Londres (awp/afp) - La Banque d'Angleterre a opté jeudi une nouvelle fois pour un maintien de son taux d'intérêt à 0,75%, malgré de récents propos de responsables qui laissaient entrevoir une possible baisse, et tout en sabrant ses prévisions de croissance.

L'institut monétaire a préféré le statu quo à la faveur d'un rebond de l'activité attendu en ce début d'année et d'une baisse de l'incertitude avec le Brexit, qui sera finalement acté vendredi soir.

"La croissance du PIB du Royaume-Uni est attendue en léger rebond début 2020", notamment grâce à "une reprise de l'activité mondiale, une diminution des incertitudes du Brexit et des mesures de relances annoncées par le gouvernement", a expliqué le Comité de politique monétaire (MPC) dans un compte-rendu de la réunion publié jeudi.

Par conséquent, comme lors des deux précédentes réunions, sept membres sur neuf ont voté pour maintenir le taux d'intérêt à 0,75%, les deux autres s'étant prononcés pour une baisse de 0,25 point.

Une décision qualifiée de "surprise" par nombre d'observateurs, comme le cabinet de conseil Deloitte.

Le gouverneur, Mark Carney, avait en effet déclaré il y a trois semaines entrevoir une "réduction" des incertitudes liées au Brexit depuis les élections législatives de décembre, remportées par le Premier ministre, Boris Johnson, tout en prévenant qu'un rebond de l'économie n'était "pas assuré".

Ces déclarations, aux côtés de celles d'autres responsables du comité de politique monétaire, avaient amené nombre d'investisseurs à parier sur une baisse de taux jeudi.

D'autant que la BoE note elle-même qu'elle voit un ralentissement de l'activité au Royaume-Uni et abaisse considérablement ses prévisions de croissance, ramenées de 1,2% à 0,8% pour cette année, notamment du fait d'une faible productivité, et à 1,4% contre 1,7% pour 2021.

"On en est encore au début de l'année, c'est moins un cas de +jusqu'ici tout va bien+ qu'une situation de +jusqu'ici c'est assez bien+" pour maintenir le taux directeur, a expliqué M. Carney pendant une conférence de presse.

Interrogé sur ses précédents propos, M. Carney, qui a déjà été surnommé "petit ami pas fiable" par beaucoup d'observateurs pour sa communication jugée parfois approximative face aux marchés, s'est toutefois défendu en relevant qu'il n'avait fait que décrire les débats qui existaient au sein du MPC.

L'institution a justifié sa décision de stabilité des taux en soulignant l'impact favorable de l'accord commercial de phase 1 signé entre les Etats-Unis et la Chine, même si les tensions commerciales "demeurent élevées", tout en répétant que les incertitudes liées au Brexit s'étaient dissipées à court terme.

De ce fait, la Banque d'Angleterre a noté une amélioration de la confiance, tandis qu'une enquête du CBI, la principale organisation patronale britannique, a fait état d'un très fort regain d'optimisme des entreprises depuis la victoire de Boris Johnson en décembre.

Les enquêtes montrent également une reprise de l'investissement en janvier, a souligné la Banque d'Angleterre.

Surveillance attentive

Malgré ce tableau positif, l'institution observe "une persistance des incertitudes à moyen terme".

Les membres du MPC vont donc "surveiller attentivement" les indicateurs économiques et n'écartent pas une politique monétaire plus accommodante si l'embellie observée début 2020 "devait ne pas durer ou si les prix restent relativement faibles".

La Banque d'Angleterre, qui vise une inflation de l'ordre de 2%, est en effet confrontée à un ralentissement de la hausse des prix, à +1,3% sur un an en décembre.

Elle s'attend désormais à ce que l'inflation progresse moins vite qu'attendu en novembre: 1,4% fin 2020, contre 1,5% dans son rapport de novembre. La BoE garde cependant ses projections pour fin 2021 à 2%.

Comme lors des précédentes réunions, le MPC s'est par ailleurs prononcé à l'unanimité pour la poursuite du programme de rachat d'actifs.

La livre a réagi positivement: vers 13H15 GMT, elle gagnait 0,64% face au billet vert, à 1,3104 dollar, et 0,46% face à l'euro, à 84,17 pence pour un euro.

"La Banque d'Angleterre a préféré garder des munitions plutôt que de faire une frappe préventive", constate Ayush Ansal, analyste de Crimson Black Capital.

Interrogé sur son bilan d'un peu plus de six ans à la tête de la BoE, et à l'issue de sa dernière décision de politique monétaire, M. Carney a par ailleurs assuré qu'il n'avait "pas de regrets".

Il passera le relai à Andrew Bailey mi-mars et rejoindra alors l'ONU comme envoyé spécial pour le climat,

afp/jh