L'analyse par Reuters des plans sociaux présentés par 29 des plus grands noms du marché montrent que les suppressions de postes touchent bien davantage l'Europe que l'Asie ou les Etats-Unis, et plus particulièrement encore le Royaume-Uni, où la finance pèse pour environ 10% de l'activité économique globale.

Le chiffre de 160.000 postes supprimés constitue sans doute une estimation basse, nombre d'établissements de taille inférieure et de courtiers ayant eux aussi réduit leurs effectifs, voire mis la clé sous la porte, tandis que de grandes banques n'ont pas encore précisé les plans qu'elles envisagent.

Le groupe allemand Commerzbank s'est ainsi refusé ces derniers jours à confirmer les informations évoquant son intention de supprimer 6.000 emplois.

Les plans annoncés depuis le début 2011 s'ajoutent à l'impact sur les effectifs de la crise financière de 2008-2009: au total, les 29 banques étudiées ont supprimé un chiffre net de 83.700 postes depuis 2009, soit le solde entre 167.200 départs et 83.500 recrutements.

La baisse marquée des volumes d'activité dans certains domaines, comme le courtage, et l'impact du durcissement de la réglementation financière devraient inciter les groupes concernés à réduire encore leur présence sur le marché de la banque d'investissement, un virage qui, pour certains, est un élément de leur survie.

"C'est à la fois une évolution structurelle et une réponse aux cycles de marché. Le marché compte encore trop de courtiers", estime Zaheer Ebrahim, du cabinet de recrutement Kennedy Group.

La banque suisse UBS a annoncé le mois dernier 10.000 suppressions de postes supplémentaires, qui viendront s'ajouter aux 3.500 décidées l'an dernier. Elle a dit vouloir sortir complément de la majeure partie de ses activités liées aux marchés des taux et de la dette.

"300.000 EMPLOIS EN TROP DANS LA BANQUE DE DÉTAIL"

Si les activités de marché souffrent davantage, le segment de la banque de détail n'est pas pour autant épargné, notamment dans les pays où le ralentissement économique est marqué. En France, par exemple, des dirigeants du secteur s'attendent à une poursuite de la baisse des revenus.

"Il y a encore 300.000 emplois à plein temps en trop chez les principaux acteurs des services financiers en Europe", estime Caio Gilberti, du cabinet de conseil AlixPartners. Il précise que la suppression de ses emplois réduirait de plus de 20 milliards d'euros la base de coûts globale des banques.

Pour les salariés concernés, le départ s'annonce de plus en plus comme un adieu définitif au secteur, car la probabilité de trouver un emploi équivalent chez un concurrent de son ex-employeur est bien mince, soulignent les professionnels de la banque comme du recrutement.

Seule une petite proportion des partants peut espérer se reclasser dans un fonds d'investissement, un domaine qui continue de recruter des traders qualifiés et expérimentés.

Les spécialistes des fusions-acquisitions sont à leur tour concernés alors que les commissions générées par ce type d'opération a chuté de 21% dans le monde sur les neuf premiers mois de l'année, à 13,9 milliards de dollars, selon les données Thomson Reuters.

La vague touche également les plus hauts salaires comme les banquiers d'investissement "senior" ayant le titre de "directeur exécutif" (managing director ou MD) dont la rémunération de base peut fréquemment atteindre 350.000 livres sterling (435.000 euros).

"Au niveau MD, il est plus difficile d'accepter un poste inférieur et les motivations et l'ambition ne sont pas les mêmes que chez de jeunes banquiers tout juste diplômés", explique Zaheer Ebrahim.

Certains professionnels ayant connu les années fastes d'avant la crise préfèrent ainsi quitter définitivement de grandes banques pour s'installer en indépendant, comme consultant par exemple.

Marc Angrand pour le service français, édité par Benoît Van Overstraeten

par Sarah White