Cet objectif est tenable et il est hors de question de ne pas le tenir (...) La France a engagé sa crédibilité là-dessus", déclare Christian Noyer, qui rappelle que Paris a déjà obtenu un délai de deux ans contre la promesse de réformes structurelles - "On ne va quand même pas les 'vendre' une deuxième fois !"

Le ministre de l'Economie, Pierre Moscovici, a assuré à plusieurs reprises ces dernières semaines qu'il n'était pas question de revenir sur la trajectoire transmise à Bruxelles, qui prévoit de ramener les déficits publics à 2,8% en 2015.

Modifier cette trajectoire "n'est pas à l'ordre du jour", confirmait mercredi à Reuters le rapporteur socialiste de la commission des finances de l'Assemblée, Christian Eckert.

Le même admettait cependant que les économies seraient "de plus en plus difficile" à faire - "C'est comme dans un régime, ce sont les premiers kilos qui sont les plus facile à perdre."

Le Premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, avait pour sa part jugé le 9 janvier que l'endettement de la France entrait dans une "zone dangereuse" et que le chemin à faire pour redresser la barre ne serait "pas le moins exigeant".

La réunion de samedi à l'Elysée ne sera donc pas la dernière. "Il y a un cycle de réunions dont l'objectif est d'y voir clair dans les deux mois qui viennent", dit-on à Matignon.

Les ministres sont invités à tourner le dos à la logique habituelle des "coups de rabot" et à s'inspirer, par exemple, des conclusions du Comité interministériel de modernisation de l'action publique (Cimap) de décembre dernier.

Il avait décidé l'évaluation des politiques de coopération et du logement, de la chirurgie ambulatoire, des médicaments génériques et de la gestion locale des déchets.

"Nous raisonnons par politique publique, en termes d'efficacité de chaque euro dépensé. C'est ça qui guide notre action", souligne l'entourage du Premier ministre.

ACCÉLÉRATION DU CALENDRIER

Didier Migaud a pour sa part recommandé au gouvernement de s'attaquer "en absolue priorité" aux déficits sociaux. Une nécessité dont le gouvernement se montre conscient.

"L'exercice porte sur l'ensemble de la dépense publique, y compris les collectivités locales et les administrations de la Sécurité sociale, puisque les 50 milliards au moins à trouver pour 2015, 2016 et 2017 doivent concerner l'ensemble des champs de la dépense publique", dit-on à Matignon.

"C'est parce que l'effort est considérable et qu'il est demandé aux ministres de faire des propositions structurelles qu'il fallait commencer tôt", ajoute-t-on de même source.

Le calendrier de préparation du budget de 2015 a été bousculé et le ministre du Budget, Bernard Cazeneuve, a déjà commencé à recevoir ses collègues un par un.

Les lettres de cadrage fixant le montant dont les ministres pourront disposer l'année prochaine, habituellement envoyées en juin ou début juillet, partiront dès avril, précise Matignon.

Autre nouveauté : les ministres recevront cette fois chacun une lettre de cadrage "individualisée" et non plus générale.

D'ici là, l'exécutif devra probablement gérer des fuites intempestives comme celle prêtant au ministre de l'Education l'intention de proposer un gel pendant deux ans de l'avancement automatique de l'ensemble des fonctionnaires.

Un sujet si explosif, que Vincent Peillon s'est empressé de démentir des propos sur lesquels le gouvernement reste muet.

Les chantiers lancés ces dernières semaines - assises de la fiscalité des entreprises, remise à plat de la fiscalité des ménages, préparation des lettres de cadrage, définition du pacte de responsabilité - doivent converger fin mars.

L'objectif du gouvernement est d'annoncer les grandes lignes du pacte de responsabilité après les élections municipales de mars et avant l'envoi à Bruxelles, en avril, d'une trajectoire actualisée des finances publiques françaises.

"Yes we can faster" ("Oui, nous pouvons aller plus vite"), assure cette semaine François Hollande dans une interview accordée à l'hebdomadaire américain Time en s'inspirant du slogan de campagne du président Barack Obama, "Yes we can". (Edité par Yves Clarisse)