Le géant américain déchu a annoncé dans le même temps avoir obtenu une ligne de crédit de 950 millions de dollars (740 millions d'euros) sur 18 mois de la part du groupe bancaire Citigroup.

La société, créée il y a plus de 130 ans, avait essayé de se restructurer après le passage de l'argentique au numérique en se diversifiant dans les produits grand public comme les appareils photo et les imprimantes, mais sans succès.

Le groupe, qui a pourtant inventé l'appareil photo numérique, n'a plus enregistré de bénéfice depuis 2007.

Concrètement, Kodak et ses filiales américaines demandent à bénéficier de la protection du chapitre 11 de la loi américaine sur les faillites. Les filiales étrangères ne sont pas concernées et continueront à honorer leurs engagements auprès de leurs fournisseurs.

La procédure de dépôt de bilan ainsi que la ligne de crédit visent à donner du temps au groupe pour trouver des acquéreurs pour ses quelque 1.100 brevets numériques, tout en lui permettant de continuer à payer ses 17.000 salariés.

"Le conseil d'administration et la totalité de l'équipe de direction estiment que c'est une étape nécessaire et la chose qu'il convient de faire pour l'avenir de Kodak", a déclaré son PDG Antonio Perez, dans un communiqué.

"Nous devons maintenant achever la transformation en continuant à nous attaquer à notre structure de coût et en monétisant avec succès nos actifs non stratégiques en matière de propriété intellectuelle", a-t-il ajouté.

"Nous sommes impatients de travailler avec nos actionnaires pour faire émerger une société amincie, de rang mondial, présente dans l'imagerie et la science des matériaux."

Le groupe souligne que ses brevets en imagerie numérique sont utilisés dans pratiquement tous les appareils photo numériques, smartphones et tablettes. Kodak a aussi des brevets dans les techniques d'impression.

Fin septembre, le groupe affichait un actif total de 5,1 milliards de dollars et des dettes de 6,75 milliards.

RATTRAPÉ PAR LA CONCURRENCE

Kodak a autrefois dominé son secteur. Ses pellicules ont même été le sujet d'une chanson populaire de Simon & Garfunkel au début des années 1970. Ironie du sort, l'inventeur de l'appareil photo numérique n'a pas su prendre assez vite le virage de la numérisation.

La lente dégringolade de Kodak se ressent dans la ville de Rochester, dans l'Etat de New York, où le groupe a son siège social. A l'époque de sa splendeur, Kodak y employait plus de 60.000 personnes. Aujourd'hui, les salariés n'y sont plus que 7.000.

La capitalisation boursière du groupe, qui était de 31 milliards de dollars il y a 15 ans, est tombée à moins de 150 millions de dollars.

Kodak est conseillé par la banque d'affaires Lazard dans la recherche d'un acquéreur pour ses brevets. La société est également aidée par la firme spécialisée en restructuration FTI Consulting, dont le vice-président Dominic DiNapoli a été nommé directeur de la restructuration de Kodak.

Ces dernières années, Kodak a largement utilisé l'action en justice contre ses concurrents américain Apple, canadien Research in Motion ou taiwanais HTC concernant ses brevets pour tenter de récupérer du chiffre d'affaires.

La fondation de la société Kodak remonte à 1880 quand George Eastman s'est lancé dans la fabrication de plaques photographiques après avoir abandonné ses études. Pour lancer son entreprise, il achète un moteur d'occasion pour 125 dollars.

En l'espace de huit ans, le marque Kodak était déposée et le groupe lançait un appareil photo portatif, plus maniable, ainsi que le film qui s'enroule dont il devient le principal fabricant.

Eastman a aussi inventé le "dividende sur salaire" selon lequel les salariés recevaient une prime basée sur les résultats.

Près d'un siècle d'après la fondation de Kodak, l'astronaute Neil Armstrong utilisa un appareil de la marque, de la taille d'une boîte à chaussures, pour prendre les photos de la lune en juillet 1969.

Six ans plus tard, Kodak inventait l'appareil photo numérique, de la taille d'un grille-pain. Mais plutôt que de développer son invention, Kodak a laissé ses concurrents prendre des parts de marché qu'il n'a jamais pu récupérer.

En 1994, Kodak s'est séparé de son activité dans la chimie, Eastman Chemical, qui a plutôt bien tiré son épingle du jeu.

Danielle Rouquié pour le service français, édité par Dominique Rodriguez

par Nick Brown et Caroline Humer