par Sujata Rao

LONDRES, 14 novembre (Reuters) - Un accident de marché lié à l'explosion de la gestion passive dans le cadre des fonds de placement cotés (Exchange Traded Funds - ETFs) est "une crise en puissance", a prévenu lundi le spécialiste de la gestion de fortune Indosuez.

Frédéric Lamotte, qui gère 110 milliards d'euros d'actifs en tant que responsables des investissements d'Indosuez, s'est toutefois dit optimiste sur les conséquences pour les marchés de l'élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis et d'une inflation plus forte.

Il a ajouté que l'or, les actions et l'immobilier résidentiel dans certaines zones en Europe figuraient parmi ses placements privilégiés pour 2017, de même que les marchés émergents, en particulier en Asie.

Il s'est dit inquiet du boom des EFTs et a banni de ses portefeuilles les ETFs obligataires, n'autorisant le recours aux ETFs actions que pour des prises de positions tactiques à très court terme en raison de risque de crise de liquidité qu'ils présentent, selon lui, dans l'éventualité d'un choc de marché qui pousserait les petits investisseurs à se désengager massivement.

Si les ETFs en eux-mêmes sont très liquides, Frédéric Lamotte souligne que les évolutions réglementaires intervenues depuis la crise financière de 2008 ont fortement réduit les volumes de transactions sur les actifs sous-jacents, obligataires en particulier.

"Une grande partie des arguments de vente mis en avant pour les ETFs comme leur simplicité, leur transparence, leur coût, leur efficience et leur liquidité, une grande partie n'est que mensonge", a-t-il dit lors du Reuters Summit sur les perspectives d'investissement 2017.

"Aujourd'hui vous avez un grand nombre d'ETFs en obligations à haut rendement. Le marché du haut rendement est énorme. Le haut rendement attire les investisseurs. Le problème (avec les ETFs), c'est que le sous-jacent n'est pas liquide", a souligné Frédéric Lamotte.

Il a rappelé que lors de la crise de 2008, les obligations détenues par les ETFs représentaient quasiment l'équivalent de ce que les banques assurant la tenue de marché détenaient elles-mêmes dans leurs bilans.

"Donc si les ETFs vendaient tout ce qu'ils avaient, cela correspondait à ce que les banques pouvaient acheter en tant que teneurs de marché. Aujourd'hui les ETFs investis en obligations à taux fixes détiennent 38 fois ce que les banques d'investissement sont autorisées à détenir. C'est une crise en puissance."

Un risque supplémentaire pour les gérants actifs qui pratiquent la sélection de valeurs est représenté par l'effet de corrélation, a-t-il ajouté en référence aux mouvements d'achats et de ventes massifs effectués par les gérants d'ETFs en réponse aux mouvements des indices. "Un gérant qui pratique le stock ou le sector picking est submergé comme par un tsunami."

TRUMP ET LE RETOUR DE L'INFLATION

Reconnaissant que "l'inflation est de retour", Frédéric Lamotte a dit que l'or offrait une couverture adéquate pour le moment sachant qu'il ne s'attend pas à ce que la hausse des prix dépasse 2% en rythme annuel dans les pays occidentaux.

"Pour se protéger de l'inflation, les actions sont aussi une bonne couverture", a-t-il dit.

Son allocation d'actifs se répartit à hauteur de 42% en actions, de 36% en obligations et de 10% en or. Il ne détient toutefois aucune obligation souveraine, préférant être "surpondéré" en obligations américaines en catégorie d'investissement et obligations européennes à haut rendement.

La victoire de Donald Trump à l'élection présidentielle américaine ne l'a pas perturbé en dépit de la chute des marchés émergents et de la hausse des rendements obligataires qu'elle a entraînées.

"Je n'ai pas été surpris. Nous (...) avons acheté beaucoup de cimentiers aux Etats-Unis parce que, quoi qu'il arrive, il faudra qu'ils investissent dans les infrastructures."

Il s'est dit convaincu que Trump aura beaucoup de difficultés à mettre en ouvre les tarifs douaniers qu'il a promis d'appliquer à l'encontre de plusieurs pays émergents. "S'il rompt tous les liens commerciaux avec la Chine, les Américaines n'auront plus de lingerie, il ne s'en produit plus aux Etats-Unis."

Interrogé sur le peso mexicain qui a chuté d'environ 12% en réaction aux attaques répétées de Donald Trump visant Mexico, Frédéric Lamotte a estimé que la devise était probablement à des niveaux d'achat.

Face à la montée du populisme en Europe, il a estimé qu'investir dans les actions et les obligations d'entreprises cotées appropriées était un bon moyen de se protéger contre l'incertitude politique. Il a toutefois ajouté qu'il était "assez significativement sous-pondéré" sur les actifs britanniques depuis le vote en faveur du Brexit.

Sommet Reuters sur les perspectives d'investissement 2017 sur twitter : @Reuters_Summits. (Marc Joanny pour le service français, édité par Véronique Tison)