Catherine Souquet, division Services, Insee

Résumé

L'arrivée du numérique et le développement de la diffusion gratuite bouleversent le monde de l'édition. La presse quotidienne en est la première victime. Malgré des restructurations, elle peine à construire un nouveau modèle économique. Pour les périodiques et le livre, la situation est nettement meilleure en termes de rentabilité. Ils doivent toutefois également se remettre en cause pour négocier positivement le tournant du numérique.

Publication 8 800 unités légales, 63 000 salariés, 18 milliards de chiffre d'affaires

En 2011, le secteur de l'édition (hors logiciels et jeux électroniques) emploie 63 000 salariés (en équivalent temps plein) et réalise un chiffre d'affaires de 18 milliards d'euros (figure 1). Il compte 8 800 unités légales (sociétés ou entreprises individuelles), dont 89 % d'unités indépendantes d'un groupe. Le nombre total d'unités a augmenté au cours des dernières années, essentiellement dans le domaine du livre.

), dont trois principaux : l'édition de livres (21 % des salariés et 31 % du chiffre d'affaires), l'édition de journaux, c'est-à-dire la presse quotidienne (respectivement 37 % et 28 %), et l'édition de revues et périodiques (38 % et 38 %).

Le secteur se caractérise par une forte concentration, que l'on raisonne en termes d'unités légales ou de groupes : les dix premières sociétés assurent à elles seules le quart du chiffre d'affaires, les dix premiers groupes plus de la moitié (53 %).

Le secteur de l'édition tire les neuf dixièmes de son chiffre d'affaires de la vente de produits d'édition, notamment les livres (25 % du chiffre d'affaires), les revues et périodiques (22 %), les journaux (16 %) et les espaces publicitaires imprimés ou électroniques (19 %). Les recettes provenant de l'édition en ligne (hors espaces publicitaires) sont encore embryonnaires en 2011 : revues et périodiques (1,6 %), journaux (0,9 %). Hors métiers de l'édition, le secteur diversifie ses activités dans le commerce de gros (4 %), essentiellement de livres, revues et journaux (3,7 %), et le commerce de détail (2 %), dont les livres (0,7 %).

Figure 1 - Grandeurs et ratios principaux du secteur de l'édition en 2011
Champ : France entière, secteur de l'édition (voir définitions).
Source : Insee, Esane 2011.
Nombre d'unités légales 8 781
Effectif salarié en équivalent temps plein 62 589
Chiffre d'affaires hors taxes (CAHT), en millions d'euros 17 691
Exportations / CAHT, en % 6,5
Valeur ajoutée hors taxes (VAHT), en millions d'euros 5 531
Excédent brut d'exploitation (EBE) / VAHT, en % 16,0
Résultat net / VAHT, en % 13,4
Frais de personnel / VAHT, en % 82,1
Investissement corporel brut hors apport / VAHT, en % 2,9
Intérêts et charges assimilés / EBE, en % 30,6
Emprunts / fonds propres, en % 78,0
Figure 2 - Les composantes du secteur de l'édition en 2011
Unités légales Effectif salarié en équivalent temps plein Chiffre d'affaires hors taxes (en millions d'euros) Investissement corporel brut hors apport (en millions d'euros)
Champ : France entière, secteur de l'édition (voir définitions).
Source : Insee, Esane 2011.
5811Z - Édition de livres 4 878 12 887 5 552 39,5
5812Z - Édition de répertoires et de fichiers d'adresses 17 211 56 4,9
5813Z - Édition de journaux 479 23 328 4 899 71,8
5814Z - Édition de revues et périodiques 2 380 23 863 6 795 38,8
5819Z - Autres activités d'édition 1 027 2 300 389 5,4
Total Édition 8 781 62 589 17 691 160,6
La valeur ajoutée et l'emploi de la branche baissent depuis 2000

La branche de l'édition se caractérise, durant la période 2000-2012, par une faible croissance de sa production (+ 1,3 % par an en volume, contre + 1,9 % dans l'ensemble des services marchands). Sur la même période, ses consommations intermédiaires augmentent fortement (+ 2,8 % par an en volume), du fait à la fois de l'externalisation croissante des tâches hors cœur de métier, du recours accru à la sous-traitance, notamment pour les activités d'impression, et de la hausse des loyers et des frais de transport. Au total, la valeur ajoutée de la branche baisse de 1,5 % par an, en volume, sur la période ().

L'emploi salarié recule au même rythme que la valeur ajoutée (- 1,3 % par an en équivalent temps plein). La baisse est plus marquée dans les sous-secteurs des journaux (- 2,2 %) et du livre (- 1,5 %) que dans celui des revues et périodiques (- 0,6 %). Ces mutations organisationnelles ont été entreprises pour réduire les coûts de production, face à la pression exercée par les consommateurs. Ces derniers privilégient en effet de plus en plus une information gratuite et réactive via la presse gratuite, la radio et l'internet, au détriment du support papier.

La presse quotidienne lourdement endettée

La baisse de la demande induit des performances économiques et financières très modestes : taux de marge (excédent brut d'exploitation / valeur ajoutée) et taux de profitabilité (résultat net / valeur ajoutée) sont inférieurs de moitié à ceux constatés dans l'ensemble des services marchands (16 % et 13 % au lieu de 30 % et 30 %). Mais ces taux moyens occultent de profondes disparités entre sous-secteurs : la situation est nettement plus favorable dans l'édition de livres (29 % et 17 %), un peu moins dans l'édition de revues et périodiques (20 % et 18 %), et bien moins dans les journaux (3 % et - 13 %). L'hétérogénéité est forte également au sein même des sous-secteurs. Ainsi, dans le livre, un quart des unités légales ont un taux de marge inférieur à 13 %, mais, symétriquement, un autre quart présente un ratio supérieur à 100 %, soit près de 8 fois plus (). Dans l'édition de revues et périodiques et dans celle de journaux, l'hétérogénéité selon les unités légales est encore plus élevée.

Malgré de gros efforts de restructuration et d'investissement depuis plusieurs années, la presse quotidienne ne parvient à retirer de son activité qu'une marge à peine positive et une profitabilité nettement dans le rouge. Cette crise se répercute sur le taux d'endettement, qui se dégrade et atteint, en 2011, plus de 400 %. Les revues et périodiques, confrontés également à un changement de modèle économique, s'en tirent mieux, avec un taux d'endettement limité à 29 %, grâce à un taux de marge plus élevé. Il en est de même pour l'édition de livres, qui présente également des ratios de gestion positifs et un endettement modéré. Son avenir se jouera, comme pour les journaux et les périodiques, sur sa capacité à négocier le tournant du numérique.

Les données par secteur sont issues du dispositif d'élaboration des statistiques annuelles d'entreprise (Ésane). Celles par branche sont issues des comptes nationaux annuels en base 2005.

Édition : on considère ici le secteur de l'édition de livres et périodiques et autres activités d'édition. Il correspond au groupe 581 de la nomenclature d'activité française révision 2 (NAF rév.2). Il comprend l'édition de livres, de journaux et de publications périodiques, de répertoires et de fichiers d'adresses et d'autres ouvrages, tels que photos, gravures et cartes postales, calendriers, formulaires, affiches et reproductions d'art. Il ne comprend pas l'édition de logiciels (groupe 582 de la NAF rév.2).

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