PARIS, 4 février (Reuters) - L'opposition dénonce les pressions exercées, selon elle, par la ministre de la Justice Christiane Taubira pour obtenir la démission du procureur général de Paris, nommé sous la présidence de Nicolas Sarkozy.

Selon le Canard enchaîné, à paraître mercredi, les directeurs du cabinet de la garde des Sceaux ont convoqué récemment François Falletti pour lui demander de démissionner de lui-même, ce qu'il a refusé de faire.

Contactée par Reuters, la Chancellerie s'est refusée à tout commentaire mais ces informations ont été confirmées à Reuters de source judiciaire.

Le magistrat a écrit à Christiane Taubira une lettre pour "dénoncer des mauvaises manières" et en a fait parvenir une copie aux deux responsables du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), précise-t-on de même source.

"La Chancellerie voudrait le remplacer par quelqu'un qui aurait une sensibilité plus proche de la ministre", ajoute-t-on, précisant que François Falletti avait été nommé en 2010 pour sept ans mais comptait prendre sa retraite dans un an et demi.

"On ne s'explique pas cette précipitation", ajoute-t-on.

François Falletti se serait vu proposer en compensation le poste de premier avocat général à la cour de cassation, un avancement sur le plan hiérarchique, mais honorifique.

Pour le député Eric Ciotti, chargé des questions de sécurité à l'UMP, ce type de convocation est "inédit dans l'histoire de la magistrature contemporaine" et ces révélations "sont d'une gravité extrême".

CIOTTI EN APPELLE A FRANÇOIS HOLLANDE

"Pourquoi la garde des Sceaux cherche-t-elle à remplacer l'actuel procureur général de Paris, dont la compétence et l'intégrité sont reconnus de tous, par un magistrat de sa sensibilité politique ?" demande-t-il dans un communiqué.

Eric Ciotti demande en conséquence au président François hollande de saisir immédiatement le CSM "pour faire toute la lumière sur cette affaire".

De source judiciaire, on souligne "qu'on ne limoge pas un procureur général du jour au lendemain". Il faut soit qu'il soit d'accord, soit obtenir sa mutation d'office avec l'avis conforme du CSM.

Or, pour nombre de magistrats, l'actuel procureur général de Paris est irréprochable.

Cette polémique intervient au moment où le gouvernement vient d'installer un nouveau parquet financier pour tirer les leçons de l'affaire Cahuzac.

François Falletti avait occupé entre 1993 et 1996 les fonctions sensibles de "directeur des affaires criminelles et des grâces" à la Chancellerie.

La majorité des procureurs de France ont réclamé de nouveau au début de l'année que leur statut soit modifié pour couper les liens avec le ministère de la Justice. (Gérard Bon, avec Nicolas Bertin, édité par Yves Clarisse)