* Une coalition d'environ 30.000 soldats et miliciens est mobilisée contre 4.000 à 8.000 djihadistes

* Le HCR se prépare à l'accueil de 100.000 réfugiés fuyant l'assaut

* L'offensive pourrait durer des semaines (Actualisé avec précisions, § 14-15 et 25-26)

par Babak Dehghanpisheh

A L'EST DE MOSSOUL, Irak, 17 octobre (Reuters) - Préparée depuis des mois, l'offensive contre Mossoul des forces gouvernementales irakiennes, soutenues par la coalition sous commandement américain, a commencé lundi afin de reprendre le dernier grand fief urbain de l'Etat islamique en Irak.

Environ 30.000 soldats, peshmergas kurdes et miliciens sunnites participeraient à cette opération, la plus grande de l'armée irakienne depuis le retrait des forces américaines en 2011.

Face à eux, 4.000 à 8.000 djihadistes se trouveraient retranchés dans l'agglomération, principale ville du nord de l'Irak où Abou Bakr al Baghdadi, leader de l'EI, a proclamé son "califat" en juin 2014. Elle compterait 1,5 million d'habitants.

Quelques heures après le lancement de l'offensive annoncé à la télévision dans la nuit de dimanche à lundi par le Premier ministre irakien Haïdar al Abadi, entouré de l'état-major des forces armées, la chaîne qatarie Al Djazira a diffusé des images montrant des bombardements à Mossoul.

Peu de détails percent pour l'instant sur cette opération, mais des habitants joints par téléphone ont démenti les informations des chaînes arabes annonçant que les djihadistes avaient pris la fuite.

Les résidents se sont préparés à l'assaut des forces gouvernementales en fortifiant leurs habitations avec des sacs de sable devant les fenêtres, en se débarrassant des produits inflammables et en faisant des stocks de nourriture.

Les Etats-Unis espèrent infliger "une défaite durable" à l'Etat islamique mais, comme le reconnaît le général Stephen Townsend, chef de la coalition anti-Daech, cela pourrait prendre des semaines voire "plus longtemps".

La chute de Mossoul aurait une répercussion immédiate sur le conflit syrien: Rakka serait alors la dernière place forte contrôlée par les djihadistes.

"DÉFAITE DURABLE"

"Il s'agit d'un moment décisif dans la campagne pour infliger à l'EI une défaite durable", a commenté le secrétaire américain à la Défense, Ashton Carter. "Nous sommes convaincus que nos partenaires irakiens triompheront contre notre ennemi commun et libéreront Mossoul et le reste de l'Irak de la haine et la brutalité de l'EI", a-t-il ajouté.

L'EI a dû céder de nombreuses villes depuis la fin 2015 en Irak, où le groupe affronte l'armée, les milices kurdes soutenues par la coalition et les milices chiites appuyées par l'Iran.

Le commandement militaire kurde irakien a déclaré que 4.000 peshmergas prenaient part à une opération sur le front est pour chasser l'EI de plusieurs localités, une attaque coordonnée avec une offensive de l'armée de terre irakienne sur le front sud.

Dans son premier communiqué sur les opérations de Mossoul, l'armée irakienne a annoncé la destruction de plusieurs lignes de défense des djihadistes.

"Les opérations sont encore à l'extérieur de Mossoul et ne sont pas encore menées à pleine intensité", a dit Abdel Rahman Waggaa, membre du conseil provincial en exil de Ninive, dont Mossoul est le chef-lieu.

L'agence Amak, un des organes de presse de l'EI, affirme pour sa part que les djihadistes ont mené dix attaques suicides pour ralentir la progression de la coalition et que les peshmergas ont encerclé cinq villages sans parvenir à en prendre le contrôle.

LIMITER LES TENSIONS COMMUNAUTAIRES

De sources militaires turques, on indique que 1.500 rebelles formés par la Turquie dans le camp de Bachika, dans le nord de l'Irak, participent également à l'offensive.

Afin de ne pas se mettre à dos la population locale, majoritairement sunnite, les autorités irakiennes ont éloigné les milices chiites des Forces de mobilisation populaire, qui ont reçu pour mission de reprendre à l'EI la ville de Haouidja, à une centaine de kilomètres au sud de Mossoul.

"Tout cela c'est le Kurdistan", a commenté le commandant Chiban Saleh, un combattant circulant à bord d'un Humvee portant le sigle du Rojava (le Kurdistan syrien). "Lorsque nous en aurons terminé ici, nous les poursuivrons jusqu'à Rakka et partout où ils iront", a-t-il ajouté.

Quelque 450 peshmergas syriens sont engagés dans une offensive à l'est de Mossoul qui vise à reprendre neuf villages dans la journée, a précisé Chiban Saleh.

Face aux craintes de tensions communautaires, étant donné la diversité des forces engagées contre l'EI, le Premier ministre irakien a assuré dans la nuit que seules l'armée et la police irakiennes entreraient dans la ville à majorité sunnite.

"Les forces qui dirigent l'opération de libération sont la courageuse armée irakienne et les forces de police", a-t-il déclaré. "Elles entreront dans la ville, personne d'autre."

Dimanche après-midi, l'armée irakienne avait largué des dizaines de milliers de tracts sur Mossoul pour avertir les habitants d'une offensive imminente, leur conseillant d'éviter les endroits fréquentés par les djihadistes.

L'ONU DEMANDE DE L'AIDE POUR LES RÉFUGIÉS

Le Haut-Commissariat de l'Onu pour les réfugiés a lancé un appel aux dons pour faire face à l'arrivée de quelque 100.000 Irakiens qui pourraient fuir les combats.

Selon le HCR, 61 millions de dollars supplémentaires sont nécessaires pour la fourniture de tentes, de camps, de vêtements d'hiver et de poêles de chauffage pour les populations qui vont chercher refuge soit en Syrie, soit en Turquie.

Lise Grande, coordinatrice de l'aide humanitaire de l'Onu en Irak, a rapporté que l'armée irakienne avait demandé aux équipes des Nations unies de se tenir prêtes à un premier afflux de populations déplacées dans un délai de cinq à six jours.

Les forces irakiennes de sécurité, a-t-elle ajouté, assureront le transport des civils, qui seront soumis à des contrôles pour s'assurer qu'aucun djihadiste ne se dissimule parmi eux - des habitants de Mossoul ont dit ces derniers jours que des combattants de l'EI s'étaient rasé la barbe pour passer inaperçu.

Ankara, qui entend protéger les populations sunnites d'exactions des chiites, s'est dit prêt à recevoir plusieurs centaines de milliers de civils tout en affirmant que ce mouvement migratoire pourrait être évité si l'offensive est menée "correctement".

VOIR AUSSI

LE POINT sur la bataille de Mossoul

GRAPHIQUE Les positions dans le nord de l'Irak: http://tmsnrt.rs/2cMNG3q

(avec Ahmed Rasheed, Maher Chmaytelli et Stephen; Kalin à Bagdad, Michael Georgy à Erbil, Phil Stewart à Washington et Stephanie Nebehay et Tom Miles à Genève; Julie Carriat, Jean-Stéphane Brosse et Henri-Pierre André pour le service français)