FRANCFORT, 12 octobre (Reuters) - La Banque centrale européenne (BCE) pourrait débattre la semaine prochaine de modifications techniques à apporter à son programme de rachat d'actifs mais elle devrait renvoyer une décision à sa réunion de décembre, au cours de laquelle il sera aussi question de la prolongation du programme, a-t-on appris auprès de sources proches des délibérations.

Parmi les propositions de compromis pourrait figurer un assouplissement partiel et temporaire de la règle qui contraint la BCE à moduler ses rachats d'obligations souveraines en fonction du poids de chaque Etat membre, ont précisé les sources.

Cela pourrait réduire les achats de dette allemande, au risque d'un nouveau conflit avec Berlin, qui ne veut pas voir l'institution subventionner des pays fortement endettés.

La BCE pourrait aussi acheter une quantité limitée d'obligations affichant un rendement inférieur à son taux des dépôts, ce qui est là encore exclu dans l'état actuel de son programme d'assouplissement quantitatif (QE), et acheter une part plus importante des émissions obligataires, ont ajouté les sources.

La banque centrale cherche en fait à s'assurer qu'elle pourra continuer à acheter chaque mois pour 80 milliards d'euros d'obligations sur les marchés sans prendre le risque de se heurter à une pénurie de titres respectant les conditions qu'elle s'est elle-même fixées, et ce y compris si elle prolonge ce programme au-delà de l'échéance initiale de mars prochain.

Le programme d'achats a été lancé en mars 2015 dans le cadre des mesures prises par l'institution de Francfort pour tenter de relancer le crédit, l'activité économique et l'inflation dans la zone euro.

DÉVIER DES RÈGLES SANS LES REMETTRE EN CAUSE

Mais d'éventuelles modifications de ses modalités techniques dépendront en partie de la décision de le prolonger ou non, ce qui plaide en faveur de décision simultanées, probablement en décembre, ont expliqué les sources à Reuters.

"Ne précipitons pas les choses", a dit un responsable de la BCE qui tend à voter avec la majorité des membres du Conseil des gouverneurs. "Les modifications techniques sont étroitement liées à la modification de la politique monétaire et elles doivent être décidées ensemble."

La BCE doit veiller à ce que d'éventuelles modifications techniques ne remettent pas en cause la nature même du programme, ce qui implique des compromis, notamment sur la question sensible de la répartition des achats au prorata du poids de chaque pays de la zone euro au capital de la banque centrale.

Une solution pourrait consister à prévoir des écarts faibles, exceptionnels ou temporaires par rapport à cette "clé de répartition", ont dit plusieurs sources.

Cela signifierait par exemple que si la BCE constate que l'offre de titres allemands éligibles sur une période donnée est insuffisante, elle s'autorise à acheter des titres émis par d'autres pays.

Un abandon pur et simple de la clé de répartition est toutefois improbable, ont précisé les sources.

La BCE s'est refusée à tout commentaire. Les sources ont ajouté qu'aucune décision n'avait été adoptée à ce jour et que le directoire n'avait pas encore communiqué ses propositions.

"Abandonner complètement la clé de répartition du capital serait très difficile. Ce serait un désastre du point de vue des relations publiques en Allemagne et cela suggérerait que nous voulons aider davantage les pays endettés", a dit un membre du conseil des gouverneurs.

L'ACHAT DE CRÉANCES DOUTEUSES EST EXCLU

"Mais nous dévions déjà de la clé de répartition, donc la question revient à fixer à quel stade la déviation devient excessive au point de modifier la nature du programme. Je crois que nous avons encore de la marge."

La majeure partie de la courbe des rendements de la zone euro se situant en territoire négatif, la BCE pourrait se trouver l'an prochain à court de titres éligibles sur plusieurs marchés, dont l'Allemagne. Les sources ont déclaré qu'une modification n'était pas toutefois une nécessité urgente, le risque de pénurie n'étant pas réel avant l'échéance du mois de mars.

Certains membres du Conseil des gouverneurs arguent du fait qu'un assouplissement de la règle de la clé de répartition ne ferait pas beaucoup monter les rendements allemands alors qu'il permettrait de faire baisser les rendements des pays dits "périphériques", ce qui réduirait la fragmentation du marché et pourrait améliorer l'efficacité du programme.

Mais les sources ont dit que l'Allemagne et le petit groupe de pays qui la soutient devraient refuser une telle proposition.

Un aménagement a priori plus acceptable consisterait à autoriser la BCE à acheter certaines obligations dont le rendement est inférieur à son taux de dépôt, fixé à -0,4%, ce qu'elle s'interdit pour l'instant.

Une source a déclaré que la BCE pourrait aussi décider en décembre une modification de sa communication avancée, la "forward guidance", pour y intégrer une référence à la taille du bilan de la banque centrale.

Des options plus radicales telles que l'achat de créances douteuses, défendues par des pays comme l'Italie, ne sont pas sérieusement envisagées, ont poursuivi les sources, ajoutant qu'une baisse de taux n'était pas non plus considérée comme un sujet de débat sérieux.

Le relèvement de la part maximale d'une émission susceptible d'être achetée par la BCE à 50% contre 33% pour l'instant figure en revanche parmi les propositions viables, ont dit les sources.

(Bureau de Francfort, Véronique Tison pour la version française, édité par Marc Angrand)