Francfort (awp/afp) - L'économie allemande cherche toujours une porte de sortie de crise, l'industrie réclamant au gouvernement d'Olaf Scholz plus d'investissements publics et moins de bureaucratie pour relancer la croissance.

Pour les "Journées de l'industrie", rendez-vous annuel de la principale fédération du secteur (BDI) qui a débuté lundi à Berlin, les patrons allemands ont fait comprendre au chancelier social-démocrate qu'ils ne partageaient pas son optimisme quant au redémarrage de l'activité.

"Nous prévoyons certes une légère reprise de la conjoncture, mais cela reste une très faible croissance. La tendance à long terme, la croissance potentielle, est beaucoup trop faible, à 0,5% par an", a déclaré Siegfried Russwurm, président de la fédération en ouverture de la manifestation qui accueillait le chef du gouvernement.

"Par rapport aux États-Unis et à la Chine, l'Allemagne continue de perdre du terrain", a souligné M. Russwurm.

L'Allemagne, pays exportateur, a vu son PIB reculer l'an dernier, plombé par l'affaiblissement du secteur industriel en raison de la hausse du coût de l'énergie après l'invasion de la guerre en Ukraine en février 2022, de l'inflation et de la baisse de la demande mondiale.

Une lente reprise est annoncée depuis le deuxième trimestre, plusieurs instituts économiques et le gouvernement lui-même ayant relevé leurs prévisions de croissance pour 2024.

Mais le gouvernement de coalition, qui inclut également les libéraux et les écologistes, tarde à s'attaquer aux problèmes structurels à l'origine de la perte de compétitivité de la première économie européenne, selon le BDI.

"Si nous ne les résorbons pas, les investissements du secteur privé ne se développeront pas autant qu'ils le devraient", a poursuivi M. Russwurm dont la fédération estime à 400 milliards d'euros sur dix ans les besoins d'investissements publics, notamment dans l'éducation et les transports.

"Courbatures"

"Vous avez raison lorsque vous constatez que trop peu d'investissements ont été réalisés", a répondu le chancelier.

"Lorsqu'on se remet à courir après avoir été assis longtemps, cela fait parfois mal aux jambes (...) Au début les premières courbatures sont particulièrement douloureuses", a-t-il décrit.

"Mais c'est une étape nécessaire pour être plus en forme et accélérer la course: c'est là où nous en sommes en Allemagne", a assuré le chancelier, filant la métaphore sportive.

Le monde économique semble pourtant douter de l'amélioration promise.

L'indice du moral des entrepreneurs a ainsi baissé de manière inattendue en juin malgré la tendance à l'optimisme des derniers mois, comme l'a annoncé l'institut IFO lundi.

Tous secteurs confondus, cet indicateur très suivi de la conjoncture économique, basé sur un questionnaire mensuel adressé à 9.000 chefs d'entreprises, a atteint 88,6 points, après 89,3 points en mai.

Dans le secteur de l'industrie, le climat des affaires a chuté, malgré trois hausses consécutives ces derniers mois, à cause de l'affaiblissement des carnets de commandes.

"L'optimisme du début d'année a laissé place au réalisme", résume Carsten Brzeski, analyste de la banque ING pour qui le creux de l'économie allemande "ne sera pas automatiquement suivi d'une forte reprise".

"L'incertitude politique, qui découle actuellement des négociations budgétaires du gouvernement, ainsi que les faiblesses structurelles bien connues de l'économie limiteront le rythme de tout rebond", ajoute-t-il.

"Il n'y a pas de reprise en Allemagne", tranche pourtant lundi Jens-Oliver Niklasch, expert de la banque LBBW. "La situation stagne, les attentes s'assombrissent à nouveau, et à un niveau déjà très bas", selon lui.

Autre source d'inquiétude, la popularité croissante des partis populistes, illustrée par le résultat des élections européennes en juin.

"L'Allemagne est mise au défi par la montée en puissance des forces nationalistes", a alerté le président du BDI, pour qui le "protectionnisme ne fait que des perdants".

"Le populisme pourrait avoir des effets négatifs à long terme, surtout pour un pays orienté vers l'exportation comme l'Allemagne", souligne Fritzi Köhler-Geib, économiste de la banque d'investissement KFW, qui pointe du doigt d'incertitude liée aux élections législatives anticipées en France.

afp/ib