PARIS, 10 avril (Reuters) - La création d'un parquet financier avec une compétence nationale, annoncée mercredi par François Hollande, laisse perplexes les syndicats de magistrats, qui soulignent que des juridictions spécialisées existent déjà depuis 2004.

Le président français a annoncé "la création d'un parquet financier c'est-à-dire d'un procureur spécialisé avec une compétence nationale, qui pourra agir sur les affaires de corruption et de grande fraude fiscale" lors d'une conférence de presse sur les mesures de moralisation de la vie politique qu'il veut appliquer après l'affaire Jérôme Cahuzac.

Cette nouvelle structure "aura le mérite, à la fois, de la concentration des moyens et de l'efficacité des procédures", a-t-il déclaré.

"Je suis très perplexe", a dit à Reuters Sophie Combes, secrétaire nationale du Syndicat de la magistrature, classé à gauche, ajoutant attendre de voir le projet de loi. "On a déjà en France plusieurs parquets financiers, le fait qu'il soit national ne change rien."

Comme elle, Richard Samas, secrétaire national de l'Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire), s'interroge sur la plus-value d'une nouvelle structure, alors que des Juridictions inter-régionales spécialisées (JIRS) ont été mises en places en octobre 2004.

Les JIRS regroupent des magistrats du parquet et de l'instruction qui possèdent une expérience dans la lutte contre la criminalité organisée et la délinquance financière.

Il en existe huit, à Paris, Lyon, Marseille, Lille, Rennes, Bordeaux, Nancy et Fort-de-France, et les tribunaux confrontés à une affaire d'une grande complexité dans l'un de ces domaines peuvent se dessaisir à leur profit.

"AUTANT RENFORCER LES JIRS"

La JIRS de Paris a par ailleurs déjà une compétence spécifique, notamment pour certaines infractions du code monétaire et financier et pour la corruption d'agents publics étrangers.

"Plutôt que de créer un parquet national, autant renforcer les JIRS qui ont l'habitude de travailler sur ces questions", estime Richard Samas, qui rappelle que le nombre de magistrats du parquet dans la JIRS de Paris est passé de 14 à 7 entre 2007 et 2012, tandis que le nombre de juges d'instruction passait de 13 à 8 dans la même période.

Une autre réelle avancée serait de permettre au parquet de se saisir des cas de fraude fiscale, dit-il. Le ministère public doit aujourd'hui être saisi par la Commission des infractions fiscales (CIF) de Bercy pour enquêter sur ces dossiers.

"Ce qu'il faudrait, c'est non pas créer un nouveau parquet, mais modifier le statut des parquetiers", ajoute encore Sophie Combes. "Si on veut donner aux parquets les moyens de lutter contre la délinquance financière, c'est en rendant les parquetiers réellement autonomes."

Le Syndicat de la magistrature souhaite que le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), qui donne aujourd'hui un simple avis sur les propositions de nominations émanant du ministère de la Justice, choisisse et gère les carrières de ces juges.

Le projet de réforme constitutionnelle présenté mi-mars par le gouvernement prévoit que les magistrats du parquet soient nommés dans les mêmes conditions que les magistrats du siège, c'est-à-dire après avis conforme du CSM. (Chine Labbé, édité par Yves Clarisse)