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Recul de son poids dans l'économie, plus marqué de 2000 à 2007

Élisabeth Rignols, division Industrie et agriculture, Insee

Résumé

De 1970 à 2014, la valeur ajoutée de l'industrie manufacturière a fortement augmenté. Cependant, son poids dans l'ensemble de l'économie a été divisé par deux pour atteindre 11,2 %. Ce recul est essentiellement dû à la baisse des prix relatifs ; celle-ci a été permise par des gains de productivité plus rapides dans l'industrie manufacturière que dans l'ensemble de l'économie. La diminution est particulièrement nette de 2000 à 2007. De 2007 à 2014, elle s'atténue alors que la valeur ajoutée de l'industrie manufacturière se contracte.

Plusieurs phénomènes ont joué depuis 1970 : externalisation, concurrence étrangère et structure de la demande. En effet, les entreprises industrielles ont externalisé une partie de leurs activités vers les services, principalement au cours des années 1990. Par ailleurs, la concurrence étrangère s'est intensifiée. Les importations de produits manufacturés sont plus dynamiques que la production nationale en valeur et en volume. Le prix des importations est, à l'inverse, plus contenu que ceux de la production et des exportations. Le solde extérieur manufacturier se dégrade entre 1997 et 2011 et est déficitaire depuis 2007. Enfin, la structure de la demande se modifie nettement au profit des services, surtout au cours des années 1990 ; cet effet s'atténue néanmoins depuis la crise avec le net ralentissement des prix des services.

Sommaire

Encadrés

Publication

De 1970 à 2014, des gains de productivité deux fois plus rapides dans l'industrie manufacturière que dans l'ensemble de l'économie

En 2014, la valeur ajoutée de la branche de l'industrie manufacturière s'élève à 213,8 milliards d'euros. Depuis 1970, elle a été multipliée par 8,6. Celle de l'ensemble de l'économie a crû toutefois plus rapidement et a été multipliée par 17,2 (figure 1). Ainsi, le poids de l'industrie manufacturière dans l'économie a été divisé par deux, passant de 22,3 % en 1970 à 11,2 % en 2014 (figure 2a ; encadré 1).

Ce recul sur plus de quarante ans s'explique principalement par un « effet prix » et, dans une moindre mesure, par un « effet volume ». Les prix de la valeur ajoutée ont progressé en effet plus modérément dans l'industrie manufacturière que dans l'ensemble de l'économie : respectivement + 3,2 % et + 4,4 % en moyenne annuelle entre 1970 et 2014. Les évolutions de la valeur ajoutée en volume sont plus resserrées : respectivement + 1,8 % et + 2,2 %.

La baisse des prix relatifs de l'industrie manufacturière a été permise par des gains de productivité plus importants dans cette branche que dans le reste de l'économie : de 1970 à 2014, la productivité apparente du travail s'est accrue de 3,2 % en moyenne dans l'industrie manufacturière contre + 1,7 % dans l'ensemble de l'économie.

Dans le même temps, la part des services principalement marchands hors commerce a fortement progressé dans la valeur ajoutée de l'économie : de 31,7 % en 1970 à 45,4 % en 2014. Celle du commerce s'est légèrement réduite : de 12,5 % à 10,3 %.

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Baisse très marquée du poids de l'industrie manufacturière de 2000 à 2007

De 2000 à 2007 (encadré 2), la diminution de la part de l'industrie manufacturière dans la valeur ajoutée globale est particulièrement nette. Elle résulte presque uniquement de celle des prix relatifs (figure 2b). La réduction des gains de productivité a été moins prononcée dans l'industrie manufacturière que dans le reste de l'économie avec l'enrichissement de la croissance en emplois dans les services. En revanche, de 2007 à 2014, l'industrie manufacturière est particulièrement affectée par la crise. La contraction de sa valeur ajoutée en volume et la faible progression de celle du reste de l'économie accentuent légèrement l'« effet volume ». À l'inverse, les gains de productivité baissent plus nettement dans l'industrie manufacturière qu'ailleurs, de sorte que l'« effet prix » s'atténue beaucoup.

Depuis 1970, plusieurs phénomènes ont contribué au recul de la part de la valeur ajoutée manufacturière en valeur : les entreprises industrielles ont externalisé une partie de leurs activités vers les services, la concurrence étrangère s'est développée et la structure de la demande s'est déformée au profit des services.

Figure 2b - Évolution des valeurs ajoutées de l'industrie manufacturière et de l'ensemble de l'économie en moyenne annuelle

Lecture : de 1970 à 2014, la valeur ajoutée de l'industrie manufacturière a augmenté en moyenne par an de 1,8 % en volume et de 3,2 % en prix. On en déduit qu'en valeur, l'évolution annuelle moyenne est de + 5,0 %.

Source : Insee, comptes nationaux, base 2010.

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L'externalisation vers les services s'atténue depuis 2000

De 1970 à 2013, l'industrie manufacturière a externalisé de plus en plus ses activités vers les services. Ainsi, les consommations intermédiaires de services principalement marchands (encadré 3) augmentent fortement : elles ont progressé deux fois plus vite que l'ensemble des consommations intermédiaires de la branche. Globalement, elles se sont accrues plus rapidement que la production, pesant sur la valeur ajoutée. Le recours croissant de l'industrie manufacturière aux services aurait essentiellement eu lieu au cours des années 1990, puis aurait nettement ralenti jusqu'à s'estomper : la part des consommations intermédiaires de services principalement marchands de la branche manufacturière dans l'ensemble des consommations intermédiaires de la branche a augmenté jusqu'en 2000 ; puis, de 2000 à 2007, elle a nettement ralenti, avant de stagner de 2007 à 2013. Au total, elle a doublé pour atteindre 19 % en 2013 (dernière année disponible).

Sur l'ensemble de la période 1970-2013, la croissance de la part des consommations intermédiaires de services principalement marchands en valeur est due pour les trois quarts à un « effet prix » (figure 3). De 2000 à 2007, la hausse est faible et s'explique pour les deux tiers par un « effet volume ». Et, de 2007 à 2013, la stabilité de leur part résulte d'une légère hausse des volumes relatifs compensée par des prix relatifs en baisse.

Par ailleurs, les consommations intermédiaires de produits manufacturés pèsent de moins en moins sur la valeur ajoutée manufacturière. Leur part dans l'ensemble des consommations intermédiaires de la branche manufacturière passe de 67 % en 1970 à 60 % en 2013. Après avoir diminué au cours des années 1970 puis s'être redressée au cours de la décennie suivante, elle se contracte depuis 2000.

Figure 3 - Évolution des consommations intermédiaires (CI) de la branche manufacturière en moyenne annuelle

Lecture : de 2000 à 2007, l'écart d'évolution en volume entre les CI de services (+ 0,7 %) et celles de l'ensemble des produits (+ 0,1 %) est beaucoup plus marqué que l'écart en prix (respectivement + 2,3 % et + 2,0 %). Ainsi, la hausse de la part des CI de services s'explique pour les deux tiers par un « effet volume ».

Source : Insee, comptes nationaux, base 2010.

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La concurrence étrangère s'intensifie

Dans le contexte de mondialisation des échanges internationaux, les importations de produits manufacturés ont fortement progressé. Cette croissance est due aussi à la concurrence étrangère. En outre, reflet du phénomène de délocalisation, une partie des importations manufacturières concerne des biens fabriqués à l'étranger par des entreprises françaises et vendus en France. L'impact négatif de la hausse des importations sur la production domestique suggère une substitution entre les biens importés et les biens produits en France.

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Les importations de produits manufacturés augmentent plus vite que la production…

De 1970 à 2014, la production manufacturière a progressé nettement en valeur et en volume, mais beaucoup moins que les importations. En valeur, la production s'est accrue de 5,2 % en moyenne par an et les importations de 8,4 %. L'évolution de la production reste inférieure à celle des importations au cours de chaque sous-période. Production et importations ont néanmoins ralenti, sauf de 1989 à 2000 ; avec la crise, la production a même légèrement reculé en moyenne entre 2007 et 2014 (figure 4).

Au total, la part des importations dans les produits manufacturés atteint 36 % en valeur courante en 2014, contre 13 % en 1970. C'est de 1979 à 1989 que la progression est la plus marquée.

Figure 4 - Évolution de la production et du commerce extérieur de produits manufacturés en moyenne annuelle

Source : Insee, comptes nationaux, base 2010.

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… et l'évolution de leur prix est plus modérée

Les prix de production évoluent plus vite que les prix d'importation, sur l'ensemble de la période comme au cours de chaque sous-période. De 1970 à 2014, en moyenne annuelle, ils ont progressé de 3,5 % contre 2,3 % pour les importations.

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Les importations augmentent également plus vite que les exportations et leur prix moins vite

Avec la mondialisation des échanges, les exportations de produits manufacturés ont également fortement augmenté de 1970 à 2014 : + 8,1 % en valeur et + 5,1 % en volume en moyenne annuelle. Elles ralentissent cependant au cours de chaque sous-période (sauf de 1989 à 2000 pour les volumes). Les prix, en hausse de 2,8 % en moyenne de 1970 à 2014, ont décéléré, jusqu'à diminuer de 1989 à 2000. Ils se redressent ensuite légèrement.

La croissance des exportations de produits manufacturés est favorable à la production manufacturière et compense partiellement l'impact négatif de la hausse des importations. Sur l'ensemble de la période, elle reste en moyenne légèrement en deçà de la progression des importations, en valeur comme en volume. En revanche, quelle que soit la sous-période, les prix d'exportation augmentent plus, ou sont moins en recul, que les prix d'importation. De 2007 à 2014, avec la crise, l'écart de croissance en valeur courante est très faible.

Au total, le solde extérieur des produits manufacturés s'est dégradé après un excédent record en 1997, et devient déficitaire en 2007. Le déficit est maximal en 2011, puis se réduit.

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La demande intérieure se modifie au profit des services, mais leur prix ralentit depuis 2007

De 1970 à 2014, en moyenne annuelle, la demande intérieure finale de produits manufacturés augmente de 5,8 % en valeur et de 2,2 % en volume. Celle de services principalement marchands progresse plus vite : respectivement + 7,7 % et + 2,9 %. Ainsi, la structure de la demande se modifie au profit des services (figure 5). Cette évolution résulte d'une part d'un « effet revenu » : les hausses du revenu sont davantage affectées à des consommations de services qu'à des biens manufacturés. Elle résulte d'autre part des réactions des agents aux évolutions relatives des prix : du fait de moindres gains de productivité dans les services, l'évolution des prix des services est plus soutenue que celle des produits manufacturés ; cet écart de prix ne se répercute pas entièrement en termes de demande supplémentaire de produits manufacturés du fait de leur moindre sensibilité aux prix et de leur substituabilité limitée avec les services.

Au cours de chaque sous-période, la demande de produits manufacturés est moins dynamique que celle de services. C'est également le cas pour les évolutions en prix, sauf de 2007 à 2014. Ces demandes ralentissent, excepté au cours des années 2000 à 2007 : les produits manufacturés en volume accélèrent légèrement et la hausse des prix des services s'intensifie.

Jusqu'en 2007, la structure de la demande se modifie au profit des services, surtout du fait d'un « effet prix ». De 2007 à 2014, la déformation de la structure de la demande se réduit avec la nette décélération du prix des services ; en volume, les services ralentissent alors que les produits manufacturés baissent faiblement.

Figure 5 - Évolution de la demande intérieure finale de produits manufacturés et de services principalement marchands en moyenne annuelle

Source : Insee, comptes nationaux, base 2010.

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Depuis 2000, cinq branches manufacturières sur treize ont mieux résisté

Sur l'ensemble de la période, la pharmacie, les matériels de transport, les industries agroalimentaires (IAA) et les autres industries manufacturières-réparation-installation sont plus dynamiques que l'ensemble manufacturier.

Depuis 2000, la valeur ajoutée progresse plus vite que l'ensemble manufacturier (+ 0,1 % en moyenne par an) pour les autres industries manufacturières-réparation-installation (+ 1,7 %), la pharmacie (+ 1,6 %), les IAA (+ 1,1 %), la chimie (+ 0,8 %) et les matériels de transport (+ 0,6 %). Ces plus fortes croissances sont dues à une hausse de prix, en regard de la baisse d'ensemble (- 0,5 %). Une exception, la valeur ajoutée de l'industrie pharmaceutique s'accroît, en volume, nettement plus que celle de l'ensemble manufacturier tandis que ses prix se contractent davantage.

De 2007 à 2014, seules les valeurs ajoutées des autres industries manufacturières-réparation-installation, de la chimie, des IAA et des matériels de transport augmentent en valeur. Dans le même temps, celle de l'industrie manufacturière se réduit de 0,5 %. Toutefois, parmi les matériels de transport, la valeur ajoutée de l'industrie automobile baisse depuis 2000.

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Encadrés

La part de l'industrie manufacturière

La part d'une activité économique, ici en termes de valeur ajoutée, peut être appréhendée selon différentes approches.

L'approche dite par branche mesure la part de la valeur ajoutée imputable à l'activité manufacturière, quel que soit le secteur d'activité des unités dans lesquelles elle est réalisée. Est ainsi incluse la valeur ajoutée générée par les activités secondaires industrielles d'unités principalement non industrielles (commerce, services…). L'approche dite par secteur mesure la part de la valeur ajoutée des unités dont l'activité principale est manufacturière. Est ainsi incluse la valeur ajoutée des activités secondaires non industrielles d'unités principalement industrielles.

L'approche par branche, avec les données de la comptabilité nationale, ou par secteur, avec les données de la statistique structurelle d'entreprises, aboutissent, en raisonnant sur les unités légales, à une part de la valeur ajoutée de l'industrie manufacturière dans la valeur ajoutée de l'ensemble de l'économie d'environ 11 % en 2013, dernière année connue pour la statistique structurelle d'entreprises.

Raisonner non plus sur les unités légales au sens juridique, mais sur les entreprises au sens économique, modifie peu l'approche par branche. En revanche, cela conduit à rehausser la part de l'industrie dans l'approche par secteur.

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Une analyse menée en fonction des cycles économiques

Afin d'éliminer les effets de cycle, la période étudiée est découpée en cinq sous-périodes de l'ordre d'une dizaine d'années correspondant chacune à un cycle de l'ensemble de l'économie. Le cycle est mesuré de pic à pic si la longueur de la sous-période le permet (cf. le dossier de la note de conjoncture de l'Insee de décembre 2012 cité dans la bibliographie).

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Les consommations intermédiaires de services

La notion de services retenue dans cette publication est celle des services principalement marchands. Elle est plus large que celle des seuls services aux entreprises y compris les services de télécommunications, activités informatiques et services d'information. Ce choix repose sur la disponibilité des données, les consommations intermédiaires de services de télécommunications, activités informatiques et services d'information de la branche manufacturière n'étant disponibles que depuis la fin des années 1970. Retenir les consommations intermédiaires de l'ensemble des services principalement marchands de la branche manufacturière ne biaise pas l'analyse : elles évoluent au même rythme que celles de services aux entreprises.

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La Sté Insee - National Institute for Statistics and Economic Studies of France a publié ce contenu, le 26 avril 2016 et est seule responsable des informations qui y sont renfermées. Les contenus ont été diffusés non remaniés et non révisés, le 26 avril 2016 16:07:12 UTC.

Le document original est consultable sous: http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=ip1592