* Le monastère accueille les manifestants depuis le début du mouvement

* Il appartient à une Eglise orthodoxe proche de la contestation

* Des dizaines de blessés sont soignés par des médecins

par Matt Robinson

KIEV, 19 février (Reuters) - Sous les icônes et les cierges du monastère de Saint-Michel-au-Dôme-d'Or, les blessés des affrontements entre manifestants et forces de l'ordre à Kiev reposent leurs corps ensanglantés et bandés.

Alors que les heurts ont fait au moins 26 morts dans la capitale ukrainienne et que la sécurité d'Etat a annoncé le lancement d'une "opération antiterroriste" (voir ), les blessés continuent à demander refuge sous l'imposant clocher doré.

Tandis que des médecins soignent des patients allongés dans une annexe du monastère, les portes principales ne cessent de voir passer des gens chargés de bouteilles d'eau, de pain et de jambons. D'autres trient de l'iode, des pansements et de la gaze envoyés par des habitants de Kiev.

Saint-Michel-au-Dôme-d'Or se situe non loin de la place de l'Indépendance, où les forces de l'ordre ont lancé mardi un assaut contre les manifestants, dont le mouvement a été déclenché en novembre par le refus du président Viktor Ianoukovitch de signer un accord d'association avec l'Union européenne (UE), au profit d'un rapprochement avec la Russie, l'ancienne puissance tutélaire du temps de l'URSS.

"Les hommes sont sur les barricades, nous voulons simplement aider", dit Ioulia, une avocate présente dans le monastère. "Je ne peux pas travailler dans ce pays, tout se résume à la corruption, elle est partout et j'en ai assez."

Depuis le début de la contestation, les manifestants, dont certains craignent d'être arrêtés s'ils se rendent dans des hôpitaux publics, bénéficient de la protection des murs bleu ciel et blancs du monastère. Cet établissement appartient à la branche de l'Eglise orthodoxe fidèle au patriarcat de Kiev, partisan d'une plus grande indépendance face à l'influence russe.

HISTOIRE RICHE EN TROUBLES

Le rôle du monastère reflète les rapports entre la géopolitique ukrainienne et les divisions religieuses complexes du pays, dont l'Ouest pro-européen est majoritairement catholique, alors que les orthodoxes sont divisés en trois branches.

En dehors de celle qui dépend du patriarcat de Kiev, l'une de ces branches est fidèle au patriarcat de Moscou, très lié au gouvernement du président Vladimir Poutine, et elle est restée en Ukraine très prudente face aux manifestations. La troisième, dite autocéphale, n'appartient à aucune des deux autres structures.

À Kiev, le monastère Saint-Michel-au-Dôme-d'Or, dont les portes sont désormais gardées par un homme armé d'un marteau et plusieurs compagnons, connaît un nouvel épisode d'une histoire riche en troubles, alors que des prêtres continuent à le parcourir en gardant le silence face aux journalistes.

Il y a huit siècles, le site a accueilli des réfugiés qui fuyaient les envahisseurs tatars et mongols. Dans les années 1930, sous la domination soviétique, il a été détruit comme de nombreux autres bâtiments religieux, par ordre de Joseph Staline.

C'est seulement après l'indépendance ukrainienne en 1991 qu'a pu être restauré cet établissement qui accueille aujourd'hui des dizaines de blessés, au lendemain des affrontements les plus violents depuis la fin de l'ère soviétique. (Julien Dury pour le service français)