(Avec précisions, commentaire, contexte)

par Yoruk Bahceli

19 janvier (Reuters) - Le rendement des obligations d'Etat allemandes à dix ans, référence pour l'ensemble de la zone euro, est remonté mercredi au-dessus de zéro, un basculement qui préfigure l'arrêt de la politique monétaire ultra-accommodante de la Banque centrale européenne (BCE) combinant taux négatifs et achats massifs de titres, un mouvement que l'inflation pourrait accélérer.

Le rendement du Bund allemand à dix ans est monté à 0,025% en début de séance avant de revenir à 0,008%, contre -0,017% en fin de séance la veille.

La remontée des rendements des emprunts d'Etat européens comme américains, à l'oeuvre depuis plusieurs semaines, s'est amplifiée ces derniers jours, les investisseurs misant désormais sur une première hausse des taux de la Réserve fédérale dès le mois de mars, soit plus tôt qu'anticipé auparavant.

Les marchés se préparent parallèlement à l'arrêt des achats d'obligations de la BCE, prévu fin mars et perçu comme une nouvelle étape vers la hausse de ses taux directeurs.

Pour Gareth Hill, gérant de Royal London Asset Management, le retour du rendement à dix ans allemand en territoire positif reflète ainsi ce resserrement à venir de la politique de la BCE.

"Le franchissement de cette barrière du zéro traduit vraiment l'évolution à venir de la situation, avec une hausse générale des rendements", a-t-il dit.

Le rendement des titres allemands à dix ans a augmenté de plus de 30 points de base depuis le début du mois de décembre. Celui des OAT françaises de même échéance a parallèlement bondi de près de 40 points sur la même période pour dépasser mercredi 0,4%.

Selon les données de Refinitiv, tous les rendements de référence à dix ans sont désormais positifs.

POUSSÉE INFLATIONNISTE

Cette remontée s'explique aussi par le niveau record de l'inflation dans la zone euro et par la reprise de l'activité après la crise du coronavirus, un contexte qui pousse la BCE à réduire son soutien à l'économie.

Elle traduit aussi l'évolution des anticipations de marché en matière de taux directeurs: dans la zone euro, elles intègrent désormais une hausse de 10 points de base des taux de la BCE dès le mois de septembre et un deuxième relèvement en décembre.

Ces anticipations sont loin de correspondre aux indications données jusqu'à présent par les dirigeants de l'institution de Francfort, qui ne prévoient aucune hausse de taux cette année. Mais les marchés sont influencés par la situation aux Etats-Unis, où la Réserve fédérale pourrait entamer dès mars le relèvement de ses propres taux directeurs et procéder à quatre hausses au total en 2022.

La Fed se prépare aussi à réduire son bilan, qui représente plus de 8.000 milliards de dollars après des années d'achats massifs de Treasuries et de prêts immobiliers titrisés.

La BCE, elle, doit mettre fin en mars au Programme d'achats d'urgence face à la pandémie (PEPP) lancé au printemps 2020, ce qui réduira fortement ses achats d'obligations sans y mettre fin.

Le montant global des émissions de dettes des Etats de la zone euro devrait ainsi dépasser celui des achats de la banque centrale pour la première fois depuis 2019. (Reportage Yoruk Bahceli, avec Dhara Ranasinghe; version française Marc Angrand, édité par Blandine Hénault)