Pourtant, la publication d'une série d'indicateurs reflétant la fragilité économique des Etats de la zone euro joue plutôt en faveur d'un assouplissement monétaire.

Mais une telle décision serait susceptible de soulever en Allemagne un vif débat sur la présidence de Mario Draghi et pourrait annuler l'impact du nouveau plan de rachat de titres de dette de la BCE, baptisé "Opérations monétaires sur titres" (OMT).

Selon une enquête Reuters publiée la semaine dernière, il y a 80% de chances que la BCE maintienne ses taux directeurs à 0,75% jeudi, même si la plupart des 73 analystes interrogés prévoient qu'ils seront abaissés à 0,5%, soit un nouveau plus bas record, dans les prochains mois.

"La décision sur le taux d'intérêt devrait probablement être prise à l'unanimité", ajoute Nick Matthews de Nomura.

Si le programme OMT n'a pas encore été lancé, son annonce a permis de détendre la situation dans la zone euro. Depuis les déclarations de Mario Draghi fin juillet, assurant que la BCE était prête "à faire tout ce qui est en son pouvoir" pour sauver l'euro" et l'annonce du plan OMT qui a suivi fin septembre, les rendements de la dette espagnole ont reculé de deux points de pourcentage.

Ce recul des rendements n'a pas nécessité l'intervention de l'institut d'émission, car pour pouvoir en bénéficier, l'Etat en difficulté doit d'abord avoir sollicité l'aide du fonds de sauvetage européen, une aide elle-même soumise à l'approbation du parlement allemand. Or l'Espagne ne s'est pas encore engagée dans de telles démarches.

OUTIL LE PLUS PUISSANT

"Le plan OMT est l'outil le plus puissant de la BCE", estime Christian Schulz, de la banque Berenberg et ancien économiste de la BCE. "Une baisse des taux n'aurait probablement que peu d'effets et serait susceptible de soulever les critiques en Allemagne, à l'encontre d'une politique qui serait jugée trop accommodante".

"Si l'opinion politique allemande se soulève contre la BCE, le signal envoyé par le plan OMT pourrait faiblir car les marchés s'inquiéteraient de la solidité du soutien allemand à cette politique", ajoute Christian Schulz.

Mario Draghi, qui a succédé à Jean-Claude Tricher le 1er novembre 2011, a ardemment défendu son programme de rachats de titres devant des parlementaires allemands fin octobre.

Cette démarche inhabituelle devant le Bundestag visait à assurer que les craintes que les OMT alimentent l'inflation ou constituent un financement déguisé, étaient infondées.

Car les critiques visant Mario Draghi en Allemagne fleurissent. En tout juste un an, le président de la BCE a injecté plus de 1.000 milliards d'euros dans le système financier européen via des prêts de très longue durée. Il a également abaissé pour la première fois le principal taux d'intérêt au-dessous de 1% et a élaboré le plan OMT en dépit de l'opposition de la Bundesbank et de son président, qui avait voté contre le programme.

Après cette série de mesures, la BCE devrait donc privilégier le statu quo cette semaine, comme en octobre, en dépit d'une baisse de la confiance des entreprises en Allemagne et un recul du secteur manufacturier de la zone euro pour le quinzième mois consécutif.

L'enquête mensuelle menée par Markit auprès des directeurs d'achats en Europe, qui anticipe une contraction du PIB de la zone euro au quatrième trimestre, a montré que l'activité dans le secteur des services a connu en octobre sa plus forte contraction depuis juillet 2009.

L'ESPAGNE ET LA GRÈCE AU CENTRE DES PRÉOCCUPATIONS

Les investisseurs et les dirigeants de la zone euro pressent par ailleurs toujours l'Espagne de solliciter une aide européenne afin de pouvoir permettre à la BCE de racheter ses titres de dette via le plan OMT.

Ewald Nowotny, membre du conseil des gouverneurs de la BCE, avait jugé mardi qu'il serait sensé de mettre en oeuvre ce plan pour dissiper les craintes des marchés.

Mais, jusqu'ici, le Premier ministre espagnol Mariano Rajoy s'est refusé à demander une telle aide, exigeant d'abord des garanties assurant que l'intervention de la BCE réduiraient bien les coûts de la dette espagnole.

Autre sujet au coeur des préoccupations, la situation budgétaire grecque fera l'objet prochainement d'un rapport des créanciers internationaux. Une source européenne a fait savoir lundi qu'il était toutefois improbable qu'un accord pour délivrer une nouvelle aide financière à ce pays au bord de la faillite soit conclu la semaine prochaine lors de la réunion des ministres des Finances de la zone euro.

Berlin et le Fonds monétaire international (FMI) divergent sur la nécessité pour les Etats membres et la BCE d'imposer une nouvelle décote sur les titres de dette grecque.

La BCE a d'ores et déjà repoussé ce scénario.

une autre solution avancée par les analystes pour résoudre les difficultés financières de la Grèce serait que la BCE autorise Athènes à émettre davantage de titres de dette de court-terme, les "T-Bills".

Les banques grecques ne peuvent actuellement plus se financer sur les marchés et sont dépendantes de la banque centrale grecque pour obtenir leurs liquidités. Or, celle-ci est elle-même dépendante de la BCE et doit obtenir son autorisation pour tout soutien exceptionnel à la liquidité (programme ELA). Pour pouvoir autoriser davantage d'émission de titres de dette, la Banque de Grèce ne peut donc se passer de l'aval de la BCE.

En août, celle-ci avait donné son accord pour relever le plafond des "T-Bills" que la Banque de Grèce peut accepter comme collatéral en contrepartie de prêts d'urgence afin que le pays ne sombre pas dans la faillite d'ici la décision de la Troïka, d'accorder, ou non, une prochaine tranche d'aide à la Grèce.

"Je pense que (la BCE) rappellera que cette mesure décidée en août était temporaire", commente Christian Schulz, qui précise toutefois qu'un renforcement du programme ELA ne sera pas totalement exclu.

Enfin, la réunion de jeudi sera également marquée par l'opposition de l'Espagne à la nomination d'Yves Mersch au directoire de la BCE.

Mike Peacock, Catherine Monin pour le service français, édité par Benoît Van Overstraeten

par Paul Carrel