* Chef du bureau politique du Hamas depuis 2017

* Basé au Qatar, il n'est pas restreint dans ses déplacements

* Certains le considèrent pragmatique, derrière sa rhétorique sans concession

par Stephen Farrell et Samia Nakhoul

23 novembre (Reuters) - Il est le visage au discours intransigeant des négociations diplomatiques du Hamas en marge de l'escalade du conflit dans la bande de Gaza, où sa maison familiale a été détruite ce mois-ci dans une frappe aérienne de l'armée israélienne, qui a mené des bombardements incessants contre l'enclave en réponse à l'attaque du groupe palestinien le 7 octobre dans le sud d'Israël.

Depuis le printemps 2017, Ismaïl Haniyeh est le plus haut représentant du Hamas: le chef de son bureau politique, basé au Qatar, d'où il peut se déplacement librement, principalement entre la Turquie et la capitale qatarie Doha, échappant au blocus israélien imposé de longue date à la bande de Gaza.

Cette liberté de mouvement lui permet d'agir en tant que négociateur en chef du Hamas dans les derniers pourparlers de paix avec Israël, chapeautés par le Qatar, qui ont abouti à un accord sur une trêve de plusieurs jours, à compter de vendredi, avec la libération d'otages. Il peut aussi s'entretenir avec l'Iran, principal soutien du groupe palestinien.

"Tous les accords de normalisation que vous avez signés (avec Israël) ne mettront pas fin à ce conflit", a déclaré Ismaïl Haniyeh, à l'adresse des pays arabes, sur la chaîne de télévision Al Jazeera peu après l'attaque du Hamas le 7 octobre lors de laquelle 1.200 personnes ont été tuées, tandis que 240 personnes ont été enlevées selon les autorités israéliennes.

En réponse à l'attaque, Israël a mené une offensive militaire sans précédent dans la bande de Gaza, avec des bombardements aériens qui ont dévasté des quartiers entiers de l'enclave majoritairement urbaine et densément peuplée. Plus de 14.000 personnes ont été tuées. Parmi les victimes figurent deux petits-enfants du sexagénaire Ismaïl Haniyeh, selon sa famille.

UN FLOU SUR CE QU'IL SAVAIT EN AMONT DU 7 OCTOBRE

Si la rhétorique d'Ismaïl Haniyeh est sans concession en public, des diplomates arabes et des représentants dans la région le considèrent comme quelqu'un de relativement pragmatique, en comparaison de voix plus radicales dans la bande de Gaza où la branche armée du Hamas, les brigades Al Qassam, a planifié l'attaque du 7 octobre dans le sud d'Israël.

Tout en déclarant publiquement que l'armée israélienne serait "ensevelie dans les sables de Gaza", Ismaïl Haniyeh et son prédécesseur à la tête du bureau politique du Hamas, Khaled Mechal, ont multiplié les déplacements dans la région pour les négociations sur un cessez-le-feu avec Israël.

L'Etat hébreu considère l'ensemble des dirigeants du Hamas comme des terroristes, accusant Ismaïl Haniyeh, Khaled Mechal et d'autres de continuellement "tirer les ficelles" des activités terroristes du groupe palestinien.

Un flou demeure toutefois sur l'étendue de ce qu'Ismaïl Haniyeh savait de l'attaque du Hamas avant le 7 octobre. Le projet, préparé à Gaza par le conseil militaire du Hamas et son cerveau Mohammed Deif, était un secret tellement protégé que certains représentants du Hamas ont semblé choqués par le déclenchement de l'attaque et son ampleur.

Muslman sunnite, Ismaïl Haniyeh a cependant joué un rôle majeur dans le développement des capacités de combat du Hamas, en entretenant notamment les liens avec l'Iran chiite, alors que Téhéran apporte publiquement de longue date un soutien moral et matériel au Hamas tout en réfutant toute participation à l'attaque du 7 octobre.

Au cours de la décennie durant laquelle Ismaïl Haniyeh fut le plus haut représentant du Hamas dans la bande de Gaza, Israël a accusé les dirigeants du groupe palestinien de contribuer au détournement de l'aide humanitaire arrivant dans l'enclave, au profit des brigades Al Qassam. Le Hamas a rejeté ces accusations.

"IL MÈNE LA BATAILLE POLITIQUE"

Quand Ismaïl Haniyeh a quitté Gaza en 2017, sa relève a été assurée par Yahya Sinwar, un jusqu'au-boutiste ayant été détenu pendant plus de deux décennies dans des prisons israéliennes jusqu'à sa libération en 2011 dans le cadre d'un échange de prisonniers.

"Haniyeh mène la bataille politique du Hamas avec les gouvernements arabes", a déclaré Adeeb Ziadeh, spécialiste des questions palestiniennes à l'université du Qatar, indiquant qu'Ismaïl Haniyeh avait des liens étroits avec des personnalités plus extrémistes du Hamas ainsi qu'avec sa branche armée.

"Il constitue le front politique et diplomatique du Hamas", a-t-il ajouté.

Ismaïl Haniyeh et Khaled Mechal ont rencontré des représentants en Egypte, qui sert aussi de médiateur dans les négociations entre Israël et le Hamas et qui partage un point de passage frontalier avec la bande de Gaza - le passage de Rafah, unique axe via lequel est acheminée de l'aide humanitaire depuis que le nouveau conflit a éclaté.

D'après la presse officielle iranienne, Ismaïl Haniyeh s'est aussi rendu début novembre à Téhéran pour s'entretenir avec le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei.

Trois représentants de haut rang ont déclaré à Reuters qu'à cette occasion Ali Khamenei avait informé Ismaïl Haniyeh que l'Iran n'entrerait pas en guerre, faute d'avoir été prévenu en amont de l'attaque du 7 octobre. Le Hamas n'avait alors pas répondu à des demandes de commentaires, puis a nié les éléments rapportés par Reuters une fois publiés.

Alors qu'Ismaïl Haniyeh se déplaçait dans la région, Israël a déclaré le 16 novembre avoir mené une frappe aérienne contre sa maison, à Al Chati, le camp de réfugiés où il est né en 1962. Tsahal a dit considérer la maison d'Ismaïl Haniyeh comme un lieu où se tenaient régulièrement des réunions de cadres du Hamas destinées à "diriger des attaques terroristes".

UN PROTÉGÉ DU DÉFUNT FONDATEUR DU HAMAS

Etudiant militant à l'université islamique de la ville de Gaza durant sa jeunesse, Ismaïl Haniyeh a rejoint le Hamas dès sa création, en 1987, lors de la première Intifada (soulèvement). Il fut arrêté et brièvement exilé.

Devenu un protégé du fondateur du Hamas, Cheikh Ahmed Yassine, qui était un réfugié du village d'Al Joura, près d'Achkelone, comme la famille Haniyeh, il avait dit à Reuters en 1994 que Yassine était un modèle pour les jeunes palestiniens.

"Nous avons appris de lui l'amour de l'islam et le sacrifice pour l'islam, et de ne pas s'agenouiller devant ces tyrans et despotes", avait déclaré à l'époque Ismaïl Haniyeh.

Il est devenu par la suite, en 2003, un proche conseiller de Cheikh Ahmed Yassine, une photo le montrant tenir un téléphone à l'oreille du fondateur du Hamas, alors presque complètement paralysé, afin que celui-ci puisse prendre part à une conversation. Yassine a été assassiné par Israël en 2004.

Ismaïl Haniyeh est un partisan de longue date de l'entrée du Hamas en politique, déclarant en 1994 que former un parti politique permettrait au Hamas "de gérer les développements émergents".

D'abord rejetée par les dirigeants du Hamas, cette idée a finalement été approuvée. Quand le Hamas a remporté les élections législatives à Gaza en 2006, soit un an après le retrait de l'armée israélienne de l'enclave, Ismaïl Haniyeh est devenu le Premier ministre palestinien. Le Hamas a pris le contrôle de la bande de Gaza en 2007.

En 2012, lorsque des journalistes de Reuters lui avaient demandé si le Hamas avait abandonné la lutte armée, Ismaïl Haniyeh avait répondu: "Bien sûr que non". Il avait ajouté que la résistance allait continuer "sous toutes ses formes - résistance populaire, politique, diplomatique et militaire". (Reportage Samia Nakhoul et Stephen Farrell; rédigé par Jean Terzian)