* Un engagement réaffirmé en faveur de l'accord sur le nucléaire

* Un moment critique à l'approche de l'ultimatum de Trump

* La France entend souligner sa préoccupation sur le balistique

* Le Drian évoquera le rôle de Téhéran dans les conflits régionaux

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par John Irish

PARIS, 4 mars (Reuters) - Jean-Yves Le Drian se rend lundi en Iran avec l'objectif de réaffirmer l'attachement des Européens à l'accord nucléaire de 2015, malgré l'offensive de Donald Trump, tout en rappelant Téhéran à l'ordre sur son rôle dans une région en crise et sur son programme balistique.

Le programme balistique iranien - un modèle du missile Qader a été récemment dévoilé lors du 39e anniversaire de la Révolution islamique, selon l'agence Fars - est au coeur d'une guerre des mots entre Paris et Téhéran depuis novembre, lorsqu'Emmanuel Macron s'est inquiété d'une politique balistique "non maîtrisée".

Le chef de la diplomatie française avait pour sa part déclenché l'ire des autorités iraniennes en dénonçant à l'automne leurs "tentations hégémoniques" présumées et s'est de nouveau inquiété mardi à Moscou d'"un facteur de menaces" pour les voisins de l'Iran.

Pour autant, l'Iran reste un partenaire historique de la France - une exposition sans précédent du Louvre sera inaugurée lundi au musée national de Téhéran - et les entreprises françaises (Total, Peugeot ou encore Renault ) s'attachent à reconquérir des marchés malgré l'incertitude qui pèse sur la pérennité de l'accord nucléaire.

Jean-Yves Le Drian, qui doit s'entretenir avec le président Hassan Rohani et son homologue, Mohammad Javad Zarif, compose avec cette dichotomie. Le ministre français rencontrera également deux proches du puissant ayatollah Ali Khamenei : Ali Larinjani, président du Parlement iranien, et Ali Shamkhani, secrétaire du Conseil suprême national de sécurité.

Il précise dans Le Journal du Dimanche qu'il invitera les autorités iraniennes à prendre le sujet balistique "à bras-le-corps, faute de quoi ce pays s'exposera à de nouvelles sanctions".

NI ÉMISSAIRES DE TRUMP NI AVOCATS DES IRANIENS

L'objectif, explique un diplomate, "c'est de voir les différentes autorités et les différentes sensibilités au sein du système iranien". "On ne vient pas pour se faire les émissaires de Donald Trump, ni les avocats des Iraniens, on vient pour faire valoir nos propres préoccupations."

"Le message que nous voulons faire passer, c'est que nous voulons conserver l'accord sur nucléaire parce qu'il fonctionne, il est robuste et parce que les Iraniens le respectent", ajoute-t-il.

Le président américain a accepté le 12 janvier, pour la troisième fois depuis son accession à la Maison blanche, de prolonger la suspension des sanctions économiques contre l'Iran tout en fixant un délai de 120 jours - au 12 mai - pour réviser "le pire" des accords aux autres puissances signataires.

Des discussions sont en cours entre Américains et Européens sur l'amendement du "JCPOA", que ces derniers entendent sauver.

La France estime que les "ambitions capacitaires" de l'Iran en matière balistique sont contraires à la résolution 2231 de l'Onu de juillet 2015 qui entérine l'accord sur le nucléaire iranien conclu entre Téhéran et le groupe dit des "5+1" (Chine, Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Russie et Allemagne).

La résolution 2231 enjoint notamment à l'Iran "de ne mener aucune activité liée aux missiles balistiques conçus pour pouvoir emporter des armes nucléaires, y compris les tirs recourant à la technologie des missiles balistiques".

L'Iran conteste violer le texte, affirmant qu'aucun de ses missiles n'est conçu pour porter des armes nucléaires et que ces capacités s'inscrivent dans une doctrine purement défensive.

"UN RÔLE PLUS CONSTRUCTIF"

"On a une inquiétude particulière sur les transferts de savoir-faire balistique à des acteurs régionaux, on pense évidemment au Hezbollah", souligne le diplomate français.

"Notre autre message, c’est que le comportement de l'Iran dans certaines crises régionales est déstabilisateur et on veut voir avec eux comment ils peuvent jouer un rôle plus constructif", détaille-t-il.

Le régime de Téhéran, soutien indéfectible du régime de Bachar al Assad, appui des milices chiites en Irak, des rebelles Houthis au Yémen et du Hezbollah au Liban, nie toute influence déstabilisatrice dans la région, qu'il impute aux Etats-Unis et à ses alliés saoudiens et israéliens.

"Il est impératif qu'on puisse constater des progrès sur ces sujets, qu'on ne lie pas au 'JCPOA', parce que sinon on va avoir un problème : du fait de Trump, ça risque de faire capoter l'accord", observe un autre diplomate.

L'Iran, répond un haut responsable iranien proche de Hassan Rohani, "a toujours été ouvert au dialogue et au règlement des problèmes sur des bases diplomatiques, comme il l'a fait pour le différend nucléaire".

"Mais cela ne signifie pas que nous céderons à des pressions injustes sur nos droits, qu'ils soient défensifs ou autres", prévient-il.

Jean-Yves Le Drian devait se rendre en Iran en janvier mais avait repoussé sa visite à la suite des manifestations intervenues dans le pays. Son déplacement vise aussi à préparer la venue d'Emmanuel Macron, qui a annoncé en octobre qu'il se rendrait à Téhéran en 2018. (Edité par Sophie Louet)

Valeurs citées dans l'article : Airbus SE, Peugeot, Renault, Total