par Stephen Brown et Barry Moody

BERLIN/ROME, 28 février (Reuters) - En visite en Allemagne, le chef de l'Etat italien, le président Giorgio Napolitano, a cherché jeudi à relativiser le blocage issu des élections parlementaires du week-end qui laisse la Péninsule dans le brouillard politique.

Pour le chef de l'Etat, les partis politiques doivent bénéficier du temps prévu par la Constitution pour former un nouveau gouvernement.

Il a estimé que l'incertitude politique ne représentait pas un risque plus général pour la stabilité en Europe. Giorgio Napolitano a rappelé que la Constitution italienne prévoyait que le nouveau Parlement se réunisse pour la première fois vingt jours après le scrutin, qui a eu lieu les 24 et 25 février.

"Je ne vois pas comment cela pourrait être accéléré. Mais il est important de dire que l'Italie n'est pas sans gouvernement. Il y a un gouvernement en place jusqu'à ce que le nouveau entre en fonctions", a-t-il insisté.

"Je ne vois aucun risque de contagion (en Europe). Pour qu'il y ait contagion, il faut qu'il y ait maladie et, à ce moment précis, nous se sommes pas malades", a dit encore le président italien lors d'une conférence de presse commune avec son homologue allemand, Joachim Gauck.

L'Italie, troisième économie de la zone euro, est toujours parvenue, dans une histoire riche en instabilité politique, à trouver une solution mais cette fois-ci, deux possibilités s'offrent et aucune ne paraît facile.

La première consisterait à former un gouvernement piloté par le centre gauche de Pier Luigi Bersani, dont le Parti démocrate (PD) et ses alliés disposent d'une majorité à la Chambre des députés, mais pas au Sénat. Ce gouvernement bénéficierait du soutien du M5S de l'ancien humoriste Beppe Grillo, un électron libre dont l'ampleur du succès électoral a surpris et qui est désormais l'arbitre du jeu politique transalpin.

GRILLO, ELECTRON LIBRE ET ARBITRE

Deuxième option: une alliance entre les deux blocs de droite et de gauche, appelée "governissimo", entre le Peuple de la liberté (PDL) de Silvio Berlusconi, dont le retour politique a également étonné, et le PD de Pier Luigi Bersani.

Beppe Grillo a cependant rejeté la première hypothèse, et la seconde se heurte à une vive résistance dans les rangs du centre gauche.

Le petit allié écologiste du PD, Nichi Vendola, chef de Gauche-Ecologie-Liberté (Sel), a d'ores et déjà écarté une alliance avec l'ancien président du Conseil, éclaboussé par des scandales judiciaires et des affaires de moeurs.

Depuis le scrutin, le "Cavaliere", qui est âgé de 76 ans, est resté étonnamment discret mais on dit qu'il préférerait s'allier avec Pier Luigi Bersani, un ancien communiste, pour rester dans le jeu politique.

"L'ombre d'une incertitude inéluctable plane au-dessus des deux scénarios", résume d'une formule Massimo Franco, un observateur respecté de la vie politique italienne.

Pour compliquer les choses, Beppe Grillo a fait savoir qu'il ne voterait pas la confiance à un quelconque gouvernement, mais pourrait apporter son soutien ponctuel, au cas par cas, au Parlement.

Il semble parier sur un discrédit des partis traditionnels de droite et de gauche au sein d'un "gouvernement de grande coalition", qui déboucherait sur de nouvelles élections lui donnant une victoire encore plus éclatante. L'ancien clown parie sur un "governissimo" d'une durée inférieure à un an avant de devoir retourner devant les électeurs.

Pour compliquer les choses, Giorgio Napolitano doit quitter le palais du Quirinal à la mi-mai au terme de son mandat, ce qui ajoutera aux incertitudes politiques. (Avec James Mackenzie à Rome, Pascal Liétout et Jean-Loup Fiévet pour le service français, édité par Danielle Rouquié)