Zurich (awp) - Le Tribunal fédéral a rejeté le recours de deux entreprises tessinoises qui s'étaient vu imposer un contrat type de travail (CTT) en lieu et place d'une convention collective (CCT) qu'elles souhaitaient mettre en place et qui leur aurait permis de contourner la loi sur les salaires minimaux qui entre en force ce mercredi dans le canton italophone.

Les fabricants d'appareils électriques Cebi Micromotors et Ligo-Electric, affiliés à Ticino Manufacturing, une faîtière créée peu de temps auparavant, avaient déposé recours contre un décret du Conseil d'État tessinois imposant un CTT pour la branche, entré en vigueur le 1er juillet jusqu'à fin 2023.

"Le CTT représente un acte normatif obligatoire auquel il n'est pas possible de déroger et qui prime sur les accords contractuels entre particuliers qui fixent des salaires inférieurs", a expliqué dans les colonnes du Corriere del Ticino (CdT) le directeur de la division de l'économie, Stefano Rizzi.

Et la différence est de taille, puisque la CCT négociée par les membres de Ticino Manifacturing avec le "syndicat" TiSin, également créé pour l'occasion et financé par les entreprises, prévoit un salaire minimal de 16,00 francs suisses de l'heure, contre 19,50 francs suisses pour le CTT.

Selon Stefano Rizzi, les entreprises de la branche concernée devront appliquer les salaires prévus dans le CTT, "par contre, toutes les autres dispositions de la CCT, comme les vacances et les jours de repos, restent valables".

Partenaires sociaux de circonstance

Les syndicats historiques (Unia et OCST) étaient montés au créneau en septembre contre la CCT élaborée par TiSin et Ticino Manufacturing, dénonçant une manoeuvre destinée à contourner la loi sur les salaires minimaux entrée officiellement en vigueur au 1er janvier, mais dont qui déploie ses effets contraignants au 1er décembre.

Comme les défenseurs des travailleurs l'avaient alors prédit, de nouvelles entreprises ont adhéré à la CCT décriée. "Quatre autres entreprises ont signé ces derniers jours une convention collective avec le syndicat autoproclamé" TiSin, a indiqué Vincenzo Cicero, responsable Unia du secteur industrie pour le Tessin.

Aux deux entreprises précitées et à Plastifil, membres fondateurs de Ticino Manufacturing, sont venus se joindre Ideal-Tek et Gipienne (Balerna), ainsi que Tecnomatic et Tecnomec (Stabio), pour un total de plus d'une centaine de salariés, selon le syndicaliste.

"Ce qui se passe est d'une gravité sans précédent", a commenté Giorgio Fonio, secrétaire régional de l'OCST pour la région de Mendrisio, dénonçant des "méthodes grossières" destinées à "cautionner la sous-enchère salariale". Selon lui, il s'agit d'une attaque violente contre la partie la plus précaire et la plus faible de la population active.

Stefano Modenini, directeur de l'Association des industries tessinoises (Aiti), note de son côté que "l'arrêt du Tribunal fédéral (...) clarifie d'une part un point controversé, mais ne résout pas toutes les questions", et n'hésite pas à parler de "terrain miné", dans la mesure où la Constitution fédérale ne permet pas la fixation des salaires, qui relève de la responsabilité des partenaires sociaux.

Le patron de la faîtière établie signale qu'il y aura des entreprises soumises à un CTT qui proposeront des salaires plus élevés pour le personnel non qualifié, comparables à d'autres entreprises et d'autres secteurs soumis à une CCT mais avec des salaires plus bas.

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