Les membres de la Commission ont approuvé la proposition de Karel de Gucht, commissaire européen au Commerce, de taxer les importations chinoises de panneaux solaires d'ici le 6 juin, a-t-on appris de deux responsables européens.

L'information a provoqué une hausse en Bourse des fabricants européens de panneaux solaires comme les allemands SolarWorld, qui a fini la journée en hausse de 9,92%, et Centrotherm, qui a gagné 1,37%.

Les titres côtés à Francfort du chinois Suntech ont eux perdu plus de 4% à la suite de l'information.

Les droits de douanes, qui entreront en vigueur une fois que la Commission européenne aura publié la décision au Journal officiel de l'UE, atteindront en moyenne 47% du prix des panneaux solaires.

Le relèvement de ces tarifs douaniers intervient après la plus vaste enquête en date de la Commission européenne sur des accusations de pratiques anticoncurrentielles, entamée en septembre à la suite d'une plainte déposée par un groupe de producteurs allemands et italiens emmené par SolarWorld.

AVERTISSEMENT CHINOIS

L'UE tente toujours de trouver le juste équilibre entre la protection de ses produits dans le marché intérieur et le développement de ses exportations vers la Chine, son deuxième partenaire commercial.

Karel de Gucht devrait en conséquence chercher à résoudre le contentieux par la négociation avec Pékin, avant l'expiration en décembre d'un délai qui conduirait, faute de solution, à confirmer l'imposition des droits de douane pour les cinq prochaines années.

Yi Xiaozhun, ambassadeur chinois à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), a jugé que la Commission européenne avait commis une erreur.

"Cela va envoyer au monde le signal négatif d'un retour du protectionnisme", a-t-il dit à Reuters, s'abstenant néanmoins d'évoquer d'éventuelles représailles de Pékin.

Des spécialistes du commerce issus des 27 pays membres de l'UE doivent se prononcer le 15 mai sur la décision de la Commission européenne, qu'ils devraient approuver. Leur avis n'est de toute façon pas contraignant.

La Commission européenne s'est abstenue de tout commentaire.

La position de l'UE sur l'énergie solaire est compliquée par le fait que certains acteurs du secteur, notamment des importateurs et des installateurs, bénéficient du faible prix des panneaux chinois.

Ces groupes craignent que les droits de douanes nuisent au développement des énergies renouvelables et poussent Pékin à prendre des mesures de rétorsion.

"Les droits de douane sont toxiques pour l'industrie de l'énergie solaire", a regretté Udo Mohrstedt président du directoire de l'allemand IBC Solar. "Rien qu'en Allemagne, ces mesures protectionnistes menacent plus de 70.000 emplois dans les entreprises moyennes."

SURCAPACITÉ

Les Etats-Unis ont déjà imposé des taxes à l'importation sur les panneaux solaires chinois l'an dernier, estimant que la brusque croissance de la production chinoise dans le secteur avait déséquilibré le marché.

La production chinoise de panneaux solaires a quadruplé entre 2009 et 2011 et dépasse désormais la demande mondiale. Les producteurs européens affirment que leurs homologues chinois contrôlent 80% du marché européen, dont ils étaient presque absents il y a quelques années, et ont exporté 21 milliards de panneaux solaires en 2011.

Les panneaux chinois sont en conséquence jusqu'à 45% moins chers que ceux qui sont fabriqués dans l'UE, toujours selon les producteurs européens.

L'Europe représentait en 2012 la moitié du marché mondial des panneaux solaires, estimé au total à 77 milliards de dollars (58,5 milliards d'euros), d'après des chiffres du cabinet IHS. L'énergie solaire répond à 3% de la demande européenne en électricité.

L'Allemagne était l'an dernier la première productrice du secteur, devant la Chine, l'Italie et les Etats-Unis, et a également installé sur la même période plus de panneaux solaires qu'aucun autre pays, pour une capacité totale de 7,6 gigawatts (GW).

La surcapacité dont souffre le secteur a néanmoins affecté les principaux producteurs, et certains comme Q-Cells, ont dû déposer le bilan, tandis que SolarWorld est contraint de restructurer sa dette.

Un autre groupe allemand, Bosch , a annoncé en mars son retrait du marché de l'énergie solaire, une décision qui menace son site français de Vénissieux (Rhône).

Robin Emmott et Francesco Guarascio; Julien Dury pour le service français, édité par Marc Angrand