PARIS, 19 juin (Reuters) - La France se rendra aux urnes les 30 juin et 7 juillet pour des élections législatives anticipées, dont l'issue apparaît plus qu'incertaine avec le risque que le scrutin ne débouche sur aucune majorité claire.

Les derniers sondages donnent le Rassemblement national (RN) en tête avec plus de 30% des intentions de vote, devant le "Nouveau Front populaire" de gauche (28%) et la majorité sortante (18%).

Si ces enquêtes d'opinion se vérifient, que se passerait-il ?

FLOU CONSTITUTIONNEL

L'article 8 de la Constitution française stipule que le Président de la République nomme le Premier ministre, sans préciser toutefois les critères de cette prise de décision.

L'usage veut que le chef de l'Etat propose le poste de Premier ministre au groupe parlementaire sorti en tête du scrutin.

Dans ce cas, le président du RN, Jordan Bardella, 28 ans, fait figure de favori.

Mais celui-ci a d'ores et déjà prévenu qu'il refusera d'aller à Matignon s'il n'obtient pas de majorité absolue à l'Assemblée nationale, soit au moins 289 sièges sur 577.

"Pour agir, il me faudra être en situation de majorité absolue", a-t-il argué.

QUI ALORS ?

Là encore, la Constitution ne donne pas de réponse précise à cette question.

Emmanuel Macron a jusqu'à présent botté en touche sur toutes les questions relatives à une cohabitation - qui serait la première en France depuis celle de Jacques Chirac et Lionel Jospin entre 1997 et 2002.

Plusieurs options sont possibles, parmi lesquelles :

- Le "Nouveau Front populaire" arrive en deuxième position et Emmanuel Macron pourrait lui demander de former un gouvernement minoritaire avec à la clé le poste de Premier ministre. Reste à l'alliance de gauche, qui rassemble La France insoumise (LFI), le Parti socialiste (PS), les Écologistes et le Parti communiste, à s'entendre sur un nom et un gouvernement.

Jusqu'ici, aucune personnalité n'a été désignée alors que le chef de file de LFI, Jean-Luc Mélenchon, divise fortement au sein même de la gauche.

Le Premier secrétaire du PS, Olivier Faure, a proposé que le choix du Premier ministre fasse l'objet d'un vote, ce qui empêcherait qu'une seule des composantes du "Nouveau Front Populaire", en particulier LFI, d'imposer son candidat aux autres.

- Une autre option pour Emmanuel Macron est de tenter une alliance avec les partis traditionnels de droite et de gauche modérés. Une telle alliance n'existe pas à l'heure actuelle malgré les appels du président à bâtir une "fédération de projets" avec "des sociaux démocrates, des radicaux, des écologistes, des démocrates chrétiens, des gaullistes et plus largement, beaucoup de nos compatriotes qui ne se reconnaissent pas dans la fièvre extrémiste".

QUE SE PASSERA-T-IL SI AUCUN ACCORD N'EST CONCLU ?

Il est possible qu'aucun des trois groupes - l'extrême droite, l'alliance de gauche et le camp présidentiel - ne gagne assez de sièges pour gouverner seul, ne parvienne pas à conclure un accord de coalition ou n'obtienne pas l'assurance d'un gouvernement minoritaire viable.

Dans ce cas, la France plonge dans l'inconnu.

"C'est la première fois dans l'histoire de la Ve République que la situation peut être complètement bloquée", prévient Vincent Martigny, professeur agrégé en sciences politique. "Si aucun bloc ne peut s'entendre avec un autre, alors nous ne savons pas ce qui va se passer."

Face à cette paralysie politique, une solution serait qu'Emmanuel Macron démissionne, ce que le président a jusqu'à présent exclu. Ni le Parlement ni le gouvernement ne peuvent le contraindre à le faire.

Une chose est sûre néanmoins, de nouvelles élections législatives ne pourront être convoquées pour débloquer la situation. La Constitution dispose qu'aucun scrutin ne pourra être organisé avant un an. (Rédigé par Ingrid Melander, avec la contribution de Johnny Cotton, Augustin Turpin et Blandine Hénault pour la version française, édité par Tangi Salaün)