par Paul Carrel

L'inflation a bondi de 2,2% en décembre dans la zone, franchissant pour la première fois en deux ans la limite de 2% que se fixe la banque centrale.

"Nous observons des signes d'une tendance à court terme à la hausse de l'inflation, notamment en raison des prix de l'énergie", a déclaré Jean-Claude Trichet, le président de la BCE, lors de sa conférence de presse mensuelle.

"Cela n'affecte pas pour l'instant notre sentiment que l'évolution des prix restera stable dans un avenir visible. Une surveillance étroite est néanmoins nécessaire."

La décision de maintenir les taux directeurs inchangés, largement anticipée par les économistes interrogés par Reuters, laisse le taux de refinancement à 1,00%, niveau dont il n'a plus bougé depuis mai 2009. Le taux de facilité de dépôt demeure à 0,25% et le taux de prêt marginal à 1,75%.

Jean-Claude Trichet a souligné que l'inflation pourrait temporairement augmenter dans les prochains mois, "avant de se modérer de nouveau vers la fin de l'année".

L'euro a accentué ses gains après ces déclarations, franchissant la barre de 1,33 dollars et s'acheminant vers sa plus forte hausse quotidienne depuis début décembre. Vers 16h10 GMT, la monnaie européenne se traitait à 1,3314 dollars, en hausse de 1,43%.

La reprise de l'inflation, surtout dans les pays émergents à forte croissance, a poussé plusieurs banques centrales à travers le monde à commencer à relever leurs taux, comme en Corée du Sud ou en Thaïlande récemment. Les gouvernements doivent faire face à une flambée du cours des matières premières, notamment dans l'alimentaire.

Le président de la BCE a souligné que la banque centrale prendrait toutes les mesures nécessaires pour assurer la stabilité des prix, citant en exemple la hausse des taux appliquée à l'été 2008.

"Je ne peux que vous rappeler qu'en juillet 2008, alors que nous étions dans une période difficile, nous avons relevé les taux parce que avions jugé cette décision appropriée pour pouvoir garantir la stabilité des prix", a dit Jean-Claude Trichet.

Les analystes disent espérer que la BCE aura retenu les leçons de cette époque, lorsqu'elle avait augmenté ses taux face à l'envolée des cours du pétrole juste avant que la chute de la banque Lehman Brothers ne marque le début de la crise financière.

TRICHET RENVOIE LES ÉTATS À LEURS RESPONSABILITÉS

Sur le front de la crise de la dette, Jean-Claude Trichet a fermement renvoyé les 17 pays membres de la zone à leurs responsabilités afin d'éviter sa contagion à d'autres Etats.

"Étant donné la vulnérabilité actuelle aux réactions négatives des marchés, les pays doivent faire tout leur possible pour remplir leurs objectifs en matière de déficit et placer les dettes publiques et les ratios par rapport au PIB sur une trajectoire descendante", a dit Trichet.

Il a réaffirmé son soutien à un renforcement de la capacité et du champ d'action du fonds de sauvetage européen de 440 milliards d'euros. Mercredi, la Commission européenne s'était également prononcée en faveur de cette proposition, que Paris et Berlin ont jugée inutile et prématurée .

Le succès de l'adjudication portugaise mercredi et celui des opérations de refinancement lancées ce jeudi par l'Espagne et l'Italie ont néanmoins quelque peu calmé les inquiétudes concernant l'état des finances des pays dits périphériques de la zone euro.

Après les propos de Trichet, l'écart de rendement entre le Bono espagnol à 10 ans et le Bund allemand de même échéance s'est réduit de 11 points de base (pdb) à 231 pdb, et celui entre le papier italien à 10 ans et son équivalent allemand s'est contracté de 14 pdb, notamment en raison de la remontée du rendement des obligations de Berlin.

Bon nombre d'intervenants estiment que ce sont des rachats d'obligations menés par la BCE qui ont permis ces derniers jours au rendement des emprunts d'Etat portugais de se maintenir à un niveau raisonnable.

Jean-Claude Trichet s'est contenté de déclarer que le programme de rachats était "en cours".

Ce programme, qui expose la banque centrale à de possibles pertes, divise son conseil des gouverneurs. Le gouverneur de la Bundesbank et possible successeur de Trichet, l'Allemand Axel Weber, s'y est opposé publiquement.

C'était jeudi la première réunion du comité de politique monétaire de la BCE depuis l'élargissement de la zone euro à l'Estonie, son dix-septième membre.

Un peu plus tôt jeudi, la Banque d'Angleterre a, comme attendu, maintenu son taux directeur à son plus bas niveau historique et laissé en suspens son programme de rachats d'actifs, en dépit d'une possible hausse du taux d'inflation.

Grégory Schwartz et Jean Décotte pour le service français, édité par Benoît Van Overstraeten