par Tom Balmforth

ODESA, Ukraine, 5 juillet (Reuters) - La marine russe a dû déplacer la majorité de ses navires prêts au combat en Crimée vers d'autres ports, les attaques ukrainiennes ayant rendu inutilisable sa principale base navale, explique à Reuters le vice-amiral et commandant de la marine ukrainienne, Oleksiy Neijpapa.

Les frappes de drones et de missiles ukrainiens ont causé des dégâts importants à la base navale de Sébastopol, une plateforme logistique sur laquelle s'appuie la marine russe pour, notamment, la maintenance et les réparations de ses navires, l'entraînement de ses forces et le stockage de munitions.

"(Ces fonctions) ont été développées durant des décennies, voire des siècles. Et (les russes) sont clairement en train de perdre cette plateforme", résume Oleksiy Neijpapa lors d'un rare entretien avec Reuters à Odessa à l'occasion de la journée ukrainienne de la marine dimanche.

"Presque tous les principaux navires prêts au combat ont été éloignés de la base principale de la flotte de la mer Noire, certains à Novorossisk, d'autres dans la mer d'Azov", a-t-il ajouté.

Novorossiisk, sur la côte est de la mer Noire, n'est pas aussi bien équipé que la base de Sébastopol, d'où les missiles de croisière destinés à lancer des attaques aériennes contre l'Ukraine peuvent être chargés sur les navires russes, a précisé l'officier.

"Ils cherchent à résoudre ce problème à Novorossisk", estime Oleksiy Neijpapa qui juge qu'il s'agit du "principal problème" de la flotte russe.

Moscou s'appuie sur la marine pour mener sa guerre aérienne contre Kyiv, qui repose sur les bombardiers, les drones et les tirs de missiles depuis le sol, les navires de surface ou les sous-marins.

Oleksiy Neijpapa estime que l'Ukraine a coulé ou endommagé 27 bâtiments, cinq d'entre eux ayant été détruits par des mines sous-marines posées par des drones navals ukrainiens près de la baie de Sébastopol.

Le ministère russe de la Défense n'a pas répondu aux demandes de commentaires de Reuters.

L'Ukraine ne dispose pas de vaisseaux de guerre importants, mais a réussi à repousser les assauts de la marine russe à l'aide de missiles antinavires et de drones navals chargés d'explosifs, tout en bombardant les infrastructures portuaires de missiles Storm Shadow ou ATACM.

SUR LA DÉFENSIVE

Les vaisseaux russes sont sur la défensive, ajoute Oleksiy Neijpapa, car certains bâtiments qui ne pénétraient que rarement dans la mer d'Azov, à l'est de la Crimée, y ont élu résidence permanente.

Au 27 juin, 10 navires étaient stationnés en mer d'Azov, contre aucun en 2023, selon des données compilées par la marine ukrainienne.

Les bateaux russes s'abstiennent par ailleurs de pénétrer dans la partie nord-ouest de la mer d'Azov, une zone d'environ 25.000 km², souligne le commandant.

Le rôle de la flotte russe en mer Noire se cantonne désormais à fournir un soutien logistique, tirer des missiles de croisière Kalibr et maintenir le contrôle territorial, détaille l'officier, qui n'a pas souhaité préciser quels seraient les futurs projets de l'Ukraine dans la zone.

L'arrivée prochaine des F-16, des avions de combat construits aux Etats-Unis, permettront par ailleurs de lutter contre la "domination totale" de la Russie sur les cieux de la mer Noire, estime le vice-amiral.

"Des F-16 avec l'équipement adéquat pourront repousser les avions russes. Le nord-ouest de la mer Noire sera presque entièrement sûr, en particulier le corridor à travers lequel transitent les navires civils", anticipe Oleksiy Neijpapa.

L'Ukraine souhaite que ce corridor, qui permet l'exportation de céréales et n'inclut actuellement que trois des ports d'Odessa, soit étendu aux ports de Mykolaïv et Kherson. Cela, nuance toutefois l'officier, n'est pas possible, car la Russie contrôle la péninsule de Kinbourn, située sur la route.

Le vice-amiral précise que les navires civils sont escortés dans certaines zones par des patrouilleurs en raison des mines, tandis que les défenses antiaériennes couvrent et les ports et le corridor. (Reportage Tom Balmforth, version française Corentin Chappron, édité par Kate Entringer)