Le géant français de l'électricité EDF a perdu mercredi son appel d'offres pour la construction d'au moins deux nouveaux réacteurs nucléaires en République tchèque, un coup dur pour le seul constructeur européen de centrales nucléaires à un moment critique pour l'entreprise.

Le projet, remporté par le coréen KHNP, aurait été le premier contrat pour EDF depuis Hinkley Point en Grande-Bretagne en 2016, et un vote de confiance après avoir été pénalisé par des retards et une flambée des coûts sur des projets dans le pays et à l'étranger.

Mais ses récents résultats et son pari sur une technologie nouvelle et non testée lui ont coûté un nouveau projet important et probablement d'autres à l'avenir.

"Nous comptions sur ce projet pour donner de la crédibilité à notre offre à l'échelle européenne", a déclaré une source d'EDF, qui a refusé d'être identifiée en raison du caractère sensible de la question.

"Malheureusement, la réalité des coûts l'a emporté sur la rhétorique politique, et le message envoyé au reste de l'Europe n'a pas été celui que nous espérions.

EDF a déclaré dans un communiqué qu'elle était prête à relancer les discussions avec le gouvernement tchèque si le processus d'appel d'offres était modifié dans les semaines à venir.

UN AIRBUS NUCLÉAIRE ?

EDF compte sur un regain d'intérêt de l'Europe pour l'énergie nucléaire dans le cadre d'une réserve potentielle de nouveaux projets, alors que la région cherche à renforcer son indépendance énergétique à la suite de la guerre en Ukraine et à réduire ses émissions de carbone.

L'entreprise française avait proposé d'impliquer des fournisseurs tchèques dans les nouveaux réacteurs, en construisant une chaîne d'approvisionnement européenne pour les projets futurs, surnommée un "Airbus du nucléaire" par le président français Emmanuel Macron lors d'une visite à Prague en mars.

Mais le triste bilan d'EDF pèse lourd.

Son projet de Flamanville a été retardé de plus d'une décennie, avec des coûts qui sont passés de 3 milliards d'euros prévus à 13,2 milliards d'euros à la fin de 2022.

De même, Hinkley Point C devrait démarrer en 2029, des années après l'objectif de 2017.

Ni EDF ni KHNP n'ont commenté les coûts de leurs offres. Une autre source chez EDF a qualifié l'offre concurrente de "bon marché".

KHNP a également battu EDF lors d'un appel d'offres lancé en 2009 pour la construction de quatre réacteurs aux Émirats arabes unis.

"Les Coréens avaient beaucoup d'atouts, notamment en termes de prix et de preuve de concept, avec Abu Dhabi qui fonctionne bien", a déclaré Nicolas Goldberg, directeur associé de Colombus Consulting, basé à Paris.

EDF a proposé un nouveau modèle de réacteur qui n'a pas encore été testé, ce qui constitue un "véritable pari", selon lui.

Le Premier ministre tchèque, Petr Fiala, a déclaré que l'offre coréenne était meilleure pour la quasi-totalité des critères évalués.

UN AVENIR INCERTAIN

Les projets tchèques, qui précèdent les six nouveaux réacteurs prévus par le président Macron dans son pays, auraient aidé EDF à accroître son efficacité et à réduire ses coûts.

Ils auraient également positionné l'entreprise au cœur de l'Europe de l'Est, une région dotée d'une industrie lourde gourmande en énergie, qui doit se décarboniser et se tourne vers l'énergie nucléaire.

Mais ils représentaient pour l'entreprise récemment nationalisée un défi que certains au sein de l'entreprise estimaient ne pas être prêts à relever, compte tenu des problèmes actuels de capacité industrielle, a déclaré la deuxième source d'EDF.

"C'était trop tôt", a déclaré cette personne.

Le ministère français des finances s'est refusé à tout commentaire.

Selon M. Goldberg, le rôle d'EDF à l'étranger suscite désormais de sérieuses interrogations.

L'entreprise a perdu en 2022 lorsque la Pologne a choisi Westinghouse plutôt qu'EDF pour une centrale sur la mer Baltique.

"Serons-nous vraiment en mesure d'exporter ? Il y a encore un grand point d'interrogation à ce sujet", a déclaré M. Goldberg.