Le marché du livre 

Le livre en papier domine le secteur avec 73% de part de marché en 2023, grâce à son caractère intemporel et "vintage", surtout apprécié dans les domaines de la littérature et du développement personnel. Les inquiétudes relatives à la santé oculaire favorisent sa position, et nonobstant la révolution numérique, le livre imprimé fait figure de bastion de résistance pour les produits traditionnels.

Pour autant, la transition numérique est davantage perçue comme un vecteur de croissance que comme une menace pour les maisons d'édition. Les librairies, qui conservent une part de marché de 50% en 2023, restent le cœur battant du monde du livre et un élément essentiel de l'expérience littéraire pour les amateurs. L'essor des formats numériques et audio offre une accessibilité accrue, en particulier dans le secteur de la presse, où les revenus numériques ont grimpé de 58% depuis 2019. Les segments du livre électronique et de l'e-commerce devraient connaître des taux de croissance annuels moyens de 4% et 8,6% au cours de la prochaine décennie.

Le marché mondial du livre (de l’édition de manière globale) pèse environ 100 Mds USD en 2023 selon les études. Les Etats-Unis s'imposent comme cheville ouvrière avec une part de marché d’environ 25%. La diversité des catégories rend difficile pour une entreprise, seule, de s’imposer comme un acteur dominant.

Avec un marché saturé et un faible taux de croissance prévu à 1,6% par an jusqu'en 2029, les maisons éditoriales sont confrontées à un choix : se diversifier ou être absorbées par un géant des médias. La concurrence est également prépondérante dans le secteur, dans la mesure où les auteurs privilégient des éditeurs renommés et bien implantés dans les points de vente et qui disposent de liquidités suffisantes pour financer la production et la promotion des livres.

Durant la dernière décennie, le marché du livre a connu des fluctuations tachycardiques. La hausse des prix et l’émergence de nouveaux moyens de divertissement, comme le streaming, posent un risque récalcitrant pour le secteur. Le marché est fortement corrélé aux tendances actuelles. Pendant la pandémie de Covid-19, les éditeurs ont fonctionné à capacité réduite en raison de la fermeture des librairies, ce qui a entravé le potentiel de croissance malgré une forte demande de loisirs durant le confinement, entraînant une perte annuelle de 8% pour l’industrie mondiale du livre en 2020.

En dépit d’une reprise de 5% en 2021 grâce à la normalisation des calendriers de production et à la satisfaction de la demande accumulée, ce rebond a été de courte durée. L’inflation de l’année suivante a refroidi la croissance, entraînant des pertes de revenus de 6% dans tout le secteur éditorial, reflétant ainsi la cyclicité du marché.

À l’avenir, l’alphabétisation continue, principalement dans les pays émergents, et l'amélioration de l'accès à l’éducation constituent des relais de croissance importants pour l'industrie. 

La question de l’IA demeure aussi prépondérante. Cette technologie, riche en données et facilement accessible, supplante les encyclopédies et les dictionnaires traditionnels. Elle remue également le rôle des enseignants, qui devront à l’avenir s’adapter, peut-être en passant d’un rôle d’instructeur à celui de facilitateur de pensée.

Pour les entreprises éditoriales qui savent s’adapter, l’IA représente une opportunité de croissance, notamment en matière de personnalisation de contenus et de recommandations. Toutefois, elle présente aussi des écueils, sur les questions éthiques concernant les droits d'auteur et la qualité du contenu généré par l'IA.

Dans la prochaine partie de ce papier, nous nous concentrerons sur les différentes typologies de livres et les principaux acteurs impliqués à travers le monde.

Segment des livres éducatifs : Obsolescence des ouvrages

Le segment des livres éducatifs constitue la part du lion dans le secteur du livre, en particulier aux États-Unis, où il représente 32% des revenus totaux du marché de l'édition. La croissance démographique et l'augmentation des inscriptions dans l'enseignement alimentent ce segment. Toutefois, l'obsolescence des ouvrages dans les écoles et les universités, la concurrence des livres d'occasion et les dynamiques de fusions et acquisitions entre les différents acteurs bloquent la croissance du secteur.

Le marché est fortement dominé par des entreprises anglo-saxonnes, qui bénéficient de la généralisation de l'anglais dans l'enseignement à travers le monde, ainsi que de l'anglicisation progressive dans les pays à forte croissance démographique, principalement en Asie-Pacifique.

Pearson, une référence

Parmi les grands acteurs cotés en bourse on trouve Pearson PLC basé à Londres, avec une capitalisation de 6,3 Mds GBP. Initialement spécialisé en ingénierie aéroportuaire et d'infrastructures au milieu du 19ème siècle, Pearson a pivoté en 1957 pour se concentrer sur l'édition par le biais d’une succession d’acquisitions. En l'espace de 40 ans, le groupe est devenu un “serial acquirer”, en réalisant plus de 11 acquisitions majeures dans le secteur éditorial et scolaire.

Depuis les années 2000, Pearson s'est solidement implanté dans le secteur des livres scolaires et de l'enseignement supérieur, tout en diversifiant ses activités au-delà de l'édition. Aujourd'hui, le groupe se spécialise aussi dans l'apprentissage numérique avec une école en ligne, propose des tests d'anglais pour les établissements universitaires, des certifications professionnelles et développe Faethm AI, un SaaS prédictif basé sur l'intelligence artificielle pour aider les entreprises à planifier leurs besoins en main-d'œuvre future. A l’avenir, elle compte adopter l’IA comme une partie essentielle dans tous les aspects de son écosystème d’enseignement supérieur.

Côté finance, l’entreprise semble retrouver des couleurs depuis 2020 après une longue période de dégringolade financière. Bien que modeste, la croissance moyenne (CAGR) simultanée du chiffre d'affaires, de l'EBITDA et du résultat net a atteint respectivement 2,6%, 7,6% et 6,8% jusqu'en 2023. 

Les perspectives pour les trois prochaines années sont plus prometteuses, avec des prévisions de croissance de 9%, 16% et 22% pour ces indicateurs respectifs. Ces progrès traduisent nettement le succès de la diversification de l'offre de Pearson, avec le segment des livres qui ne représentant plus qu'une part marginale de 22% de son chiffre d'affaires.

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Performance du cours 10 dernières années : -15% - Année en cours : -1.3%

Les autres éditeurs éducatifs côtés en bourse

D’autres acteurs cotés en bourse sont également impliqués dans ce segment, et évoluent presque tous au même rythme de croissance que Pearson : 

Scholastic Corporation : Éditeur de livres pour enfants coté à Wall Street avec une capitalisation de 1 milliard USD. Le chiffre d'affaires du groupe se répartit à 61% en romans pour enfants et 23% en livres scolaires.

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Performance du cours 10 dernières années : +6% - Année en cours : -8%

Promotora de Informaciones : Éditeur grand public basé à Madrid avec une capitalisation de 383 millions EUR. Le chiffre d'affaires du groupe se divise en 54% pour les livres éducatifs (via Santillana) et 46% pour les médias (journaux et radios). L’entreprise génère 36% de ses revenus en Espagne et le reste en Amérique du Sud.

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Performance du cours 10 dernières années : -97% - Année en cours : +33,4%

Sanoma OYJ : Basée en Finlande, Sanoma a une capitalisation boursière de 1,18 milliard EUR. Elle génère 57% de son chiffre d'affaires dans le segment de l’apprentissage (via Sanoma Pro) et 43% dans les médias (radio, télévision, magazines et journaux).

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Performance du cours sur 10 ans : +23% - Année en cours : -4,5%

Bloomsbury Publishing : Maison d’édition indépendante basée à Londres avec une capitalisation boursière de 500 millions GBP. Le chiffre d'affaires du groupe se répartit à 41% en livres pour enfants, 29% en livres académiques, et le reste en littérature. L’entreprise génère 48% de ses revenus en Amérique du Nord, 28% au Royaume-Uni, et le reste à l'international.

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Performance du cours 10 dernières années : +275% - Année en cours : +28%

La grande presse : Une vieille lune

Au cours de la dernière décennie, le secteur de l'édition de journaux, qu'ils soient sous format papier ou numérique, a connu une spirale baissière quasi constante. 

L'évolution du paysage médiatique, marquée par l'émergence de médias en ligne, de plateformes vidéo et de podcasts, offre des alternatives souvent gratuites qui séduisent le grand public, en particulier les jeunes, dont la plupart n'ont jamais feuilleté un journal papier.

Face à cette mutation, les éditeurs de journaux ont massivement migré vers le numérique, reléguant la version papier aux nostalgiques des mots croisés à l'ancienne.

Aujourd’hui, les maisons de presse restent largement tributaires des abonnements consommateurs et sont à la merci des cycles économiques. Pour maintenir la barque, elles sont amenées à se démarquer par plus de pertinence et de profondeur dans leurs contenus, aussi par un ciblage plus large et d'une internationalisation du lectorat. Elles doivent également renforcer le taux d'engagement de leurs abonnés. L'intelligence artificielle peut s'avérer pertinente dans ce contexte, notamment via des chatbots, pour affiner les recommandations. 

En outre, notons qu'au-delà d'être un outil d’information, le journal est également un moyen de divertissement. Les éditeurs de journaux ont donc besoin d'événements d’envergure dont l’impact s’étend dans la durée (élections, événements sportifs..) et qui nécessitent de grands moyens de couverture pour optimiser leur portée auprès du public.

The New York Times : La voix éditoriale de l'Oncle Sam

Depuis sa création en 1891 jusqu'à aujourd’hui, The New York Times s’est bâti une solide réputation avec ses nombreuses couvertures médiatiques et enquêtes. De nos jours, le Times se positionne comme un des éditeurs de journaux les plus mythiques, reconnu tant sur la scène américaine qu'internationale.

A ses débuts, le modèle d'affaires du Times, à l’instar de son secteur, reposait principalement sur la vente de journaux imprimés et de “petites annonces”. Ces dernières sont des publicités succinctes tarifées à la ligne ou au mot, et constituaient une source de revenus traditionnelle pour les éditeurs de journaux. Cependant, depuis l’avènement du numérique et des sites web dans les années 90, ce modèle a été mis en péril. Face au changement, le groupe a dû s'adapter en développant son propre site internet et en migrant progressivement vers le numérique.

Aujourd'hui, le New York Times se présente comme une vaste bibliothèque d'archives numérisées, notamment grâce à un partenariat stratégique avec Google initié en 2018. Son offre éditoriale s'est également étoffée et diversifiée. Outre son cœur de métier journalistique, le groupe propose des produits variés : "The Athletic" dédié au sport, "Games" pour les jeux en ligne, "Cooking" qui partage des recettes de cuisine depuis 1940, et "Audio", un service de lecture vocale. 

Sur le plan financier, la capitalisation boursière du groupe atteint aujourd'hui 8,7 milliards USD. Son chiffre d'affaires affiche une croissance annuelle moyenne (CAGR) de 5% entre 2014 et 2023, une tendance similaire observée pour son EBITDA. Les abonnements constituent 64% de ses revenus, tandis que la vente d'espaces publicitaires représente 20%.

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En dépit d’une maturité de la croissance, le Times a su faire preuve d’ipséité dans le secteur de la presse éditoriale, et s’impose aujourd’hui comme une icône dans le journalisme international.

Performance du cours 10 dernières années : +224% - Année en cours : +3%

Deux éditeurs européens 

TX Group AG : Un éditeur basé en Suisse affiche une capitalisation boursière de 1,7 MDS CHF.

Ses deux segments centrés sur l’activité de la presse éditoriale sont “Tamedia” - le plus grand réseau éditorial en Suisse, et “20 minuten” - média suisse de la jeunesse urbaine. Les deux représentent 55% de son chiffre d’affaires. Le groupe est également engagé en tant qu’investisseur dans le secteur de la fintech via “TX Ventures” (7,6% du CA), et vendeur de publicité dans les différents canaux médiatiques (télé, radio, presse écrite) via Goldbach (23.5% du CA).

Ses revenus évoluent sur la pente horizontale à des fluctuations erratiques, avec un CAGR de -1.3% entre 2014 et 2023.

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Performance du cours 10 dernières années : +41% - Année en cours : +34%

Reworld Media: Leader français des médias thématiques présent dans 14 pays, avec une capitalisation boursière de 142,5 MEUR.

L’offre du groupe est riche d’un portefeuille de 81 marques multi-supports et multiformats (web, magazines, vidéos, audio, TV thématiques et évènements) génératrices d'audiences dans 12 univers thématiques (Maison & Travaux, Marie France, Grazia, Auto Plus, Science & Vie, Gourmand, Top Santé, Télé Magazine, etc.).

Le groupe combine son activité de média (44% du CA), à une activité d’expert en marketing digital B2B (56% du CA).

Reworld affiche un CAGR considérable de 32% entre 2014 et 2023.

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Performance du cours 10 dernières années: +102% - Année en cours : -28%

Les éditeurs pour les pros

L’évolution constante de la sphère économique, des réglementations fiscales et des normes comptables crée un besoin crucial pour les professionnels en matière de contenus informatifs, d’assistance à la conformité et au développement. De nombreux éditeurs professionnels évoluent en accord avec ce besoin. 

Pour la plupart d’entre eux, l’édition de livres imprimés ne représente plus qu’une part marginale de leurs revenus. Les avancées technologiques, notamment les solutions logicielles et l’intelligence artificielle - avec 73% des professionnels qui prévoient de l’intégrer dans leur travail d'ici 2025 - représentent désormais les principaux moteurs de croissance.

Parmi les éditeurs professionnels les plus connus et cotés en bourse, on retrouve :

Wolters Kluwer : Saga boursière impeccable

Éditeur d’informations et de solutions logicielles pour les professionnels, basé aux Pays-Bas. Avec ses 21 400 employés et sa présence dans plus de 40 pays, l’offre du groupe se répartit en cinq divisions principales :

Santé (27% des revenus) : Abonnements pour des recherches cliniques et solutions digitales de référencement et de conformité dans le domaine médical.

Comptabilité et fiscalité (26% des revenus) : Solutions cloud et logicielles pour l’audit, la conformité fiscale et la gestion comptable.

Finance et Conformité, Droit, et ESG : représentent respectivement 18%, 16%, et 12% de l’activité pour des produits similaires.

Sur le plan financier, Wolters Kluwer affiche une capitalisation boursière avoisinant les 36 milliards d'euros, soutenue par une activité très technologique. Les abonnements pour ses solutions logicielles représentent 74% de son chiffre d’affaires total, tandis que les livres imprimés ne représentent plus que 5%. 

Le chiffre d’affaires et l’EBITDA du groupe ont une croissance moyenne annualisée (CAGR) de 4,5% et 8% respectivement entre 2014 et 2023.

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Performance du cours 10 dernières années : +590% - Année en cours : +18,5%

Informa, un acteur hybride

Éditeur suisse coté à Londres, avec une capitalisation boursière de 11,4 milliards de livres sterling. Informa est spécialisée dans l'événementiel inter-entreprises ainsi que dans l'édition de livres scientifiques et professionnels. Présent dans une quarantaine de pays, son activité s’organise autour de quatre divisions principales :

  • Informa Markets (50% du CA) : Organisation de salons d’expositions inter-entreprises.
  • Taylor & Francis (19,4% du CA) : Plateforme mondiale de livres électroniques dans les domaines des sciences, de la technologie, de la médecine, et des sciences humaines et sociales.
  • Informa Connect (18,2% du CA) : plateforme d'événementiel et de réseautage en ligne pour professionnels de divers domaines.
  • Informa Tech (12,4% du CA) : Plateforme B2B fournissant des insights de marché et des services de marketing digital dans le domaine technologique.

Le chiffre d’affaires d’Informa connaît une croissance moyenne annuelle (CAGR) de 11,8%, et l’EBITDA affiche une croissance encore plus forte avec un CAGR de 16,2%.

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Performance du cours 10 dernières années : +70% - Année en cours : +8,3%

RELX : Mastodonte du risque, du droit et de la santé

RELX est un éditeur multinational basé à Londres, avec une capitalisation boursière de 66,6 Mds GBP.

Le groupe fournit des outils analytiques et des informations destinés aux clients professionnels et commerciaux via ses plateformes logicielles et algorithmes avancés (LexisNexis, PatentSight, ScienceDirect, etc.), qui hébergent et traitent de grandes quantités de documents, données de recherche, revues et livres numériques. L’activité du groupe s'organise autour de quatre grands pôles :

  • Risque (34,2% du CA)
  • Scientifique, technique et médical (33,4% du CA)
  • Juridique (20,2% du CA)
  • Événementiel (12,2% du CA)

L’entreprise dessert plus de 180 marchés dans le monde et génère la majorité de ses revenus en Amérique du Nord (58% du CA). 

Le chiffre d’affaires et l’EBITDA de RELX ont une croissance moyenne annualisée (CAGR) de 5% et 7,3% respectivement entre 2014 et 2023. La part des revenus provenant des livres imprimés est aujourd’hui inférieure à 6%, alors qu'elle représentait les deux tiers de ses revenus 20 ans en arrière.

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Performance du cours 10 dernières années : +277% - Année en cours : +15,6%