par David Adams

MIAMI, 2 avril (Reuters) - La dissidente Yoani Sanchez, l'une des figures les plus célèbres de l'opposition au régime communiste à Cuba, a reçu lundi un accueil enthousiaste de la part de l'importante communauté cubaine de Miami, où elle a milité en faveur d'une unité entre exilés et Cubains de l'intérieur.

Engagée dans une tournée de 80 jours à travers plus d'une dizaine de pays, cette journaliste indépendante de 37 ans, identifiable à sa longue chevelure noire, a été accompagnée par une ovation debout et des cris de "Liberté! Liberté!" lorsqu'elle est montée sur la scène de la Freedom Tower (Tour de la Liberté) de Miami.

Apparemment surprise par cette ferveur et par l'affluence, environ un millier de personnes ayant été invitées, elle a répondu par un sourire et un V de la victoire.

Yoani Sanchez s'est attiré les foudres du régime cubain avec sa dénonciation constante du régime communiste sur son blog "Génération Y", couronné de nombreuses récompenses internationales et traduit en 20 langues. Elle utilise aussi son compte Twitter, suivi par près de 500.000 abonnés, pour dénoncer la répression.

Ce blog et ce compte Twitter ne sont toutefois guère suivis à Cuba, où le régime contrôle strictement l'utilisation d'internet.

Présentée comme une "authentique militante et héroïne" des droits de l'homme par l'hôte de la cérémonie, Eduardo Padron, président du Miami Dade College, Yoani Sanchez a exprimé en termes souvent poignants son empathie envers les Cubains ayant choisi l'exil depuis la révolution de 1959 ayant porté Fidel Castro au pouvoir.

Elle a accusé le régime castriste de diviser le pays et a lancé un appel à l'unité entre exilés et Cubains de l'intérieur, qui se déchirent régulièrement sur leurs objectifs politiques et sur les moyens de les atteindre.

"C'est la raison pour laquelle je suis ici avec vous aujourd'hui, afin que plus personne ne puisse nous diviser à nouveau", a-t-elle lancé à son auditoire, qui a bruyamment exprimé son approbation. "Sans vous (les exilés), notre pays serait incomplet, comme une personne amputée d'un membre."

MUR DE BERLIN

Yoani Sanchez a comparé Cuba à l'Allemagne de la Guerre froide. Contrairement au mur de Berlin, abattu en 1990, celui de Cuba "n'est pas fait de béton mais de mensonges", a-t-elle dit, déclenchant une nouvelle ovation debout.

Sur le sol américain, elle a renouvelé ses critiques à l'égard de l'embargo économique imposé par les Etats-Unis à Cuba. Selon elle, cet embargo fournit au régime communiste une excuse commode pour les conditions de vie difficiles sur l'île.

"Il y a des choses bien plus importantes (que l'embargo)", a-t-elle dit. "Le gouvernement (cubain) exagère son importance", a-t-elle ajouté, en regrettant que cette question divise autant les opposants au régime.

Cette tournée de Yoani Sanchez est perçue comme un test de la sincérité des réformes entreprises par le régime cubain pour faciliter les déplacements à l'étranger.

Cette dissidente n'avait plus été autorisée à quitter l'île depuis 2004, lorsque, de retour de deux années passées en Suisse, elle a commencé à diffuser ses opinions sur internet.

Les partisans du régime cubain l'accusent d'être le jouet des Etats-Unis et considèrent que sa renommée internationale a été fabriquée de toutes pièces par les services secrets occidentaux.

Interrogée lundi sur le financement de sa tournée, au cours de laquelle elle franchira l'Atlantique à plusieurs reprises pour voyager entre l'Amérique latine, les Etats-Unis et l'Europe, Yoani Sanchez a salué la générosité de ses amis et des universités qui l'ont invitée à des conférences.

"Le gouvernement cubain dit que je suis millionnaire. C'est vrai. J'ai des millions d'amis", a-t-elle dit. (Bertrand Boucey pour le service français)