* 133 enquêtes judiciaires impliquant les forces de l'ordre

* Changement de doctrine en vue pour contrer la violence (Actualisé avec éléments sur tag antisémite §6)

PARIS, 10 février (Reuters) - Le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner a dit regretter dimanche la grave blessure à la main d'un manifestant lors du treizième acte des Gilets jaunes samedi à Paris, tout en assumant la nécessité d'un changement de doctrine des forces de l'ordre face à l'"ultra-violence".

Le 13e samedi de manifestations des "Gilets jaunes" a été marqué par une baisse de mobilisation, selon les chiffres du ministère de l'Intérieur, avec quelque 51.400 personnes en France, dont 4.000 à Paris, contre 58.600 et 10.500 samedi dernier.

Un manifestant a eu quatre doigts sectionnés, semble-t-il par l'explosion d'une grenade, lors de heurts avec les forces de l'ordre devant l'Assemblée nationale en milieu de journée.

"Je sais que l'opération a été longue ce matin, parce c'est un travail très méticuleux, et c'était une blessure grave qu'évidemment je regrette, je pense d'abord à lui", a déclaré Christophe Castaner aux Questions politiques France Inter, franceinfo et Le Monde.

"On a déclenché immédiatement une enquête judiciaire pour comprendre ce qui s'est passé", a-t-il ajouté. "Les gendarmes se sont retrouvés encerclés face à une foule très hostile, et ils ont voulu se désencercler et un manifestant (...) a voulu prendre dans la main cette grenade et elle a explosé", a-t-il dit.

En parallèle, une enquête a été ouverte à Paris pour dégradations volontaires aggravées et provocation à la haine raciale après la découverte samedi matin d'un tag antisémite sur la vitrine d'une boutique de bagels du Marais, a-t-on appris de source judiciaire. Le gérant du magasin, contacté par Libération, a estimé que l'acte n'avait "rien à voir avec la manifestation".

"'Juden' en lettres jaunes, comme si les plus tragiques leçons de l'Histoire n'éclairaient plus les consciences. Notre réponse : tout faire pour que l'auteur de cette ignominie soit condamné", a écrit le ministre de l'Intérieur sur Twitter. Le Crif a dénoncé "un acte qui rappelle les heures les plus sombres de l'Histoire".

"RECONSIDÉRER NOTRE DOCTRINE"

Reconnaissant des "anomalies", le ministre de l'Intérieur a souligné que 133 plaintes avaient été déposées à l'IGPN pour des incidents impliquant les forces de l'ordre.

"Il y a 133 enquêtes précises qui sont placées sous l'autorité d'un magistrat, qui sont conduites, je souhaite qu'elles aillent vite", a-t-il déclaré.

Il s'est par ailleurs prononcé pour une éventuelle révision de la doctrine d'emploi nationale des forces de l'ordre dans les manifestations, à l'image du changement de stratégie opéré à Paris après le saccage de l'Arc de Triomphe le premier décembre.

"Depuis quelques années, l'ultra violence entre dans toutes les manifestations (...). Cette violence-là , on l'a vue dans la ZAD, nous amène à reconsidérer notre doctrine d'emploi", a-t-il déclaré.

Le ministre a défendu par ailleurs l'adoption cette semaine à l'Assemblée nationale de la loi "anti-casseurs" jugée liberticide par ses détracteurs, pour laquelle cinquante députés de la majorité se sont abstenus et qui instaure notamment une interdiction administrative de manifester.

"Ca n'est pas une loi de circonstance", a dit Christophe Castaner au sujet du texte basé sur une proposition de loi du sénateur LR Bruno Retailleau. "Je préfère avoir des contradicteurs plutôt que des casseurs dans la rue", a-t-il ajouté. (Julie Carriat, avec Emmanuel Jarry, édité par Tangi Salaün)